L’ancien patron de La Française, désormais président de l’IEIF, a passé sa vie à sillonner le monde, en Mozart, ou plutôt Clapton, de la gestion d’actifs.
« Mon père était un type rigolo, anti-conformiste », répond-il, quand on lui demande quelles sont ses origines. L’appartement parisien de Xavier Lépine, désormais président de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF) et senior advisor de Rotschild & Co, est jonché de Gibson et de Fender. Il y reçoit des dirigeants le midi et sa bande de potes le soir. « Je vis souvent en coliving et fréquente des trentenaires, ce qui surprend mes enfants, plus âgés ! », confie-t-il, en jean et chemise blanche.
Féru de rock’n roll
Ce cofondateur du fonds de dotation de la Société du Grand Paris est féru de rock’n roll, autant que d’art contemporain. « Après avoir été élevé chez les pères, puis fait la guerre, subit les centraliens et l’intransigeance des banquiers, mon père était à la fois anticlérical, antimilitariste, anti-centraliens et anti-banquiers. Cela m’a permis de rester en dehors des lignes. Moi, ma ligne s’est brisée alors que j’avais 16 ans », poursuit-il, le regard soudain perdu dans le vague. Un accident de moto lui vaudra un an et demi d’hôpital et 30 opérations. « Dans ces cas-là, soit vous vous laissez abattre, soit vous bouffez la vie », résume Xavier Lépine. Il choisit la seconde option.
Son 3e cycle en économie et finances internationales (Paris-Dauphine) en poche, il intègre la Banque de l’Union européenne (BUE), originellement banque d’affaires du groupe Schneider et alors tout juste nationalisée, où il s’occupe de financement de projets. Il cite une usine de pâte à papier en Colombie ou un aéroport au Bangladesh au titre de ses réalisations.
Pionnier d’Excel, intrapreneur dans l’âme, il crée sa boîte au sein de la banque, vendant aux exportateurs français des tableurs de calculs financiers. Puis il représente la BUE au sein du Club de Londres, qui rassemble les banques occidentales face aux dettes souveraines des pays émergents dans des négociations souvent tripartites avec le FMI, en Amérique latine notamment. Ce sera un de ses coups de maître : « La dette de ces pays se vendait de 5 % à 35 % de leur valeur nominale. Mon idée a été de monter une structure pour les racheter ». Jean-François Hénin (Altus), lui octroie 100 millions de dollars dans ce but. Le patron de la BUE lui donnera autant. Et les créances ainsi acquises se valorisent rapidement.
« A la fois visionnaire et plein d’humanité »
Xavier Lépine réitérera de semblables success story, notamment lors des privatisations russes au milieu des années 1990 et dans différents hedge-funds. « Souvent contrariant sur les marchés, j’aime les primes de complexité, de liquidité, de rareté, survendu, innovant… tout ce qui est alternatif », confie-t-il.
Après quelques années chez Fortis, il rejoint le Crédit mutuel Nord Europe, au sein duquel il portera le portefeuille de La Française de 3 à 70 milliards d’euros, en internationalisant son activité de gestion d’actifs, tout en l’orientant vers les investissements ESG dans lesquels il voit, avant les autres, le nouvel eldorado. La flexi-propriété mise en place par La Française ou les dispositions de la loi Elan sur la transformation des bureaux en logements lui doivent beaucoup.
Son temps libre, il rêve de le mettre encore davantage au service du Grand Paris et « en même temps », macroniste de la première heure, il reprendra du service dans la prochaine campagne présidentielle. « Xavier est à la fois visionnaire et plein d’humanité », résume la directrice générale du Women’s forum, Chiara Corazza. Pour Alexandre Missoffe, directeur général de Paris-Ile de France Capitale économique, « Xavier Lépine sait allier l’enthousiasme communicatif de ses intuitions avec la rigueur d’analyse d’un grand professionnel ». Qui ne se prend toujours pas au sérieux.