L’Aérosol réconcilie, temporairement, la SNCF et le graffiti

SNCF immobilier a inauguré, le 31 août 2017, un nouveau site d’occupation temporaire rue de l’Evangile (18e arr.) dédié, pour six mois, au graffiti.

Entre les dessins à la bombe qui ornent les murs et la piste de roller ornée de sa boule à facettes, il règne en cet fin août un air d’années 1980 dans ce hangar qui longe le faisceau ferroviaire. Les trains ont longtemps été le terrain de jeu favori des artistes du graffiti. Quant au 18e arrondissement, il est le berceau de la culture hip-hop (*) en France. « La mémoire et l’éthique, les valeurs essentielles/Celles qui créent encore l’étincelle lorsque je me rappelle/Les premières heures du terrain vague de La Chapelle/A l’époque les héros s’appelait Actuel », chantait Kool Shen du groupe Suprême NTM dans « Tout n’est pas si facile » en 1995.

L'Aérosol

SNCF immobilier a confié, pour six mois, l’animation de la Halle Hébert à Polybrid et Maquis’Art. © JGP

A un jet de pierre de ce mythique terrain vague et à quelques pas de la plus récente station Rosa Parks, l’artiste dionysien – qui a « passé son adolescence » à tagger des wagons, confie-t-il sur ce morceau – pourra retrouver, jusqu’à début 2018, d’autres héros de cette culture qu’il n’a jamais cessé de défendre. Un Musée du street art vient en effet d’y ouvrir, regroupant de nombreuses œuvres issues de collections privées de légendes du graffiti, telles que Banksy, Phase2, Jonone ou Dondi White.

Le Musée de street art de L’Aérosol regroupe de nombreuses œuvres issues de collections privées de légendes du graffiti, telles que Banksy, Phase2, Jonone ou Dondi White. © JGP

Pour donner un écrin à la hauteur de cette exposition, Polybrid et Maquis’Art – à qui la SNCF a confié l’animation des lieux – disposent de 300 m de murs mis à la disposition de nombreux graffeurs contemporains qui y expriment librement leur créativité depuis début août. Les vastes fresques (immortalisées sur Internet) évolueront en permanence pendant les six mois d’occupation temporaire du site baptisé logiquement L’Aérosol. Les habitants en profitent déjà depuis un mois, entre un verre servi au bar ou la restauration proposée par les foodtrucks, voire pendant quelques pas de danse esquissés sur des patins à roulettes.

Futur quartier de 15 000 habitants

Bâti au XIXe siècle pour relier les gares du Nord et de l’Est, le site de la rue de l’Evangile, sous le nom de Halle Hébert, a connu diverses fortunes en lien avec l’histoire du fret ferroviaire. Dans les années 1970, le secteur en perte de vitesse laisse place à de la logistique urbaine. Avec le départ de Tafanel début 2017, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour les 7 000 m2 de cette emprise propriété de la SNCF.

Dans une dizaine d’années, la parcelle pourrait accueillir 15 000 nouveaux habitants, 3 500 emplois en lien avec la zone d’activités voisine Cap 18, un espace vert de 4 000 m2 et, possiblement, des équipements publics. Des discussions sont en cours avec la ville de Paris et des ateliers de concertation sont menés en parallèle avec les riverains pour affiner la programmation.

Eric Lejoindre

Eric Lejoindre, maire du 18e arrondissement (ici avec les autres acteurs du projet lors de l’inauguration), estime que l’aménagement des friches industrielles est « la seule façon de continuer à construire la ville ». © JGP

« Pendant cette période d’élaboration, nous avons eu l’idée de mettre à disposition le lieu pour des activités ludiques, sportives et artistiques, a expliqué le 31 août Benoît Quignon, directeur de SNCF immobilier. De cette manière, nous essayons d’effectuer la transition la plus douce entre la friche et l’aménagement à venir. » Le maire du 18e arrondissement, Eric Lejoindre, s’est réjoui de cette initiative qui « rend de l’espace à la ville ».

Ateliers collectifs

Avec 1 500 visites en août, les habitants n’ont pas attendu l’inauguration pour investir ces lieux qui vont connaître pendant quelques mois des ateliers collectifs (street art, danse, sport de glisse) et des animations musicales. Un marché hebdomadaire de créateurs d’Ile-de-France, des vendredis piscine gonflable, des modules de skate park ou une épicerie solidaire sont aussi prévus.

L'Aérosol

De nombreux graffeurs ont investi les lieux depuis début août et ont recouvert les 300 m de murs extérieurs. © JGP

L’Aérosol va donc tenter la « réconciliation entre la SNCF et le graff », estime Matthias Vicherat, directeur général adjoint en charge du projet d’entreprise et de la communication du groupe SNCF. Ce dernier rappelle d’ailleurs que l’opérateur de transport ne s’intéresse pas qu’au train, « c’est aussi un acteur culturel important ».

 

* Mouvement qui regroupe la breakdance, le DJing, le rap et le graff.

L'Aérosol

Les tables pour se restaurer côtoient les impressionnantes fresques créées pour l’occasion. © JGP

L'Aérosol

Les graffeurs peuvent s’équiper en bombes de peinture directement sur place. © JGP

Une œuvre présente dans le Musée du street art rappelle que les premiers supports des graffeurs étaient des trains. © JGP

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