B. Landau : « Mettre la Seine dans la réflexion métropolitaine »

L’association La Seine n’est pas à vendre a été créée début juin 2018 en réaction à certains projets d’urbanisme parisiens. Son président, Bernard Landau – architecte voyer honoraire de la ville de Paris – explique cette initiative et les raisons pour lesquelles le fleuve devrait être pris en compte comme un élément structurant de la construction métropolitaine.

Comment est venu l’idée de créer l’association La Seine n’est pas à vendre ?

Cela résulte de la conjonction de plusieurs faits. Dans un premier temps, un groupe d’architectes, d’urbanistes et de philosophes avertis de la proposition de créer des passerelles habitées dans le cadre de l’appel à projets « Reinventing cities » a publié une tribune dans Libération et lancé une pétition pour la contester notamment sur la méthode. Ensuite, le projet lauréat de « Réinventer la Seine » sur le site de la place Mazas qui vise à construire sur une tête de pont nous a aussi fait réagir.

Bernard Landau

Bernard Landau. © DR

Un mouvement de sympathie s’est créé autour de nos prises de positions et nous avons donc pris la décision de nous structurer en association. Dans le débat actuel sur la métropole du Grand Paris, la Seine ne nous semple pas suffisamment prise en compte. Notre initiative participe à la mettre dans la réflexion métropolitaine.

Que reprochez-vous aux deux projets que vous citez ?

S’agissant des passerelles habitées, nous ne voyons pas vraiment en quoi cette idée est un élément de la ville écologique du XXIe siècle portée par la mairie, ce n’est pas une idée moderne. Ce projet risque de rouvrir la possibilité de construire sur des ponts, ce qui à notre sens est inconcevable. D’autant que pour trouver un équilibre économique, les participants seront sans doute amenés à proposer des constructions sur les quais. Je rappelle par ailleurs que Paris a déjà le record du monde des ponts – alors qu’il y a un manque de franchissements à l’extérieur de la Capitale – et que la Seine constitue une respiration dans cette ville très dense. Il y a donc un désaccord sur la forme et le fond.

Le projet prévu sur la place Mazas offre également un précédent inédit puisque, à part le ministère des Finances, il n’y a pas un seul bâtiment à Paris en tête de pont. Il faudra par ailleurs déclasser des parcelles du domaine public pour permettre cette construction. Je suis enfin très étonné qu’il n’y ait pas eu de concertation sur ce site alors que cela fait partie des habitudes de la mairie de Paris d’en mener en matière d’urbanisme. Nous n’adhérons pas à cette conception de l’urbanisme.

Atelier de l'Arsenal

Projet lauréat de « Réinventer la Seine » pour le site de la place Mazas (12e arr.). ©Weiss images/laisne roussel/SO-IL

Dans les deux cas, s’il y avait nécessité de réaliser de tels projets, nous ne comprenons pas qu’ils ne viennent pas à l’initiative de la collectivité, et qu’ils ne soient pas conçus par ses équipes d’ingénieurs des travaux publics.

Que critiquez-vous quant à la méthode ?

Nous ne sommes pas opposés au principe des appels à projets, mais en ce qui concerne les passerelles habitées, ce qui m’ennuie, c’est qu’il n’y a pas de méthode. Il n’y a pas d’éléments de programme ou d’études pour justifier ce projet. C’est un urbanisme « poker » : « On aimerait bien faire quelque chose, montrez-nous quoi, et nous ne mettrons pas d’argent. »

Plus généralement, quel message porte l’association concernant la Seine ?

L’axe Seine est un des sujets qui fédère le plus les acteurs, nous souhaitons donc les réunir pour une meilleure prise en compte du fleuve, notamment pour les habitants en développant l’accès aux berges. Faut-il organiser un débat ou une conférence de consensus ? Nous souhaitons participer au débat sur la Seine comme élément de structuration de la métropole. Nous allons travailler pendant l’été afin d’être force de propositions. Le sujet est aujourd’hui insuffisamment porté, or s’il y a un sujet qui peut être compris par tout le monde, c’est celui de la Seine.

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