Après la diffusion de fiches décrivant les « potentiels constructibles » d’une série de sites franciliens, des élus s’indignent, par crainte d’une recentralisation de l’aménagement. Des craintes totalement infondées, affirme un conseiller de Manuel Valls, qui rappelle que les fiches en cause ne sont que des documents de travail et que le plan de mobilisation pour le logement sera mis en œuvre dans la concertation.
Le journal du Grand Paris le révélait dès le 16 mars. Des fiches décrivant des périmètres susceptibles d’accueillir des projets d’urbanisme ont « fuité », provoquant une levée de boucliers chez certains élus des territoires concernés. Dans le cadre du plan de mobilisation pour le logement, annoncé par Manuel Valls le 9 juillet 2014, différents organismes sont, en effet, à l’œuvre pour proposer des sites susceptibles d’accueillir les projets nécessaires pour atteindre l’objectif de construction de 70 000 logements par an fixé par le schéma directeur de la région Ile-de-France et repris par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.
Ces fiches listent, pour chaque site, des emprises, des surfaces de plancher totales ou de plancher logements. Elles comprennent également un objectif de densité, ainsi qu’un potentiel de logements estimé et un objectif de livraison de logements, à l’horizon 2020, 2030, ou au-delà… On y apprend, par exemple, que les différents auteurs et contributeurs de ces fiches, – Atelier parisien d’urbanisme (Apur), Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU), Atelier international du Grand Paris (AIGP), Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), Etablissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif), Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Ile-de-France (DRIEA), Fédération des Etablissements publics locaux etc. – identifient un potentiel de 1 000 logements à l’horizon 2030 sur le site de la cité Descartes, à cheval sur les communes de Champs sur Marne et de Noisy le Grand. Ou encore que le site Montreuil – Fontenay pourrait accueillir 400 logements à l’horizon 2020, 2 500 entre 2021 et 2030 et 2 100 logements au-delà…
Projets ou plans ?
Toute la question consiste à juger de la nature exacte de ces fiches. Projets ou programmes ? Info ou intox ? Pour les élus qui crient au scandale, elles s’apparentent visiblement à un programme d’action. Pour les différents auteurs qui ont contribué à leur réalisation, il ne s’agit que de documents de travail, classiques, forcément nécessaires dans le cadre de la préparation du plan de mobilisation pour le logement. « L’arbitrage sera rendu dans plusieurs mois, par le gouvernement, et rien ne se fera sans l’accord des maires concernés », fait valoir un expert. Il n’empêche, le ton est monté quelque peu au cours de la semaine écoulée.
« Nous n’abandonnerons pas nos territoires à « Grand Paris Aménagement » (*) », annoncent Patrice Bessac et Jean-François Voguet, respectivement maires de Montreuil et de Fontenay-sous-Bois, dans une tribune publiée le 16 mars sur le site de leur commune. Les deux édiles confient « apprendre avec stupéfaction que [leurs] deux villes, Montreuil et Fontenay-sous-Bois, font partie des sites pressentis par l’aménageur Grand Paris Aménagement désigné par le gouvernement dans le cadre de son projet de création d’opérations d’intérêt national (OIN) multisites ».
« La loi portant création de la future métropole du Grand Paris (MGP) n’est pas encore votée par le Parlement que la technostructure métropolitaine d’ores et déjà mise en place par Manuel Valls en octobre dernier commence à produire ses premiers projets en matière d’aménagement et d’urbanisation du territoire métropolitain », poursuivent-ils.
« Pour le site Montreuil-Fontenay-sous-Bois-Romainville, le projet réalisé par l’aménageur en février représente ni plus ni moins qu’une manne de 140 hectares à livrer aux promoteurs pour un potentiel de construction estimé à 5000 logements dont les premiers, si ce projet voit le jour, pourraient sortir de terre dès 2020 ! », ajoutent les deux maires.
« Nous voulons une construction métropolitaine qui respecte nos territoires et leurs spécificités. Nous voulons une métropole démocratique où la place des habitants et des élus locaux soient reconnue et renforcée. Nous voulons une métropole de justice sociale et environnementale, pas d’une métropole qui déciderait, comme avec ce projet, de faire peser sur la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne l’essentiel de l’effort », concluent-ils.
Patrick Devedjian blogueur
Patrick Devedjian a publié sur son site personnel les différentes fiches ayant fuité. Dans un long « post », intitulé « Comment l’Etat recentralise le Grand Paris : les « OIN » préparés en secret », le président (UMP) du conseil général des Hauts-de-Seine dénonce également ce qu’il considère comme une recentralisation du logement. « Plus de 20 opérations d’intérêt national (OIN) ont ainsi été préparées dans le plus grand secret, sans aucun avis ni information des communes concernées, fait valoir Patrick Devedjian. Dans une opération d’intérêt national, c’est l’Etat et non la commune qui délivre les autorisations d’occupation des sols et en particulier les permis de construire. De même, c’est le préfet et non la commune qui décide de la création d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) à l’intérieur d’une OIN », poursuit-il.
Certains crient à la manipulation, y voyant une agitation non dénuée de liens avec les élections départementales. « Aucune opération d’aménagement ne se fera sans l’accord des élus. L’OIN n’est pas une reprise en main par l’Etat de l’urbanisme, c’est un partage de ces questions avec les communes », souligne un conseiller de Sylvia Pinel. Ce dernier ajoute que les ateliers du Grand Paris du logement lancés récemment par la ministre ont précisément pour vocation d’organiser la concertation la plus large possible autour de ce plan de mobilisation qui n’a pas fini de faire parler de lui.
* Grand Paris aménagement n’existe pas à notre connaissance et résultera du rapprochement de l’AFTRP et d’un ou plusieurs établissements publics d’aménagement francilien. Une mission de préfiguration est en cours, confiée par Manuel Valls à l’AFTRP, pour étudier les modalités de ce rapprochement.