Le stade et le club de football de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) sont-ils maudits ? Alors que leur avenir semblait une bonne fois pour toute sécurisé avec le rachat du premier par Réalités suite au concours urbain IMGP 2 et du second par 777 Partners, le promoteur est au bord de la faillite, ligne rouge que le fonds américain a déjà franchi. Si les présidents de Réalités et du Red Star ont tenté de rassurer les élus municipaux le 18 novembre, tout l’enjeu consiste désormais à réussir à franchir les prochaines étapes.
Pour rassurer ses élus, Karim Bouamrane, le maire de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avait invité au conseil municipal du 18 novembre Yoann Choin-Joubert, président de Réalités, et Patrice Haddad, président du Red Star FC, à exposer « en toute transparence » la situation des structures qu’ils dirigent et des projets qu’ils portent. Car le moins que l’on puisse dire est que leur situation respective est « délicate, voire difficile », a reconnu Yoann Choin-Joubert, mais « pas irrémédiable », a-t-il prévenu.
L’alerte a été donnée par l’arrêt des travaux sur le stade Bauer à la fin octobre. Après l’inauguration de la tribune est en janvier dernier, le chantier devait se poursuivre par la rénovation des tribunes nord et ouest et la construction de la Bauer box, l’ensemble immobilier prévu par Réalités pour assurer le montage économique du projet. Plombé par la crise de l’immobilier couplée par les difficultés d’accès aux financements, le promoteur, qui a perdu en promotion 100 millions d’euros cette année après 50 millions l’an dernier, est entré en procédure de conciliation en juillet dernier. L’objectif est de pouvoir ré-étaler la dette de la société cotée, tout en menant un recentrage sur ses activités. L’enjeu, au final, est d’éviter d’en arriver au redressement judiciaire, destin de sa filiale rennaise de construction bois hors site Mayers.
Echec des négociations avec l’Américain Todd interests
« Toutes ces opérations de restructuration prennent beaucoup de temps, ce qui a justifié la suspension du chantier », a expliqué Yoann Choin-Joubert devant les élus. Il espère une reprise des travaux début 2025, et une livraison début 2026, soit trois à six mois de retard. Mais bien qu’il ait assuré que « le projet se finira, que ce soit du côté du stade ou de la Bauer box », les échéances à venir laissent planer un sérieux doute.
La SCI qui a racheté le stade est détenue à 55 % par Réalités et 45 % par la Caisse des dépôts. « En cas de disparition de Réalités, la CDC prendra le relais », a prévenu le dirigeant du promoteur nantais. Alors que les négociations avec l’Américain Todd interests pour la vente du stade et du club du Red Star ont échoué, Réalités cherche un autre acquéreur. En effet, deux ans après avoir été racheté par 777 Partners, le Red star est à nouveau à vendre lui aussi, suite à la faillite du fonds d’investissement américain début octobre qui avait toutefois injecté les 30 millions prévus dans le deal. « A-Cap, une société d’assurances américaine et créancière de 777 Partners, a pris le contrôle des clubs détenus par le fonds et une banque a été mandatée pour trouver un nouvel acheteur », a informé Patrice Haddad, confirmant que des « réflexions autour du stade avec A-Cap et Réalités sont en cours ».
Des élus circonspects
Quant à la Bauer box, elle devait être vendue à l’école de commerce Audencia, mais cette dernière a choisi un autre site à Saint-Ouen. « Mon tort, a reconnu Yoann Choin-Joubert, est d’avoir lancé le chantier sans financement et sur nos fonds propres de manière à pouvoir tenir l’agenda ». C’est donc la SCI qui doit prendre le relais désormais, sachant que Réalités a investi 36 millions d’euros sur les 50 millions du projet. De plus, le garant financier de l’opération, soit le groupe d’assurance CEGC, filiale de BPCE, « va racheter 10 millions d’euros sur l’actif Bauer pour boucler le plan financier de l’opération », a également indiqué Yoann Choin-Joubert. Mais cela est provisoire, car ce dernier espère bien trouver un nouvel acquéreur.
Certains élus sont restés assez circonspects face à ce tableau aussi complexe que sombre de la situation. Ludmila Petchenina, conseillère municipale, a estimé que la difficulté de ce dossier ne tenait pas uniquement à « la crise immobilière, mais à la façon dont il a été géré ». Pour Shahin Vallée, conseiller municipal, l’erreur n’a pas été de vendre à Réalités, « car la ville n’avait pas les moyens de porter ce projet ». En revanche, il trouve la situation présentée peu « réaliste ». « J’ai du mal à croire que tout cela se solde par trois à six mois de retard », a déclaré l’élu, doutant de l’intérêt d’un éventuel acquéreur pour la box et le stade au regard de la crise immobilière.