Ch. Corazza (Women’s Forum) : « Les femmes doivent prendre toute leur place dans les métiers qui transforment le monde »

Chiara Corazza, directrice générale du Women’s Forum for the Economy & Society, récemment nommée membre du Comité économique et social européen, décrit son combat pour la place des femmes dans les métiers qui créent le monde de demain. Une mobilisation qui connaîtra son point d’orgue du 17 au 19 novembre prochains lors de l’édition virtuelle du Global meeting du Women’s Forum.

Quelle est l’actualité du Women’s Forum ?

Intense ! Tout au long de l’année nous avions prévu de tenir des Forums à Abu Dhabi, à la Sorbonne et au Louvre pour le Moyen Orient, à Chicago pour le Women’s Forum Amériques ou encore à Singapour pour notre Forum Asie… Nous avons œuvré à l’enrichissement de notre plaidoyer, en donnant corps à nos cinq groupes de travail, baptisés les « Daring Circles » : Women4AI, Women4Business, Women4Climate, Women4Health and Women4STEM (*). Autant de “task force” pour lesquelles je mets en œuvre la même méthode que celle que j’ai mise en place à Paris-Ile de France Capitale Economique : elle repose sur un diagnostic, du benchmark et la réunion d’un tour de table composé à la fois de représentants de grands groupes, des universitaires et des experts de tous bords, qu’ils proviennent d’ONG, de grandes organisations internationales telles que l’Unesco, l’OCDE, l’ONU, le FMI ou la Banque mondiale. Cela à un niveau naturellement international, l’ensemble des échanges s’effectuant en anglais. De là découlent des propositions sur les cinq thèmes précités, à la lumière du Covid-19.

Chiara Corazza (à droite), avec la nouvelle vice-présidente des Etats-Unis Kamala Harris et Star Jones, avocate et journaliste. © DR

Quelle est votre action face aux défis et aux métiers du futur ?

A l’issue du Sommet du G7 de Biarritz le gouvernement français m’a également chargée de la mission de mobiliser toutes les énergies possibles, pour attirer plus de femmes sur les métiers où l’on transforme le monde. C’est un thème sur lequel nous avons énormément travaillé pour attirer l’attention sur le fait que si les femmes ne sont pas assez présentes sur les sujets du climat, de l’intelligence artificielle… Si nous ne contribuons pas à inventer les métiers du futur, on crée un monde dangereux en dehors duquel la moitié de la population serait cantonnée. Pour ne prendre qu’un exemple, on ne compte que 24 % de femmes dans les métiers Stem (Science, technology, engineering and mathematics), qui sont pourtant ceux qui recrutent massivement.

Pourquoi cette sous-représentation ?

Elle s’explique bien souvent par le fait que les femmes ne se dirigent pas spontanément vers les Stem. Non pas parce ce que les hommes les en empêcheraient mais parce qu’au moment de choisir leurs études, les femmes continuent majoritairement d’opter pour les humanités, plutôt que les sciences et les mathématiques. Il faut expliquer aux filles, à leurs parents, ainsi qu’aux éducateurs l’importance de veiller à ce que les femmes aient les mêmes expertises, les mêmes atouts que les hommes, dans les métiers, les secteurs les plus innovants.

Edition 2018 du Women’s Forum, au Carroussel du Louvre. © Jgp

Quels sont vos moyens d’action ?

Nous venons par exemple d’adresser des recommandations fortes au chefs d’Etat du G7, pour les alerter sur le déséquilibre qui caractérise encore hélas la place des femmes (voir ci-dessous) et faire en sorte qu’elles soient pleinement impliquées dans le plan de relance. J’ai d’ailleurs reçu une réponse personnelle du président Macron, me disant à quel point il estimait nos recommandations pertinentes et correspondant parfaitement aux priorités du Gouvernement. Nous avons récemment organisé, par ailleurs, une série de forums virtuels, par exemple avec le New York Times, lors duquel nous avons pu dialoguer avec des personnalités telles que Madeleine Albright, Melinda Gates, ou Hillary Clinton. Et notre action connaîtra un point d’orgue lors de l’édition 2020 de notre Global Meeting, qui se tiendra, de façon 100 % virtuelle, du 17 au 19 novembre prochains (voir encadré ci-dessous).

Vous avez récemment rencontré la future vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris…

Tout à fait. Grace à l’introduction de Star Jones (avocate, journaliste), un pilier du Women’s Forum, nous avons pu échanger sur des questions telles que la place des femmes dans l’économie, l’accès aux financements ou l’égalité de genre et le leadership féminin dans des secteurs clés tels que le climat et l’avenir du travail.

Continuez-vous à défendre le Grand Paris ?

Dès que j’en ai l’occasion. Je vais relancer par exemple le Cercle des femmes du Grand Paris. Beaucoup de choses ont bougé depuis le lancement du Cercle, en juillet 2016. J’ai organisé récemment, dans ce cadre, autour de Nadia Hai, la ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville, une rencontre avec les membres de ce Cercle et, au-delà, avec des femmes actrices dans les secteurs du bâtiment, des infrastructures, de tous les métiers de la fabrique de la ville. Avec comme ligne directrice, le fait que nous souhaitons placer les femmes au cœur de l’économie, dans ces métiers également. Ce fut pour moi l’occasion de souligner auprès de Nadia Hai l’ampleur et la dimension internationale du projet du Grand Paris. C’est une ministre de la ville qui m’a impressionnée lors de ma première rencontre, au moment de la remise du rapport auquel j’ai contribué sur la mixité dans les banlieues, rédigé par Anthony Babkine, le créateur des Diversidays, qui fait des choses formidables.

Quelles initiatives portez-vous avec Nadia Hai ?

Il y a l’idée de créer ensemble un premier pool emploi féminin, en lien avec le Cercle des femmes du Grand Paris. Nous étudions actuellement quelle pourrait être sa localisation en Ile-de-France, avec plusieurs membres du Cercle, dont Marianne Louradour, la directrice Ile-de-France de la Banque des territoires, ou Marianne de Battisti, membre du Comex d’Icade en charge de la communication et des relations institutionnelles. Il s’agira notamment de mettre en lumière l’entreprenariat au féminin.

(*) Science, Technology, Engineering and Mathematics

Consultez la lettre ouverte aux dirigeants du G7 publiée par Chiara Corazza dans La Tribune. 

Les femmes représentent aujourd’hui (*) :

Monde

  • 24 % des professionnels dans les STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématique)
  • 22 % des concepteurs d’algorithmes
  • 11 % des employés dans la cybersécurité
  • 6 % des CEO
  • 12 % des CFO (directeurs financiers)
  • 2 % des managers dans la finance

Europe

  • Moins d’un diplômé sur cinq dans le domaine des sciences

France

  • 18,2 % des membres des comités exécutifs
  • 44,6 % des membres des conseils d’administration
  • 27 % des codeurs

Seules 19 femmes figurent parmi les 610 personnalités ayant reçu un prix Nobel scientifique depuis 1903.

*Source : Rapport « Les femmes au cœur de l’économie – La France pionnière du leadership au féminin dans un monde en pleine transformation » de Chiara Corazza, directrice du Women’s forum, remis au gouvernement en janvier 2020.

 

 

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