La 4e rencontre organisée par le Pavillon de l’Arsenal le 7 octobre 2020 dans le cadre du cycle « Et demain, on fait quoi ? » était consacrée au triptyque « environnement, résilience et réemploi ». Outre la nécessité de créer des modèles ouverts qui s’adaptent en permanence aux crises, l’idée de concevoir un enseignement transversal de la fabrique de la ville a été évoquée.
La ville d’après fait beaucoup phosphorer depuis le début de la pandémie de Coronavirus. Au Pavillon de l’Arsenal, tout un cycle de travaux est engagé depuis le printemps sur le thème « Et demain, on fait quoi ? » qui a généré quelque 198 contributions. Des rendez-vous « phygitaux » en restituent les principaux enseignements. Le dernier en date, mercredi 7 octobre, était consacré au triptyque « environnement, résilience et réemploi ».
La probable récurrence des crises, avec pour conséquence la nécessité de créer des modèles ouverts et souples, a constitué le fil rouge de cette rencontre à laquelle participaient l’ingénieur et architecte Franck Boutté, la directrice générale adjointe – grands projets mixtes de BNP Paribas real estate, Séverine Chapus, l’architecte Elise Giordano (agence Aïno) et le philosophe Philippe Simay.
« Faire plus en amont pour faire moins après »
Si les quatre intervenants s’accordent, comme beaucoup d’acteurs, sur le besoin de repenser la façon de concevoir et de faire la ville, une idée novatrice a émergé de cette rencontre, à savoir la création d’une école du réemploi, suggérée par Philippe Simay. « Il ne s’agit pas de créer une nouvelle institution », a rassuré le philosophe, mais de sortir de l’enseignement en silos pour adopter une manière « plus transversale et pluridisciplinaire » d’enseigner les disciplines liées à la fabrique de la ville dont l’architecture.
« Car le réemploi n’est pas seulement une autre façon de produire, il implique aussi de repenser la manière dont on aménage et travaille le territoire », a précisé Philippe Simay, dont l’idée est de « faire plus en amont pour faire moins après ».
Si le réemploi présente deux dimensions – la valorisation des délaissés et l’optimisation des process -, il convient de leur ajouter la transformation du regard sur l’existant, le « déjà là », qui est omniprésent. Une approche dans laquelle les élus doivent être partie prenante, d’autant qu’elle est également essentielle à la transition écologique.
« Ménager le territoire »
Pour Franck Boutté, qui préfère dire « ménager le territoire » plutôt qu’aménager, la vraie question consiste justement à savoir comment on s’installe sur ce « déjà là », ce qui implique de « rénover le rapport au milieu » et de faire coexister biodiversité et construction intelligente. L’ingénieur et architecte a d’ailleurs fait l’éloge du vide, indispensable au bon fonctionnement de la ville. « Le dispositif haussmannien est fondé sur la densité », a-t-il rappelé, « mais le vide la rend acceptable ». Sauf que le vide ne se monnaie pas. Dès lors quel modèle économique imaginer dans la ville de demain ? Comment insérer des espaces de respiration dans une ville dense où les fonciers sont prohibitifs ?
Elise Giordano, fondatrice de l’atelier Aïno avec Charlotte Lovera et Louise Dubois, a pour sa part mis en avant tous les bienfaits de l’expérimentation dans ce nouveau contexte incertain et mouvant. Car celle-ci permet « de faire évoluer les pratiques », à l’instar des tiers-lieux et de l’urbanisme transitoire. Pour la jeune architecte, l’assistance à maîtrise d’ouvrage doit trouver, par la pédagogie, les arguments pour proposer des choses nouvelles aux donneurs d’ordre, ce qui permettra ensuite de trouver les financements nécessaires.
« Penser la valeur du cycle de vie d’un programme »
Même les promoteurs commencent à s’interroger sur l’intérêt du vide. « Un programme aura d’autant plus de valeur s’il se trouve dans un site apaisé », a reconnu Séverine Chapus, pointant la pertinence d’apporter du soin aux espaces publics.
Mais selon la responsable grands projets mixtes de BNP Paribas real estate, non seulement il faut penser la vie d’après dès la conception des projets mais, pour garantir la viabilité économique du modèle et attirer les investisseurs, il convient aussi « de penser la valeur du cycle de vie d’un programme », en intégrant notamment ses possibilités de réversibilité. « C’est tout le challenge financier actuel », a prévenu Séverine Chapus.
Et demain, on fait quoi ? : les 198 contributions réunies dans un ouvrage
Le Pavillon de l’Arsenal a rassemblé dans un ouvrage les 198 contributions collectées dans le cadre de la démarche « Et demain, on fait quoi ? ». « L’ensemble forme un corpus de réflexions stimulantes, parfois dissonantes, témoin en cela de nos interrogations urbaines contemporaines », indiquent les porteurs de ce projet. « Classées chronologiquement, sans filtre, telles qu’elles sont parvenues, elles révèlent des questionnements déjà existants ou font surgir des problématiques inédites ». Les enjeux premiers de solidarité et de défi climatique se conjuguent avec les questions de proximité, d’autour de soi, d’espaces et de temps : logement et évolutivité, métropole et gouvernance, bureau et réversibilité, commun et ruralité, grenier et cimetière, carbone et matérialité, vitesse et mobilité, distances aux autres et au monde… « Alors que les modes de vies urbains, les conditions de fabrication de la ville, tout comme leurs usages et les façons d’habiter sont pour certains brutalement obsolètes, architectes, artistes, designers, étudiants, ingénieurs, paysagistes, promoteurs, professionnels de l’immobilier, urbanistes et usagers inventent d’autres manières de faire la ville ».