Th. Febvay : « La recapitalisation de l’EPA Orsa est un signe fort de confiance de la part des élus »

Thierry Febvay, directeur général de l’établissement public d’aménagement Orly Rungis Seine Amont (EPA Orsa), explique les raisons de la récente décision de son conseil d’administration de re-capitaliser l’établissement. Il revient également sur les conséquences de la Covid-19, considérée comme un « accélérateur de tendances », ou sur les conditions de l’équilibre financier d’une opération d’aménagement à l’heure du zéro artificialisation nette des sols (ZAN).

Quel bilan dressez pour l’EPA Orsa en 2020 ?

Nous avons été très occupés, comme tout le monde, par la gestion de la crise sanitaire. Mais notre établissement a également connu des avancées positives, notamment lors du conseil d’administration du 20 novembre 2020 qui a validé l’opération de recapitalisation de l’EPA Orsa, pour un montant de 30 millions d’euros.

Thierry Febvay, lors d’un déjeuner de présentation de l’hôtel logistique des Ardoines, en octobre 2017, avec Anne Maikovsky, directrice territoriale Grand Paris Seine Amont de GPA, et Jonathan Sebbane, directeur général de Sogaris. © Jgp

Pourquoi une telle décision était-elle nécessaire ?

Cette capitalisation était la condition permettant à l’EPA de mettre en œuvre dans de bonnes conditions et à organisation constante, c’est-à-dire avec une gouvernance indépendante, un président et un budget propre, les opérations que nous pilotons dans le cadre de l’opération d’intérêt national (OIN) Orly Rungis-Seine Amont. Ce conseil a été pour nous un moment important, cette recapitalisation traduisant le renouvellement de la confiance que nous accordent les différentes parties prenantes, au premier rang desquelles les communes, mais aussi le département du Val-de-Marne et l’Etat, qui s’étaient déjà engagés. Cela matérialise l’attachement des élus pour l’EPA Orsa, dans le cadre de sa fédération avec Grand Paris aménagement. C’est une décision forte, particulièrement dans le contexte actuel, en faveur de notre gouvernance.

Comment se répartissent ces 30 millions d’euros ?

Ils s’étendent sur une période allant jusqu’à 2025 et sont apportés, pour un tiers chacun, par l’Etat, le Département et les autres collectivités concernées. Des discussions sont en cours avec la région Ile-de-France et la Métropole, afin qu’ils rejoignent le « pack » des financeurs de l’EPA qui, tous, siègent à son conseil d’administration.

La capitalisation initiale de l’EPA avait-elle été sous-dimensionnée ?

Il n’était pas possible de prévoir à l’origine le développement de toutes les opérations, ni l’ampleur des investissements à réaliser. Nous comptons aujourd’hui 12 opérations actives et un portefeuille important d’opérations en cours de réalisation. L’EPA Orsa a la particularité d’intervenir sur un périmètre qui est à 99 % composé de zones en renouvellement urbain. Il s’agit de reconversion de zones économiques en déprise, ou de renouvellement urbain plus classique. Refaire la ville sur la ville est vertueux, cela évite le mitage et l’extension urbaine, la consommation de foncier agricole. Mais, à l’évidence, ces opérations se révèlent plus longues et donc plus coûteuses. Il faut s’approprier le foncier, parfois devant le juge. Le prix du foncier est par ailleurs plus élevé en zones déjà construites. A cela s’ajoutent les coûts de déconstruction et très souvent de dépollution. Tout cela produit un prix de revient du foncier aménageable nettement supérieur à celui d’opérations réalisées en tissu urbain moins dense.

Cherchez-vous en outre à maîtriser les prix de sortie ?

Absolument. Nous avons des exigences, en relation étroite avec les collectivités, visant à ne pas susciter de hausse des prix de l’immobilier. C’est la raison pour laquelle nous ne pratiquons donc pas la mise aux enchères des terrains. Nous veillons, par ailleurs, à une programmation équilibrée entre logement social, libre et en accession, avec, à chaque fois, des équilibres à trouver concernant les équipements et les espaces publics nécessaires, ainsi qu’à propos de la présence du végétal dans la ville.

Quels sont les métiers de l’EPA Orsa ?

Nous en exerçons principalement deux : celui d’aménageur, mais nous réalisons aussi des missions d’ingénierie territoriale, qui fut historiquement notre premier métier, poursuivi depuis notre création, avec des moyens spécifiques. Il s’agit de réaliser un ensemble d’études qui préparent les projets de demain et permettent de coordonner des acteurs dans la mise en œuvre d’une stratégie de mutation de l’ensemble de l’opération d’intérêt national, au-delà de notre métier d’aménageur pur et dur. Le CA du 20 novembre a approuvé, à ce sujet, une convention triennale 2021-2023 d’ingénierie stratégique de développement de 5,4 millions d’euros pour les trois prochaines années, soit 1,8 million d’euros par an, pour développer un programme d’actions composé de 37 études menées à l’échelle de l’OIN.

Quelle est l’orientation de cette convention ?

Elle accentue encore notre prise en compte des enjeux environnementaux : je pense aux matériaux biosourcés, aux enjeux climatiques dans leur ensemble, alors que la crise sanitaire a accru encore notre niveau d’exigence sur ces questions. Cela se traduit par la mise au point de référentiels de réemploi, et de recyclage des matériaux de déconstruction, puisant notamment dans l’expérience de l’opération que nous avons réalisée lors de la déconstruction de la cité Gagarine, à Ivry-sur-Seine, qui constitue une première en France à cette échelle, équivalente à trois tours Eiffel.

Thierry Febvay, avec Christian Favier, lors des voeux de l’EPA Orsa © Jgp

Allez-vous réitérer ce type d’opérations ?

Nous allons procéder de façon similaire sur les berges de l’Yerres, à Villeneuve-Saint-Georges, au sein du quartier du Blandin, soumis au risque d’inondation. Nous y acquérons des emprises, du foncier et des pavillons, en vue d’en faire un espace naturel sensible, doté d’une zone humide. Le développement économique constituera une des autres priorités de notre intervention dans ce territoire, qui est aussi un territoire industriel. Nous sommes également partie prenante de la démarche de projet partenarial d’aménagement (PPA) Grand Orly, qui comporte des volets aménagement, développement économique et relatif aux mobilités. Nous travaillons aussi dans le cadre de ce programme sur la stratégie numérique, la requalification des zones d’activité économique ou sur les rez-de-chaussée actifs.

L’EPA Orsa est accompagné d’un comité des acteurs sociaux, économiques et culturels : quel est son rôle ?

Un conseil des acteurs sociaux économiques et culturels du territoire, composé des syndicats, d’associations de défense de l’environnement, d’institutions culturelles ou de grandes entreprises du territoire, nous accompagne et nous conseille depuis le début. Ce lieu de dialogue et de concertation, animé par le Codev (conseil de développement du Val-de-Marne), va se pencher cette année notamment sur les questions de santé et d’urbanisme.

Quelles sont les conséquences de la Covid-19 sur votre activité ?

La pandémie s’est tout d’abord traduite, en mars dernier, par un arrêt total de nos chantiers, en attendant la publication du guide de prévention sanitaire qui nous a permis de tous les reprendre. Soit un mois et demi d’arrêt. Cela n’a pas eu de conséquences financières importantes, mis à part quelques avenants liés à l’immobilisation des chantiers. Nous n’avons pas ressenti de séisme, que ce soit d’ailleurs à l’échelle de l’EPA Orsa ou de celle de GPA, sur les opérations déjà lancées.

Plus globalement, les conséquences vont être liées au décalage du calendrier des procédures lié au confinement, aux arrêts de chantier d’une part et à la suspension de l’instruction des documents d’urbanisme d’autre part. Certains signaux nous conduisent cependant à nous interroger quant à l’impact de la crise sur les nouveaux projets. C’est vrai pour le logement. On n’évalue pas encore comment va se comporter la demande. Et face à une exigence renouvelée des acquéreurs, tous les produits ne bénéficieront pas d’une égale attractivité. La spatialisation de la demande risque d’évoluer, tout comme le type de logements qui va être recherché.

Et concernant le tertiaire ?

Nous manquons de recul pour nous prononcer, mais la demande à venir me semble fragilisée, qui plus est dans un territoire où il n’est pas rare que l’immobilier économique rencontre déjà des difficultés de commercialisation. Globalement, nous vivons la crise de la Covid-19 comme un accélérateur de tendances, qui nous impose de faire encore mieux que ce que nous faisions jusqu’à présent.

Quelle est votre appréciation du « zéro artificialisation nette » des sols ?

Nous venons de présenter le dossier de réalisation de la ZAC Chemin des carrières, à Orly. On y augmente de façon très significative le coefficient de pleine terre. Traditionnellement, nos opérations partent d’espaces imperméabilisés pour aboutir à des espaces mixtes. Nous faisons donc mieux que le ZAN : nous sommes un vecteur de naturalisation des terres important. Sur les berges de l’Yerres, à Villeneuve Saint-Georges, nous allons jusqu’à désurbaniser, ce qui est assez radical et économiquement atypique, puisque nous ne cédons là aucune emprise et ne récoltons donc aucune recette issue de cessions.

Cela n’est jamais simple, une opération en extension urbaine est beaucoup plus facile économiquement que la requalification d’une zone d’activité économique en déprise, sur laquelle des investissements publics colossaux sont à réaliser. Grand Paris aménagement s’inscrit dans cette même trajectoire, portée par l’Etat et par le conseil régional, de zéro artificialisation nette des sols. Cela suppose des politiques publiques qui soutiennent ces programmes.

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