Jean-François Vigier, maire (UDI) de Bures-sur-Yvette (Essonne) et président du groupe UDI au conseil régional d’Ile-de-France, défend l’idée d’un choc de décentralisation, ouvrant notamment le droit aux élus locaux de choisir les compétences de leur collectivité.
Pourquoi estimez-vous que la décentralisation est largement artificielle aujourd’hui en France ?
Je suis convaincu en effet que l’Etat français, aujourd’hui, est un Etat concentré, où les décisions se prennent d’en haut et vont vers le bas. Cela dure depuis que l’Etat s’est créé au Moyen âge en réaction au pouvoir des seigneurs. Tout fonctionne comme cela depuis lors. Philippe Le Bel/Emmanuel Macron même combat ! Les lois de décentralisation, dites Defferre, de 1982-1983, ont été effectivement importantes. Mais comme un mouvement automatique, l’Etat, qui dans son ADN même est concentré, s’est immédiatement organisé pour pouvoir contrôler ce nouveau pouvoir laissé aux collectivités locales. Il s’est déconcentré pour que le contrôle s’effectue au plus près du terrain, avec les préfets et les sous-préfets, via le contrôle de légalité. A un point tel que les services de l’Etat peuvent donner un avis au maire avant que ce dernier ne prenne sa décision.
Il ne s’agit pas simplement de dire qu’il faut donner de nouvelles compétences aux collectivités. Ce n’est pas d’un ajout de compétence dont les maires ont besoin, mais de l’administration libre de leurs compétences. Le premier pas vers l’administration libre d’une compétence est de la choisir. C’est la proposition retenue par l’UDI dans son projet.
Pourquoi demandez-vous que l’on rompe avec l’uniformité territoriale ?
On ne peut plus dire, aujourd’hui, que chaque collectivité territoriale doit être administrée de la même manière quel que soit l’endroit où l’on se trouve. Cela en vertu du dogme républicain qui dit que Millau doit être administré comme Bures-sur-Yvette ou Massy. Donner de la liberté aux élus locaux, c’est admettre qu’une ville n’exerce pas forcément les mêmes politiques qu’une autre.
Comment, dès lors, moduler les financements afin qu’ils correspondent aux compétences exercées ?
Par convention par exemple. C’est le système qui prévaut dans les groupements intercommunaux, au sein desquels les transferts de compétences d’un échelon à l’autre sont accompagnés des transferts de ressources correspondants.
Estimez-vous qu’il faille revenir sur tout contrôle étatique de l’action des collectivités territoriales ?
Non, il ne faut pas tout supprimer. Un contrôle est nécessaire sans tomber, pour autant, dans la démesure dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Il faut laisser la liberté aux élus. Il existe aujourd’hui des règles qui ne sont plus acceptables. Je pense, par exemple, au fait que les maires ne puissent pas attribuer l’intégralité des logements sociaux sur leur territoire, a minima pour le quota d’attribution publique, je ne parle pas de ce qui relève du 1 % patronal. Cela serait nécessaire pour nous permettre de mieux maîtriser l’offre de véritables parcours résidentiels pour nos administrés.
De la même façon, on ne peut pas continuer avec cette règle injuste de la loi SRU exigeant que chaque commune ait un minimum de 25 % de logements sociaux sans distinguer les maires qui refusent, pour des raisons qui leur sont propres, de construire le moindre logement social, de ceux qui souhaitent en bâtir, mais qui se retrouvent confrontés à des problèmes de mise en œuvre des programmes immobiliers ou à une rareté du foncier.
En résumé, il faut répondre favorablement à un maire, à un président de conseil départemental ou régional qui estime qu’il est en capacité d’exercer une compétence. En septembre dernier, l’UDI a, par exemple, présenté un vœu à la Région afin d’expérimenter la reprise de l’exercice de la compétence santé. Nous sommes en effet persuadés, la crise sanitaire l’a montré, que nous sommes tout à fait armés pour mener au niveau régional une politique de santé efficace de proximité en reprenant les compétences des agences régionales de santé.