Charles-Antoine Depardon – Monsieur PLU

A 37 ans, Charles-Antoine Depardon a effectué une carrière multifacettes dans les métiers de la fabrique de la ville, qu’il décrit avec humilité et passion. Il figure parmi les auteurs du PLU bioclimatique de Paris. Un motif de fierté pour cet architecte sans excès d’ego.

« Jacques, vous devriez y aller », me dit-il, sympathique et fraternel, en parlant du Japon, dont il décrit avec passion un urbanisme incomparablement moins réglementé qu’en France. « Tout y est comme en Europe et tout y est différent », poursuit le directeur de cabinet adjoint de Lamia El Aaraje, adjointe à l’urbanisme à la maire de Paris, vantant les mérites du Japan rail pass, qui permet de parcourir le pays en TGV illimité. Il y a passé près d’un an, effectuant notamment un stage chez Junya Ishigami. Un architecte à la posture de démiurge, contre-exemple absolu pour Charles-Antoine Depardon : « Aucun de ses projets ne serait possible en France », résume-t-il. Pas d’égo d’artiste chez le fils ainé d’un des plus grands photographes contemporains vivants, Raymond Depardon, à la fois photojournaliste, documentariste, écrivain… et urbaniste. « Quand mon père photographie la France, il fait de l’urbanisme », déclare le fils, quand on lui demande ce qui l’a poussé à devenir architecte. Et c’est en regardant avec son paternel le documentaire de ce dernier sur les coulisses de la campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 (*) que lui vient l’envie de « faire plus tard du cabinet ».

Charles-Antoine Depardon. © Jgp

Les valeurs de l’éclectisme

Il loue à présent, par-dessous tout, les valeurs de l’éclectisme. « Aujourd’hui, c’est aussi vrai pour la plupart de mes condisciples de l’école d’architecture de Val de Seine, il n’est plus possible de faire 15 ans le même travail, dans la même entreprise ». Il poursuit : « Vous êtes dans l’empathie, m’a dit un jour Michèle Raunet (Cheuvreux notaires, ndlr), car vous savez aussi bien vous mettre à la place du pétitionnaire, que de l’élu, de l’architecte, ou de l’habitant ». La notaire est particulièrement élogieuse à son endroit, soulignant sa probité et un sens aigu de l’intérêt général. Les deux ont planché ensemble sur le PLU bioclimatique de la ville de Paris, la grande œuvre de ses dernières années professionnelles. « C’est pour mon passé de promoteur qu’Emmanuel Grégoire m’a recruté, il voulait un criminel repenti », sourit-il.

Charles-Antoine Depardon ne tarit pas de compliments sur les élus qu’il a servis, Emmanuel Grégoire hier, Lamia El Aaraje qui lui a succédé à l’urbanisme aujourd’hui, sans oublier Anne Hidalgo. « Rares sont les villes où l’urbanisme est aussi porté qu’à Paris », se félicite-t-il. Il relativise au passage les craintes des milieux économiques remontés contre le pastillage de bureaux désignés par la Ville pour être transformés en logements en cas de gros travaux. Il milite pour un PLU qui sorte de la parcelle, ce qu’initient l’urbascore et ses externalités positives, une des innovations majeures du PLU bioclimatique, que la ville s’apprête à adopter.

Il regrette, au passage, que les documents d’urbanisme français n’accordent aux questions financières et fiscales qu’une place négligeable, alors qu’elles représentent des leviers d’actions majeurs. Il montre une affiche écologiste de Paris, datant des années 1970 et représentant une Capitale sans voiture, parsemée d’éoliennes et de panneaux solaires, où la Seine est baignable et les passants épanouis. « On y est presque », affirme-t-il, enthousiaste.

« Il ne faut jamais rien lâcher »

« Il ne faut jamais rien lâcher, c’est ce que j’ai appris chez les archis », résume-t-il. Au début de sa carrière, il a dessiné les cellules des gardes à vue lors du concours du TGI de Paris pour Christian de Portzamparc et travaillé à la localisation de la gare TGV de Téhéran ou dessiné la Bahrain Frenchtown initiative, équivalent de notre PLU, lorsqu’il était chez Arep. Ses collègues de Lambert Lenack lui feront pourtant remarquer qu’il semble plus à l’aise lors des réunions avec les promoteurs ou les élus que derrière sa table à dessin. Ce qu’il reconnaît volontiers. Il complètera donc son cursus par un master Amur (Aménagement et maitrise d’ouvrage urbaine) à l’Ecole des Ponts et Chaussées. Une formation qui réunit cinq architectes, cinq juristes, cinq ingénieurs et cinq « Sciencespistes ». « Ça m’a complètement ouvert les chakras », dit-il.

Chez Pichet, où il est directeur des grands projets, il se livre totalement dans le concours pour un des lots du Village des athlètes. Qu’il finit par remporter. « Alors que tout le monde m’assurait que nous allions perdre ». Même pugnacité chez ce jeune père de famille, qui passe du temps avec son bambin dès qu’il en a l’occasion, lorsque les écologistes menacent de ne pas voter un PLU b jugé insuffisamment vert à leurs yeux. En quelques réunions, auxquelles il participe avec Stéphane Lecler, le directeur de l’urbanisme, dont il loue au passage « l’immense talent », il parvient à rétablir le consensus.

N’est-il pas écrasant d’être le fils d’une icône ? « Je suis si fier », résume-t-il, avant de souligner le rôle clé joué par sa mère Claudine Nougaret, ingénieure du son des films de son père, sans laquelle ce dernier ne serait pas ce qu’il est. Le souci d’équilibre, toujours et encore.

(*) « 1974, une partie de campagne »

Sur le même sujet

Top