Le patron des communistes parisiens estime qu’il a le meilleur profil pour porter les couleurs de la gauche rassemblée – PS, Les Ecologistes, PCF, hors LFI – dans la Capitale lors des prochaines élections municipales. Sénateur et ancien adjoint de la maire chargé du logement, Ian Brossat précise ses ambitions dans nos colonnes.
Vous venez d’être désigné candidat du PCF à la mairie de Paris pour les municipales de 2026 par les instances parisiennes de votre parti. Qu’est-ce que cela signifie ?
Le 2 décembre, le conseil départemental du Parti communiste parisien* a décidé de publier, début 2025, notre projet pour Paris. Par la même occasion, puisqu’Anne Hidalgo a annoncé qu’elle ne se représentera pas aux prochaines élections municipales, cette même direction fédérale a souhaité que ma candidature soit proposée aux autres forces de gauche et écologistes pour être chef de file en 2026 dans le cadre d’une liste d’union.
Pourquoi lancer si tôt la précampagne des municipales ?
Nous sommes confrontés à un enjeu majeur : les valeurs progressistes sont gravement menacées par l’extrême droite, en France comme à l’échelle du monde. Est-ce qu’en 2026 – un an avant l’élection présidentielle – Paris continuera d’être un pôle de résistance face aux idées réactionnaires ? Serons-nous toujours à l’avant-garde de l’écologie ? Ou nous laisserons-nous emporter par ces vents mauvais ? Jusqu’à présent, notre ville a été épargnée. Mais les dernières enquêtes d’opinion montrent que le RN commence à faire son trou à Paris. Et on constate désormais une dangereuse porosité entre l’extrême droite et la droite, voire la Macronie, qui ne peuvent en aucun cas être des remparts. Ce défi repose sur les épaules de la gauche.
Qu’en déduisez-vous ?
Dans ce contexte, il me paraîtrait invraisemblable que la gauche et les écologistes ne fassent pas tout pour maximiser leurs chances de victoire. Jusqu’ici, la tradition voulait que socialistes et communistes se présentent ensemble au premier tour et que les écologistes y aillent de leur côté. Ce schéma est dépassé.
N’existe-t-il plus de divergences de fond à gauche ?
L’une des pierres d’achoppement entre les composantes de la majorité à Paris – qui justifiait des choix stratégiques différents –, c’était la question de la densité. De fait, il ne reste aujourd’hui que peu de possibilités de construire intramuros, hormis dans les zones d’aménagement, qui sont quasiment toutes lancées, et ont fait l’objet d’un accord à gauche. Par ailleurs, nous venons de voter unanimement un plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique. Les divisions sont derrière nous. Les conditions sont réunies pour que la majorité municipale sortante se présente unie en 2026.
Qu’est-ce qui vous permet de revendiquer le leadership à gauche ?
Chez nous, les communistes, il n’y a pas de sujet de leadership. Chez les socialistes, il semble qu’il y en ait un entre Rémi Féraud [le candidat d’Anne Hidalgo, ndlr] et Emmanuel Grégoire [l’ancien premier adjoint, en délicatesse avec la maire, ndlr] : il finira par être tranché par un vote, en mars. Les Ecologistes départageront également leurs candidats à la candidature. Une fois que ce travail interne propre à chaque parti aura été fait, il faudra bien que nous nous retrouvions autour d’un projet, mais aussi d’une liste d’union incarnée par une tête de liste commune.
Pourquoi pensez-vous être le meilleur candidat ?
Un bon candidat doit réunir deux qualités. La première : bien connaître la machine municipale. Toutes les expériences de parachutage – y compris de personnalités talentueuses – ont échoué à Paris. Moi, je suis élu dans le 18e depuis 2008, j’ai été président de groupe, puis adjoint à la maire en charge du logement, de l’hébergement d’urgence et de l’accueil des réfugiés, pendant neuf ans ; depuis que je suis sénateur de Paris, je suis redevenu président de groupe. Deuxième qualité nécessaire dans le contexte que j’ai décrit : être capable de porter nos valeurs sans trembler.
C’est-à-dire ?
La campagne de 2026 sera dure, violente, sans concession. Je ne pressens pas une « campagne de réconciliation », comme le dit Emmanuel Grégoire, mais une campagne d’affirmation de nos valeurs, attaquées de toutes parts. Par exemple, quand nous décidons de subventionner SOS Méditerranée pour venir en aide à des réfugiés et leur éviter la noyade, notre délibération est contestée en justice. À la fin, nous gagnons au Conseil d’État. Mais face à cette agressivité, face à ceux qui nient notre identité de Parisiens, nous avons besoin d’un candidat qui tienne la barre, capable de regarder la droite et l’extrême-droite les yeux dans les yeux. La question est : qui peut être le bouclier le plus solide face à ces menaces ?
Pourquoi seriez-vous le plus robuste ?
Je crois avoir fait la démonstration, en tant qu’adjoint au logement, que je n’ai pas peur. Quand, avec la maire de Paris, j’ai fait installer un centre d’hébergement en lisière du bois de Boulogne, dans le 16e, rien ne nous a été épargné, ni les insultes, ni les pétitions hostiles, ni les tentatives d’incendie ; nous avons tenu bon. De même, quand il a fallu créer du logement social dans le 7e ou le 16e, ma main n’a pas tremblé.
Qu’est-ce qui vous singularise sur le fond ?
La patte des communistes, la mienne, c’est d’avoir porté l’idée que Paris doit rester une ville mixte socialement. C’est un combat, parce que le marché immobilier produit l’inverse : des logements plus chers, excluant donc les classes populaires et des classes moyennes. En grande partie grâce à nous, le nombre de logements sociaux est passé de 13 % en 2001 à 25 % aujourd’hui, l’encadrement des loyers a été mis en place sur le marché privé, les services publics ont été développés, une politique de solidarité menée, etc. Mais le combat est loin d’être terminé. Il va falloir continuer à pousser les feux en la matière, pour obtenir de l’État des compétences nouvelles, comme le droit de réquisition des logements vides, si on ne veut pas que des quartiers entiers soient « disneylandisés ».
Réclamez-vous une primaire ouverte à gauche ?
C’est une possibilité. L’avantage d’une primaire, c’est que le résultat doit être, en principe, respecté par tous. L’inconvénient, c’est que cela nous fait traverser une petite période de conflictualité. Mais sans aller jusqu’à la primaire, on peut aussi imaginer qu’un candidat s’impose d’une manière évidente dans l’opinion.
Vous espérez plier le match dans les sondages ?
Je ne crains ni les sondages ni l’élection. Je ne suis pas totalement inconnu des Parisiens.
Anne Hidalgo pourrait-elle soutenir un candidat communiste à la mairie de Paris ?
Je pense qu’elle soutiendra in fine le candidat que les forces de gauche et de l’écologie auront choisi pour battre madame Dati. Anne Hidalgo est une excellente maire de Paris, elle a contribué à transformer cette ville de manière remarquable. Elle fait l’objet de critiques, c’est naturel, même si certaines sont outrancières et mensongères. Mais en 2026, la victoire de la gauche ne sera possible que si nous assumons pleinement son bilan, et celui de Bertrand Delanoë, qui sont aussi les nôtres.
Vous ciblez tout particulièrement Rachida Dati…
C’est la seule candidate déclarée à droite. Et elle ne reculera devant rien. Sa dérive trumpiste dégrade la qualité du débat public.
Un sondage Ipsos pour le Parisien, mi-novembre, plaçait Gabriel Attal en pole-position. Qu’en pensez-vous ?
Je souhaite bien du courage à Gabriel Attal s’il a madame Dati dans les pattes ! Elle revendiquera forcément le soutien de la Macronie. Et elle devra assumer le bilan gouvernemental comme un boulet. Mais j’imagine mal les macronistes historiques issus de la gauche, comme Clément Beaune, se ranger derrière elle.
Vous plaidez pour l’union de la gauche dès le premier tour. Que faites-vous de La France insoumise ?
Jean-Luc Mélenchon l’a encore dit récemment : LFI compte présenter ses propres candidats aux municipales dans la Capitale. Les Insoumis menés par Sophia Chikirou s’inscrivent clairement en opposition à l’action municipale. Je ne peux pas dire à la fois que nous devons assumer notre bilan et ne pas relever cette contradiction. Je ne les insulte pas en disant cela, je constate une divergence.
* Le secrétaire de la Fédération de Paris du PCF est Adrien Tiberti, par ailleurs adjoint au maire du 11e arrondissement, en charge du logement et professeur d’histoire-géographie à Paris.