E. Cesari : « Personne n’est chargé de la pédagogie sur les déchets »

Les intervenants de la 4e conférence nationale des déchets ménagers, organisée par le Syctom, l’agence métropolitaine des déchets, ont souligné l’immense effort de pédagogie et de stabilisation de son cadre législatif et fiscal dont l’industrie des déchets a besoin.

Face à une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dont la charge pour le Syctom va croître de 30 millions d’euros par an (*), la perspective de l’obligation de collecte séparée des déchets ménagers, dès 2024, et la nécessité de réduire toujours davantage la quantité de déchets produits, les intervenants des tables rondes de la 4° conférence nationale des déchets ménagers, organisée jeudi 4 mars 2021 par le Syctom, ont affiché leurs convergences de vue.

Eric Cesari, président du Syctom. © DR

Martial Lorenzo, le directeur général de l’agence métropolitain des déchets. © DR

Eric Césari s’est réjoui, en conclusion de la matinée, de la qualité des débats : « Nous ne souhaitons plus être dans un affrontement idéologique mais dans la recherche positive pour trouver ensemble des solutions pour préserver la planète, et faire en sorte que, demain, il y ait de moins en moins de déchets », a indiqué le président du Syctom.

Une TGAP « punitive »

Eric Cesari, comme d’autres intervenants avant lui, a dit son incompréhension face à la hausse drastique de la TGAP, une augmentation aveugle, « punitive », ne distinguant pas les comportements vertueux des autres, et n’encourageant donc pas les bonnes pratiques.

« Tout le monde ou presque estime qu’il faut affecter la TGAP à l’Ademe, afin de lui donner davantage de capacité à agir, a enchéri Pierre Hirtzberger. Mais cette taxe n’est toujours pas affectée, a déploré le directeur général des services techniques du Syctom. Taxer peut être vertueux, à condition toutefois d’encourager la vertu, et non de casser des outils industriels qui fonctionnent, sur la base d’aucune étude scientifique », a-t-il ajouté.

Martial Lorenzo, le directeur général de l’agence métropolitaine des déchets a appelé à une plus grande stabilité législative, financière et fiscale, rappelant que les investissements lourds nécessaires dans ce secteur d’activité avaient une durée d’amortissement longue.

Eric Cesari s’est félicité, en revanche, de la reconnaissance par l’Etat de la nécessité d’une territorialisation accrue des politiques publiques, et donc de leur différenciation, tenant davantage compte du contexte de leur mise en œuvre. Le président du Syctom a réaffirmé son hostilité à ce que l’agence métropolitaine des déchets se retrouve, demain, dans l’obligation de travailler avec des fonds de pension, dont la logique n’est pas, selon, lui, compatible avec les impératifs et l’esprit du service public. Une allusion à peine voilée à la cession, en cours de Dalkia Wastenergy (ex-Tiru), la branche déchet de Dalkia, qui fait craindre à certains des atteintes au statut des personnels. « Le service public que nous représentons est mieux à-même de mener le dialogue social avec les personnels, dont le dévouement à leur mission et la technicité est exemplaire, a-t-il souligné. Nous sommes un service public, et donc nous ne sommes pas là pour réaliser des bénéfices, ni pour verser des dividendes, mais pour rendre un service à la population ».

Résilience

Les différents intervenants se sont félicités de la capacité de résilience des acteurs du déchet, révélée au plus fort de la pandémie, qui a encouragé des comportements collectifs. Le besoin de pédagogie, à tous les niveaux, a été souligné, alors que l’obligation de tri des biodéchets s’appliquera dès 2024. Un sondage réalisé par Viavoice pour le Syctom a montré que plus d’un tiers des Franciliens ignorait ce que signifiait la valorisation des déchets.

Pierre Hirtzberger a décrit les défis de la collecte et du traitement des déchets alimentaires. « Il va nécessiter, au sein de l’agglomération parisienne, une organisation industrielle, les systèmes de collecte et de valorisation mis en place à l’échelle des quartiers ne pouvant suffire dans une métropole telle que le Grand Paris ».

Le directeur général des services techniques du Syctom a évoqué à ce sujet le méthaniseur dédié aux biodéchets, qui sera construit dans le port de Gennevilliers, et qui fera l’objet de la signature d’une convention mardi 9 mars prochain, pour une mise en service dès 2024-2025. « Le port de Gennevilliers a été choisi parce qu’il est adapté à l’accueil d’installation de ce type, tout en étant situé à proximité des populations concernées. » Cette unité de méthanisation sera dotée d’une capacité de 50 000 tonnes, soit un quart des quantité à traiter à l’horizon 2030, selon les projections actuelles.

« Remettre de la rationalité dans les débats »

« Nous constatons que la méthanisation fait parfois l’objet de levées de bouclier presqu’aussi virulentes que l’incinération », a indiqué Pierre Hirtzberger. Une remise en question récente de l’intérêt agronomique de cette filière, mettant en cause le retour au sol des produits organiques résiduaires issus de la méthanisation a également été évoquée par le DG des services techniques du Syctom. Or une littérature étoffée démontre leur innocuité. « Il va falloir remettre de la science et de la rationalité dans ces sujets, a conclu Pierre Hirtzberger, appelant à son tour à un effort collectif de pédagogie. Face aux réflexes de type « Not in my backyard » (Nimby), « le maire ou les maires des communes d’accueil sont les personnages centraux, a-t-il poursuivi. Sans leur assentiment, vous pouvez ranger vos projets d’installations sur vos étagères ».

Dominique Alba, DG de l’Apur. © DR

Pierre Hirtzberger, directeur général des services techniques du Syctom. © DR

« La plupart des gens ne comprennent rien au monde des déchets, a souligné la directrice de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) Dominique Alba. On comprend le monde de la voiture, de l’usine à la route, mais la méconnaissance du parcours des déchets limite la possibilité de l’intégration de leur traitement dans la ville, a-t-elle poursuivi. Il faut mettre en œuvre les processus qui fassent que chacun appréhende mieux ces questions dans leur complexité ».

 

* A compter de 2022, et de 10 millions d’euros dès cette année.

Sur le même sujet

Top