P. Ollier : « Nos 3 priorités sont la relance économique, la transition écologique et le rééquilibrage territorial »

Patrick Ollier, reconduit à la présidence de la Métropole en juillet dernier, explique sa position dans le différend fiscal qui l’oppose aux Territoires. Il revient sur la mobilisation de la MGP dans le cadre du Covid-19 et sur la feuille de route du mandat qui s’ouvre.

Quel regard portez-vous sur l’opposition des Territoires au transfert de la dynamique de la cotisation foncière des entreprises (CFE), des caisses des EPT à celles de la MGP ?

C’est toujours la même chose. Les Territoires agissent afin que rien ne change et qu’ils puissent garder leurs avantages. La Métropole, de son côté, souhaite simplement pouvoir disposer d’un budget suffisant pour agir. Ce budget propre, qui s’élevait en 2020 à 215 millions d’euros, sera soumis dès l’année prochaine à une forte tension du fait de la diminution de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), qui atteindra plusieurs dizaines de millions d’euros.

Patrick Ollier. © Jgp

Où se situe la vérité dans tout cela ? Je pense qu’elle est, comme bien souvent, entre les deux. J’ai discuté avec Olivier Dussopt, le ministre des Comptes publics, de l’amendement que le gouvernement s’apprête à faire voter en séance publique. Il me convient, même s’il fait perdre, en fin de compte, 25 millions d’euros à la Métropole, ce qui est considérable. Et presque rien aux Territoires. L’amendement que les Territoires souhaitaient voir défendre aboutirait, lui, à ce que la Métropole se retrouve en déficit de 120 millions d’euros. J’indique enfin, ce qui est systématiquement oublié, que la Métropole est la seule à supporter les baisses des dotations de l’Etat en assurant un rôle d’amortisseur au profit des communes et des Territoires, pour un total cumulé de 164 millions d’euros depuis 2016.

Vous estimez que c’est inacceptable ?

En effet, car cela reviendrait tout simplement à me demander de fermer la Métropole et à démissionner de mes fonctions. Je conçois que les Territoires tentent de défendre les amendements qui leur semblent utiles. Pour eux. Mais leur adoption placerait la Métropole dans une situation impossible. Si l’on veut une Métropole, il faut la laisser vivre. Je rappelle que le circuit financier prévoyait le financement de la montée en puissance de la Métropole dans l’exercice opérationnel de ses compétences par le dynamisme de la fiscalité économique. L’arbitrage décidé par le Premier ministre est équilibré et je l’en remercie. Il faut que, compte tenu de l’état actuel des textes, chacun puisse continuer à exister, sans que les uns déshabillent les autres au bénéfice de leurs propres finances.

Quels ont été les engagements de la MGP face à la pandémie ?

La Métropole ne dispose pas de compétences directes dans le domaine de la santé. Mais nous avons souhaité agir de différentes manières, affirmant par l’action le modèle d’une Métropole solidaire qui soutient ses communes, les Territoires et l’ensemble des acteurs économiques. Nous avons créé, tout d’abord, une commission santé, dont j’ai confié la présidence au Dr Ludovic Toro, maire de Coubron. Il étudie actuellement comment il est possible de coordonner l’intervention des communes sur cette question.

J’ai engagé, par ailleurs, 15 millions d’euros à travers une dotation de solidarité communautaire mise en place de manière exceptionnelle en 2020 pour aider prioritairement les communes les plus en difficulté, auxquels s’ajoutent 4 millions d’euros pour soutenir financièrement l’AP-HP et deux millions d’euros pour les établissements qui ne dépendent pas de l’Assistance publique.

Et nous avons distribué 100 000 masques à nos 131 communes, notamment grâce à des dons massifs de l’association Ensemble France Chine. S’il faut de nouveau prendre des mesures en faveur des hôpitaux, compte tenu de la situation actuelle, nous le ferons. Et je me félicite surtout qu’au cours de cette crise sanitaire sans précédent la métropole du Grand Paris fasse la démonstration de toute sa pertinence et son utilité pour les 7,2 millions d’habitants de son périmètre.

Alors que vous venez d’être réélu à la présidence de la métropole du Grand Paris, quelles sont vos ambitions pour le mandat qui s’ouvre ?

Nos trois priorités sont la relance économique, la transition écologique et le rééquilibrage territorial. L’ouverture de la Métropole vers les citoyens constitue également un enjeu fondamental à nos yeux.

La relance économique figure en première place parmi nos priorités. C’est même notre priorité absolue. Notre plan de relance métropolitain, d’un montant total de 110 millions d’euros, comporte 50 actions articulées autour de cinq axes stratégiques. Nous avons, par ailleurs, participé au fonds de résilience de la Région, à hauteur de 14 millions d’euros, dont des crédits destinés aux petites et moyennes entreprises déjà largement distribués. Je rappellerai également que le fonds d’investissement métropolitain (FIM) a déjà mis en œuvre 200 millions d’euros de financement, afin de soutenir quelque 600 projets répartis au sein de 119 communes. Autant de projets qui touchent à la transition énergétique, à la transition écologique, aux circulations douces, etc. et qui dépassent d’ailleurs le strict cadre du Covid-19.

Où en sont les concours d’urbanisme « Inventons la Métropole » 1 et 2 ?

On oublie parfois que les 77 projets retenus dans le cadre des deux éditions de ce concours représentent la bagatelle de 10 milliards d’euros d’investissements. Une dizaine de ces programmes ont d’ores et déjà obtenu leur permis de construire ou sont en passe de l’obtenir. Ces 10 milliards d’euros vont donc commencer à être investis pour les constructions qui vont émerger à point nommé pour contribuer à la relance et ce, dès à présent. Cela va créer de la valeur ajoutée et de l’emploi.

Quelle est votre politique en matière de transition écologique ?

C’est également, avec la relance économique, notre priorité stratégique. Nous avons mis en place une zone à faibles émissions (ZFE) pour laquelle les choses sont désormais très claires. Nous disposons de son périmètre, des dispositions sur la base desquelles nous disposerons d’un pouvoir légal pour prendre les arrêtés de circulation pour l’ensemble des communes du périmètre concerné. Et nous allons avoir également la possibilité d’intégrer automatiquement les communes qui ne l’ont pas souhaité au sein de la ZFE. Cela concerne cinq ou six municipalités.

Nous allons, en outre, mettre en place un dispositif de micro-crédit, qui s’ajoutera aux aides financières déjà apportées par la Région, la Métropole et la ville de Paris, afin d’aider les plus démunis dans l’acquisition d’un véhicule propre. Reste la question de la mise en place des caméras qui permettront de verbaliser les contrevenants. Les textes requis, en l’espèce, devraient être prêts pour fin 2021. Mais les polices municipales procéderont à des verbalisations dès septembre 2021.

Quels sont vos autres engagements pour la transition écologique ?

Je citerai également les 100 millions d’euros que nous avons engagés contre les pollutions sonores, dans le cadre du plan métropolitain contre le bruit. 100 nouvelles stations Vélib’ seront par ailleurs mises en service en 2021. Nous avons consacré 10 millions d’euros à un plan vélo métropolitain, afin d’aider les communes qui réalisent des aménagements cyclables. Enfin, Métropolis prévoit la mise en place de plus de 3 000 points de recharge pour véhicules électriques, hors Paris, d’ici le printemps prochain, au plus tard à l’été, dont 2 600 sur les anciens emplacements d’Autolib’, que j’ai demandé aux maires de conserver dans cette intention. Cela accompagnera la mise en place de la ZFE.

Quelles sont vos actions en faveur du rééquilibrage territorial ?

Il s’agit également pour moi d’une priorité. J’entends certains réclamer constamment que la Métropole investisse plus, là où il y en a davantage besoin. C’est ce que nous faisons ! Tant pis pour ceux qui persistent à ne pas vouloir le comprendre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Dans le cadre des aides données à travers le fonds d’investissement métropolitain (FIM), nous avons investi 39,5 millions d’euros dans les Hauts-de-Seine, contre 84 millions d’euros pour le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. Si cela n’est pas du rééquilibrage territorial, je ne sais pas ce que c’est ! Concernant « Inventons la métropole du Grand Paris », 22,75 % des projets sont créés à l’ouest de Paris, 72,82 % à l’est et au nord. C’est également la preuve qu’un réel rééquilibrage territorial est opéré par la MGP. Mais hélas, lorsque l’on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage.

Patrick Ollier, avec Jean-Michel Genestier (Le Raincy). © Jgp

Souhaitez-vous, au cours de ce mandat, construire une métropole plus intégrée ?

Certainement. Mais mon mandat dure six ans. Et je crois savoir que le président de la République a l’intention d’accroitre les compétences de la métropole, soit lors de son prochain mandat, soit dès la prochaine loi 3D (décentralisation, déconcentration, différenciation). J’ai demandé, dans cette perspective, que nous soyons reconnus autorité organisatrice des mobilités (AOM) de deuxième rang, aux côtés de la Région, qui conserverait sa compétence d’AOM de premier rang. Cela afin que l’on puisse s’intéresser à l’ensemble des transports dits de surface, automobiles mais aussi vélos, trottinettes, navettes électriques, etc. Aujourd’hui, cela ne nous est pas permis.

Estimez-vous que la Métropole devrait se voir attribuer la politique de la ville, aujourd’hui exercée par les Territoires ?

Tout à fait. Cette compétence est aujourd’hui fractionnée. Cela permettrait de mettre en œuvre des idées originales et efficaces pour les quartiers qui en ont le plus besoin. Je souhaite que l’on ait également une compétence sur la logistique du dernier kilomètre. Le groupe de travail que j’ai mis en place sur ce thème produit ses premiers résultats, mais nous n’avons pas l’autorité suffisante pour les mettre en œuvre. Or nous ne pouvons pas nous contenter de demander aux villes de prendre telles ou telles décisions.

Souhaitez-vous également exercer une compétence d’aménagement ?

J’en serai heureux, en effet. Souvenez-vous que M. Macron, alors ministre de l’Economie et des finances, avait décidé, lors de la première édition d’« Inventons la métropole du Grand Paris », de placer 16 gares du Grand Paris dans le cadre du concours. Sur le plan de l’aménagement autour de ces gares, il existe aujourd’hui un grand vide juridique. Il serait bien que la Métropole se voit confier une mission particulière dans ce cadre, que nous mènerions bien sûr avec la Société du Grand Paris et les mairies concernées. Cela nous manque.

L’intérêt métropolitain ne vous permet-il pas déjà de monter en charge en matière d’aménagement ?

Si. Et ce mouvement va d’ailleurs se poursuivre. C’est une bonne formule. Cela permet de faire avancer les choses. Lorsqu’un projet est décidé d’intérêt métropolitain par notre assemblée délibérante, cela nous donne la force de pouvoir agir. Mais cela prend beaucoup de temps, je préférerais disposer directement de cette compétence.

Qu’avez-vous répondu à Emmanuel Grégoire, qui vous a transmis récemment la feuille de route que les élus socialistes et de gauche souhaiteraient voir suivie ?

Je lui réponds très simplement que sa feuille de route correspond à peu près à la mienne. Je n’ai aucun souci là-dessus. Nous allons relancer nos travaux sur le schéma de cohérence territoriale (Scot), désormais animés par Pierre-Yves Martin, le maire de Livry-Gargan. Je suis personnellement d’accord pour que l’on exige 30 % de pleine terre sur tout nouveau projet d’aménagement. J’espère donc que l’on pourra adopter le Scot avant la fin 2021.

Sur le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), cela sera plus compliqué. L’Etat a retoqué celui que nous avions préparé, certains maires, de droite comme de gauche, refusant systématiquement toute densification. Il nous manque 3 000 logements sociaux sur l’ère métropolitaine. Or il est inutile d’adopter au niveau de la Métropole un plan qui serait de toutes façons refusé par les services de l’Etat. Et je ne peux rien imposer dans ce domaine.

Comptez-vous relancer de nouvelles éditions d’Inventons la Métropole ?

Nous avons retenu deux thèmes potentiels : comment construire au bord de l’eau d’une part, mais aussi, d’autre part, comment innover dans la transformation de bureaux en logements. Ce concours risque de prospérer, compte tenu de la prégnance actuelle du télétravail.

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