Le Grand Paris met ses capteurs dans la Silicon Valley

BIM connecté, internet des objets, voitures autonomes, datamining, smart city : la délégation conduite par Paris-Ile de France Capitale économique (PCE) au cœur de la Silicon Valley vient de s’offrir une petite semaine dans le futur. Instructif.

Welcome to the future. Les membres, prestigieux (1), de la délégation emmenée par Paris-Ile de France Capitale Economique (PCE) à San Francisco, du 21 au 24 février 2017, en ont pris plein les mirettes.

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San Francisco by night. © Jgp

Christian Nibourel, président de PCE et d’Accenture France et Bénélux, comme ses co-équipiers de Cisco, d’Orange, d’Engie, de Vinci, d’Enedis ou de la Société du Grand Paris, a pu constater, tout au long du séjour, l’accélération des transformations technologiques à l’œuvre dans la Silicon Valley. Une accélération que produit notamment la combinaison de la géolocalisation, des moteurs de recherche, des bases de données et du cloud.

La présentation par Nicolas Mangon, vice-président d’Autodesk, du BIM connecté illustre les changements en cours. « Grâce à la conjugaison des capteurs – qui ne coûtent plus rien et permettent la géolocalisation de tout objet – et du cloud, qui met à disposition un nombre de données et une puissance de calcul illimitée, le BIM (build information modeling) est déjà dépassé », a indiqué le dirigeant, français, d’Autodesk. Place au BIM connecté : soit la modélisation et l’actualisation, en temps réel, d’une maquette digitale 3D strictement fidèle à l’objet souhaité, quel qu’il soit, immeuble en construction, quartier, ville entière, ouvrant des possibilités sans limite.

"Le BIM est dépassé, place au BIM connecté", a indiqué Nicolas Manson, vice-président d’Autodesk. © Jgp

« Le BIM est dépassé, place au BIM connecté », a indiqué Nicolas Mangon, vice-président d’Autodesk. © Jgp

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José-Michaël Chenu (Vinci) traverse, virtuellement, le Bay bridge, dans le show-room californien d’Autodesk. © Jgp

Usage abusif des données

A l’image de cet ouvrier, dont le gilet doté de diodes électroluminescentes clignote et sonne s’il pénètre dans une zone interdite. « Le big data et le machine learning permettent aujourd’hui de combiner la réalité et les modèles virtuels, théoriques », résumait Nicolas Mangon, dans l’immense show-room californien d’Autodesk. « En 2050, la population vivant dans les villes augmentera de 2,5 milliards d’individus, ce qui suppose de construire 1 000 bâtiments par jour », poursuivait-il. D’où l’intérêt d’innovations qui vont permettre d’accélérer les process.

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La délégation francilienne à l’hôtel de ville de San-Francisco. © Jgp

Chez ce leader mondial des logiciels de conception, les membres de la délégation conduite par PCE ont eu un aperçu circonstancié du futur de la construction. Un futur proche, où les éléments préconstruits et testés virtuellement sont ensuite assemblés dans la réalité par des robots. Dans un ballet silencieux de pelleteuses connectées. Le « generative design », où le soin est laissé à l’ordinateur de tester la totalité des solutions possibles en fonction des contraintes indiquées par le client a également été présenté. « Cela permet, là où l’on étudiait une ou deux solutions constructives, de comparer des millions de possibilités pour retenir la meilleure », a résumé Nicolas Mangon, qui reviendra prochainement à Paris pour un follow-up.

Bienvenue également dans un monde connecté… Autodesk estime à 50 milliards le nombre d’objets connectés en 2020. Dans ce contexte, quelles garanties existe-t-il de ne pas voir les « datas » générées massivement par ces nouvelles technologies réutilisées, cédées, sans que leurs propriétaires n’en soient informés ? Comment éviter que les éditeurs de logiciels qui mettent en œuvre ces plateformes n’acquièrent ainsi des positions de monopole abusives ? L’usage des données collectées par les sociétés qui proposeront ces technologies a été au centre des débats entourant ces présentations.

Data mining

Les possibilités infinies du traitement de la « data », à des fins de marketing cette fois, furent également au cœur de la rencontre avec Thibaut Munier, président de Numberly (1000mercis groupe), société spécialisée dans le marketing digital personnalisé. Un échange effectué lors d’une réception de la délégation à son – vaste – domicile de Palo Alto. Ça se passe comme ça dans la Silicon Valley. Entre deux petits fours partagés avec des dirigeants de Facebook, Google ou Twitter, les entrepreneurs franciliens ont pu constater, là encore, les ruptures à l’œuvre.

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Thibaut Munier, président de Numberly (1000mercis groupe), société spécialisée dans le marketing digital personnalisé, lors d’une réception de la délégation à son – vaste – domicile de Palo Alto. © Jgp

En matière de data mining (exploration de données), l’heure est au DMP, data management plateform : soit un cerveau implémenté au sein des sites internet, capable, également grâce à des capacités de calcul inouïes jusqu’alors, d’adapter en quelques microsecondes le contenu d’un site en fonction des goûts de l’internaute. Une connaissance acquise en analysant ses habitudes électroniques. Chacun a déjà constaté, en surfant sur le web, l’apparition soudaine d’une publicité vantant les mérites d’un produit sur lequel on vient de s’informer… Sans même qu’il eut été nécessaire de s’identifier. « Si les PII (personnal identifiable informations) sont recherchées, les non-PII fournissent déjà de multiples renseignements », a résumé Thibaut Munier. Ces techniques se généralisent, gagnent en agilité et permettent aux sites de se configurer différemment selon leurs utilisateurs. Numberly travaille actuellement sur une application de ces techniques à la radio, dont les publicités s’adapteront à leur tour à chaque auditeur…

« Illustration de la profondeur des changements en cours, le Danemark vient de nommer très officiellement un ambassadeur auprès des Gafa (Google, Apple, Facebook Amazon) », a indiqué le fondateur de 1000mercis, société cotée à la Bourse de Paris. Ces géants du web ne sont pas seulement riches de capitalisations boursières supérieures au PIB de nombreux états : ils sont riches des gigantesques banques de données qu’ils possèdent sur la population mondiale.

La fin de la voiture

La fin de la voiture telle qu’on la connaît aujourd’hui fait figure d’obsession dans la Silicon Valley, patrie de Tesla, dont les membres de l’équipée francilienne ont visité les usines. De multiples start-up planchent sur les technologies qui équiperont ces voitures connectées et sans conducteur. La voiture autonome, la conduite assistée, de même que les véhicules propres constituent, par exemple, les principaux axes de travail du Renault innovation lab, situé à Sunnyvale, qui figurait également au programme de la visite.

Néanmoins, la circulation dans la baie, pourtant réputée comme une des zones les plus vertes d’Amérique, constitue un cauchemar quotidien. Ces embouteillages monstres aux heures de pointe apparaissent comme la rançon du succès. « Le comté de San Francisco a vu son taux de chômage passer de 9 à 3 % entre 2011 et aujourd’hui, créant 25 000 emplois par an », a indiqué Mark Chandler, maire adjoint en charge des relations internationales de la ville de San Francisco. Chaque année, l’industrie de la tech, soit quelque 2 000 marques, enregistre une croissance de 15 %, a-t-il poursuivi lors d’une rencontre à l’hôtel de ville. Mais cela se traduit donc par une circulation difficile, et un coût de la vie, des loyers notamment, exorbitant.

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« Le comté de San Francisco a vu son taux de chômage passer de 9 à 3 % entre 2011 et aujourd’hui, créant 25 000 emplois par an », a indiqué Mark Chandler, maire adjoint chargé des relations internationales de la ville de San Francisco. © Jgp

Learning machines

Ce qui n’empêche en rien les Français de venir en nombre à San Francisco. Ici, pour écrire les algorithmes des « learning machines », on recherche les mêmes profils que ceux que se disputaient les institutions financières de Wall Street à la grande époque des produits structurés : polytechniciens, centraliens, diplômés des grandes écoles de commerce. Les entrepreneurs français sont également les bienvenus à San Francisco, où ils bénéficient de différentes structures d’accueil et d’accélération telles que L’Atelier BNP Paribas.

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En direction de China Town. © Jgp

Un lieu qui partage une vaste pépinière avec Prime, la structure de Paris région entreprises (PRE) dans la Silicon Valley, passage obligé de tous les politiques français séjournant en Californie. « L’atelier a 11 ans. Quand il a été créé, les lieux étaient mal réputés, même les taxis ne voulaient pas y venir », a résumé Nathalie Doré, CEO de L’Atelier BNP Paribas, pour illustrer la transformation d’un quartier désormais couru, situé à quelques pas du « pier » où furent tournées les premières images de Vertigo d’Alfred Hitchcock.

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Nathalie Doré, CEO de L’Atelier BNP Paribas (à gauche). © Jgp

Nathalie Doré a présenté les fondamentaux de l’écosystème de la « vallée ». La présence des meilleures universités mondiales, avec Stanford et Berkeley, également visitées par les dirigeants français, les Venture capital funds, qui investissent dans les start-up jugées les plus prometteuses, et le succès de ces dernières, qui boucle la boucle. La CEO de L’Atelier a souligné « l’impressionnante culture de la donnée, qui caractérise la ville de San Francisco, avec de multiples applis, permettant de connaître le prix de cession des maisons près de chez soi, le rating de son quartier en termes de confort de vie et de sécurité, etc. »

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La délégation au consulat général de France à San Francisco. © Jgp

“Si les ingénieurs français bénéficient ici d’une excellente réputation, les rigidités du code de travail hexagonal constituent les freins les plus souvent cités par les investisseurs californiens lorsqu’ils analysent les mérites comparés des pays européens pour y investir”, a souligné Emmanuel Lebrun-Damiens, consul général de France à San Francisco, lors de sa rencontre avec la french team.

Smart city

Les plateformes de données de la smart city ont constitué également le fil rouge de la délégation grand-parisienne. Ses membres ont rencontré les dirigeants de BuildingIQ, qui commercialise des solutions de réduction de la consommation d’énergie des bâtiments permettant des analyses prédictives non seulement pour gérer l’énergie mais aussi pour déclencher des changements en temps réel.

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BuildingIQ commercialise des solutions de réduction de la consommations d’énergie des bâtiments. © Jgp

L’opérateur de réseaux de communication Verizon (éclairage, smart parking, trafic management) figurait également au programme des visites, tout comme le Lab et le Liquid Studio d’Accenture.

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Présentation chez Verizon. © Jgp

Christian Nibourel, président de PCE et d’Accenture France, a souligné l’intérêt que représente la présence d’un « lab » dans le Silicon Valley pour sa société, condamnée à l’innovation permanente face à ses concurrents. « Si nous ne créons pas de valeurs, en ajoutant de l’intelligence à nos solutions, alors nous serons devancés », a-t-il indiqué.

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« Si nous ne créons pas de valeurs, en ajoutant de l’intelligence à nos solutions, alors nous serons devancés », a indiqué Christian Nibourel. © Jgp

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Etienne Guyot, DG de la CCIR, teste la réalité augmentée au sein du lab d’Accenture. © Jgp

Les outils de convergence des données sur le trafic urbain, le stationnement, l’énergie, ont également fait l’objet de plusieurs présentations, chez Cisco en particulier, un des leaders du domaine. Jérôme Vercaemer, directeur sénior chez Cisco Consulting France, et Arvind Satyam, managing director de Cisco Systems inc., ont présenté les technologies utilisant le cloud et l‘Internet des objets. Tout au long du séjour, la délégation – dont les membres avaient été choisis en fonction de leur expertise et de leur connaissance du secteur, représentants les champions français de la smart city – a su montrer que la France, loin d’être en retard sur ces questions, peut s’inscrire dans une logique de partenariat. Et derrière l’engouement pour les potentialités de telles plateformes, les difficultés liées au modèle économique de leur mise en œuvre n’ont pas été éludées.

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Arvind Satyam, managing director, Cisco Systems inc. © Jgp

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Le Cisco lab, un modèle du genre. © Jgp

« Les multiples couches d’administration apparaissent ici comme autant de freins au dynamisme de la smart city et de ses acteurs », a souligné Pierrick Bouffaron, strategic consulting, BNP Paribas à San-Francisco. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?

Ch. Corazza : « S’inspirer des meilleures pratiques »

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Chiara Corazza en visite au sein de l’usine Tesla. © Jgp

« En rencontrant les entreprises les plus innovantes de la Silicon Valley, PCE aide à décrypter des forces qui structurent l’innovation, et à s’inspirer des meilleures pratiques, souligne Chiara Corazza, directeur général de Paris-Ile de France Capitale Economique (PCE). Le Grand Paris est d’ores et déjà un projet d’investissement sans précédent, positionnant la Région capitale comme un leader en matière de smart city, d’innovation, de développement économique et de services urbains. Réussir ce défi suppose d’explorer les solutions disruptives mises en œuvre à travers le monde, par les grandes aires urbaines. Cela suppose aussi de nouer des partenariats pour tirer le meilleur profit des initiatives et des opportunités internationales, poursuit-elle. La Silicon Valley a longtemps été considérée comme le berceau de l’innovation et demeure un incubateur d’innovations technologiques », rappelle également Chiara Corazza. Un tiers des investissements dans des entreprises aux Etats-Unis se font dans les start-up de la Silicon Valley. San Francisco est un lieu idéal pour les start-up des cleantechs qui souhaitent démontrer leur valeur, notamment grâce à l’importance des données dont elles peuvent disposer, qu’il s’agisse d’énergie, de qualité de l’air, d’infrastructure. C’est pourquoi des firmes globales telles que Google, Tesla, Uber ou Cisco ont choisi de s’y implanter et de collaborer avec les autorités locales et les start-up pour développer des solutions urbaines.

« En rencontrant ces start-up et des grands groupes, fleurons de la smart city dans la Silicon Valley, on a l’impression d’être déjà dans le XXII° siècle, et le sentiment d’une accélération incroyable. Mais cela se traduit peu dans la réalité de la ville de San Francisco, qui n’apparait pas comme la vitrine de ces technologies, alors qu’elle est parvenue à se vendre comme une smart city », indique encore Chiara Corazza.

« Une rencontre m’a également frappé avec l’un des théoriciens les plus reconnus de la smart city aux Etats-unis, Dr. Jonathan Reichental, chief information officer (CIO) de la ville de Palo Alto, qui nous a présenté comme une évidence que dans les années à venir, ces technologies s’appliqueraient au quotidien à l’image de la driveless car. On peut néanmoins se demander si ces innovations disruptives, faites pour améliorer la qualité de la vie ne vont pas, au contraire, creuser encore les inégalités avec ceux qui sont privés d’emplois par ces innovations. 50 % des humains n’ont pas accès à Internet, rappelle le directeur général de PCE. N’est-on pas là en train de créer un monde à deux vitesses ? Mais ce qui m’a frappé le plus, conclut-elle, c’est la détermination et la confiance en eux que l’on ressent en rencontrant ces jeunes start-upers, que rien ne semble pouvoir arrêter. »

A la rencontre des start-up californiennes

Street light Insight, qui prévoit le trafic routier sur la base d’analyse des flux ou Savari, qui permet aux véhicules de communiquer, avec les autres véhicules, les infrastructures et les téléphones, figuraient parmi les rencontres de la délégation avec des start-upers californiens. Cover, dont le jeune créateur propose de bâtir des maisons de A à Z, en partant de leur conception sur ordinateur, en fonction du besoin des clients, jusqu’à leur édification, en passant par leur préfabrication, figurait également au programme.

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Nikos Bonatsos, managing director de General Catalyst, un des fonds de venture capital rencontré par la délégation. © Jgp

Nikos Bonatsos, managing director de General Catalyst, un des fonds de venture capital rencontré par la délégation a expliqué que l’apparence et les diplômes des jeunes pousses dans lesquels son fonds décide d’investir importaient peu, seuls le talent et la conviction des entrepreneurs comptant. General Catalyst, qui figure parmi les actionnaires initiaux de Airbnb, a les moyens de ses ambitions. Très présent dans les technologies du cloud, il s’agit d’un des premiers fonds d’investissement de la Silicon Valley, également spécialisé dans les soins médicaux, le e-commerce, le paiement mobile de même que le bio-médical et les cleantech. Jean-Luc Beylat, président de Systématic et de Nokia Lab, fin connaisseur de l’accompagnement des start-up a pu apprécier l’écosystème local californien d’innovation.

Central subway, une extension du Muni métro

Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris, a visité à San Francisco le chantier du « Central Subway » une extension du Muni Métro light, actuellement en construction.

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L’ouverture de la ligne est prévue pour 2018. Longeur de l’extension : 2,4 km – Budget des travaux : 1,5 milliard de dollars. © Jgp

Ce tronçon supplémentaire reliera le dépôt de trains de banlieue de Caltrain à la 4e rue et King Street à Chinatown, avec des arrêts dans South of Market (SoMa) et Union Square. SoMa abrite le siège de plusieurs des principales sociétés de logiciels et de technologies de San Francisco, et une importante croissance résidentielle y est projetée. Chinatown est le quartier le plus densément peuplé de la ville. L’ouverture de la ligne est prévue pour 2018. Longueur de l’extension : 2,4 km – Budget des travaux : 1,5 milliard de dollars.

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Philippe Yvin en visite de chantier. © Jgp

 

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Cable car. © Jgp

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