C. Znaty (Medef Paris) : « On ne peut pas tout le temps demander à l’Etat de financer »

Le nouveau président du Medef Paris, Charles Znaty, craint que la reprise de l’activité économique dans la région parisienne ne soit perturbée sur le long terme à cause de l’absence des touristes et autres visiteurs étrangers ou français. Il défend notamment une approche territoriale et non sectorielle pour la reprise et espère que collectivités locales, entreprises et ménages pourront être les acteurs de cette reprise.

Quelles sont les retombées du Covid-19 sur l’économie de la Capitale ?

Il est très compliqué d’isoler de façon précise l’impact économique de la crise du Covid-19. Premièrement, les dispositifs mis en place par le gouvernement pour les entreprises – prêt garanti par l’Etat ou chômage partiel – leur ont permis de faire face à l’urgence et sont venus lisser l’impact économique négatif. Cela a soulagé la trésorerie et, sans ces mesures de soutien, l’effet aurait été immédiatement catastrophique.

Mais les très grandes difficultés vont intervenir dans le futur. Si les entreprises se sont retrouvées sans recettes aux mois de mars et avril, les charges ont continué à courir. Donc ce manque à gagner va se projeter dans trois voire six mois et, à ce moment-là, nous aurons un problème. Nous ne pouvons pas uniquement financer le manque à gagner avec de la dette, parce qu’on alourdit les charges de l’entreprise, ce qui pèse sur la rentabilité et la compétitivité. En somme, les entreprises n’ont pas eu de recettes, mais se sont endettées, elles ont donc amassé du passif pendant le confinement.

Charles Znaty, président du Medef Paris. © DR

Paris est-elle plus impactée par l’épidémie de Covid-19 ?

On a expliqué au bassin de population parisien qu’il était préférable qu’il reste en télétravail, qu’il continue à appliquer les gestes barrière et la distanciation sociale, ce qui forcément ralentit l’activité économique. Mais Paris est aussi une destination, et une grosse partie de l’activité provient du tourisme et du tourisme d’affaires, très dense dans la région. L’absence des Français et des étrangers représente un manque à gagner qui se chiffre entre 40 et 50 millions de personnes.

Je dirais que la région vit de l’activité de ses habitants et des gens qui viennent d’ailleurs dans une proportion proche du moitié-moitié. Si vous retirez les gens de l’extérieur, l’économie parisienne souffre de manière beaucoup plus importante que n’importe quelle autre grande agglomération française. Pour une fois, Paris est bien plus impactée par la limitation des déplacements du fait de son pouvoir d’attractivité habituelle, à l’image de Londres et de New-York.

Quelles sont les mesures que vous proposez pour une relance efficace ?

Nous sommes en faveur de l’élaboration d’un cadre législatif qui sécurise les non professionnels de l’investissement, notamment les ménages. Dans un premier temps, nous devons trouver, au sein des entreprises, des façons d’obtenir des rendements qui soient significativement plus importants que les rendements purement financiers comme les livrets d’épargne. En quelque sorte, des formes d’épargne entrepreneuriale, auxquelles on associerait les professionnels de l’investissement, les institutions et les ménages afin d’accompagner les entreprises dans le renforcement de leurs fonds propres.

Je pense que l’Etat pourrait mettre en place ce dispositif légal qui encadrerait et assisterait. Il n’est pas nécessaire d’utiliser de l’argent public pour venir en aide aux entreprises, de l’argent, il y en a, il est disponible, que ce soit dans les banques, les fonds d’investissement, les mutuelles, les assurances et l’épargne des ménages. Ce mécanisme pourrait permettre d’accélérer les transitions environnementale, sociale ou digitale. Les ménages pourraient ainsi devenir les acteurs de la transformation environnementale, de la reprise et de la création d’emploi futur.

En somme, privilégier les entreprises qui investissent dans la transition environnementale ?

Pour tout ce qui concerne les aspects liés à la transition environnementale et sociale, il existe beaucoup d’entreprises qui sont déjà engagées dans cette voie. Il existe une écologie politique mais aussi une écologie économique, car beaucoup d’entre elles ont compris leur intérêt et se sont rendues compte que cela correspondait à leur valeur que de s’engager dans cette voie. Il y a du militantisme c’est très bien, mais vous avez aussi une écologie d’action dans les entreprises. De mon point de vue, il est préférable d’encourager, avec un cadre législatif adapté, des démarches vertueuses et pas seulement de sanctionner celles qui ne le sont pas.

« L’absence des Français et des étrangers représente un manque à gagner qui se chiffre entre 40 et 50 millions de personnes », s’alarme Charles Znaty. © Jgp

Par exemple, la Convention citoyenne pour le climat a proposé une taxe sur les dividendes de 4 % [au-delà de dix millions d’euros, ndlr]. C’est une possibilité, mais il est plus intéressant de diminuer le frottement fiscal sur des investissements axés sur la croissance durable, environnementale, sociale et digitale. Et si nous diminuons ce frottement fiscal, automatiquement les investisseurs vont trouver préférable d’investir dans l’économie verte car elle sera moins taxée.

Cela passerait notamment par des incitations fiscales ?

Il va de l’intérêt de l’Etat de mettre en place des mesures peu coûteuses pour son budget qui vont permettre de stimuler l’activité économique. Il peut donc être plus vertueux de mettre en place des incitations fiscales qui accélèrent la reprise. Plus l’activité des entreprises va reprendre – et alors qu’elles sont les principaux pourvoyeurs de recettes pour le budget de l’Etat – plus leur contribution augmentera. Et l’Etat a besoin de combler le déficit et le coût de toutes les mesures sanitaires engagées.

Par ailleurs, les incitations fiscales ne coûtent rien au budget. Mais je crois que c’est une solution largement engagée, les annonces du gouvernement à ce sujet sont très satisfaisantes, en particulier tout ce qui est lié à la prolongation du chômage partiel. Beaucoup de secteurs vont pouvoir bénéficier, à compter du 1er septembre, du chômage partiel longue durée notamment.

Distribution de masques dans le Val-de-Marne. ©CD94

Quel rôle voyez-vous pour les collectivités territoriales ?

Dans le contexte actuel, le poids de l’Ile-de-France dans le PIB national est tellement prégnant que des mesures uniquement sectorielles ne peuvent suffire. Je pense aussi qu’il est très important d’engager les collectivités territoriales dans une participation plus active sur ces questions. On a bien vu pendant la crise du Covid-19 que l’Etat faisait certes beaucoup de choses, mais que celles-ci ont pris des initiatives importantes.

Je souhaite donc que l’on conserve cet aspect positif de la crise afin que les collectivités ne se limitent pas à faire respecter la réglementation et à assurer la courroie de transmission des grands services de l’Etat. Nous sommes en faveur d’un renforcement et d’un rapprochement entre les entreprises et les collectivités territoriales pour qu’elles apprennent à dialoguer encore mieux, à collaborer et travailler ensemble.

Quand, selon vous, faudrait-il mettre en place les mesures que vous défendez ?

On nous annonce du côté du ministère de l’Economie une grande concertation pendant l’été sur ces sujets et un dispositif qui serait susceptible d’être annoncé à la rentrée en septembre. Je trouve cela dommage, c’est trop loin, nous avons besoin de donner aux chefs d’entreprise des signaux forts pour qu’ils puissent se projeter. A minima une feuille de route avec des grands axes. Une manière de mettre un terme à cette situation incertaine et de leur dire : « ne vous découragez pas, ça va venir, nous sommes en train d’étudier les modalités ». Ces mesures, même si elles ne sont pas encore totalement ficelées, donneraient de l’optimiste aux chefs d’entreprise de la région.

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