Enjeux climatiques : quelles solutions pour l’immobilier en Ile-de-France ?

Lors d’une conférence organisée par la Caisse d’Epargne Ile-de-France, des pistes de réflexion ont été avancées sur les solutions à mettre en œuvre dans l’immobilier face aux enjeux climatiques. Les efforts à fournir sont énormes.

La Caisse d’Epargne Ile-de-France est l’un des principaux financeurs de l’immobilier francilien, qu’il soit résidentiel ou tertiaire. « En 2019, entre 10 et 11 milliards d’euros y ont été consacrés », a rappelé Pascal Chabot, membre du directoire de la caisse francilienne. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que l’établissement bancaire s’interroge, lors d’une conférence qui s’est tenue le 6 février 2020 à la Bibliothèque François Mitterrand, sur les solutions à mettre en œuvre dans ce secteur face aux enjeux climatiques.

Une conférence s’est tenue le 6 février, à l’initiative de la Caisse d’Epargne Ile-de-France, à la Bibliothèque François Mitterrand, sur les solutions à mettre en œuvre pour répondre aux enjeux climatiques dans l’immobilier en région parisienne. © Jgp

Alain Tourdjman, directeur des études économiques de BPCE. © Jgp

En préambule d’une table ronde animée par Franck Olivier, directeur adjoint de la communication de la Caisse d’Epargne Ile-de-France, Alain Tourdjman, directeur des études économiques de BPCE, a rappelé que la loi énergie-climat du 8 novembre 2019, pierre angulaire du dispositif pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES), notamment dans le logement, fixe des obligations très difficiles à respecter.

Des règles si contraignantes qu’elles pourraient finalement constituer un frein à l’investissement dans des travaux de rénovation énergétique : « Si nous ne tenons pas compte de la réalité du marché de l’immobilier résidentiel, l’Etat risque une confrontation avec les personnes à qui l’on a dit qu’une stratégie d’accession à la propriété avait un sens, qui y ont consacré une grande partie de leur vie et qui risquent de se sentir flouées. Est-ce que vous allez consacrer une valeur qui représente 30 à 40 % de ce bien pour consentir à des investissements dont vous ne savez pas s’ils vous permettront un jour de rentrer dans les clous de la loi énergie-climat ? a-t-il souligné. Par le phénomène des anticipations, ce texte risque de créer non pas une incitation à investir mais plutôt un ensemble de mécanismes qui vont bloquer la décision. »

L’Ile-de-France en mauvaise posture

Pour Alain Tourdjman, l’Ile-de-France se trouve, sur le plan énergétique, dans une très mauvaise situation. « Le classement en termes de diagnostic de performance énergétique (DPE) est pire que la moyenne française. Les étiquettes A et B sont partout très minoritaires. La précarité énergétique touche un nombre élevé de foyers. Des plans doivent se mettre en œuvre comme le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie d’Ile-de-France (SRCAE), a-t-il fait valoir. Mais selon les zones, les niveaux d’avancement sont extrêmement variés. On se demande comment tout cela peut et va marcher. L’objectif est de transformer les logements en bâtiments basse consommation (BBC). Comment fait-on dans Paris ? Enfin, il est très difficile de mettre en place des projets structurants dans les copropriétés. »

L’opportunité du ravalement

Pour Louis-Gaétan Giraudet, chercheur à l’Ecole des Ponts qui collabore avec le Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement), « il faut moduler le barème des aides en fonction du revenu des ménages : C’est dans les logements les plus énergivores (F et G) que l’euro public génère le plus d’économies d’énergie, a-t-il estimé. C’est là qu’on agit le plus en faveur de la réduction de la précarité énergétique. Les décisions du gouvernement vont dans ce sens, car il a ciblé les bas revenus, mais le montant des aides a été divisé par plus de deux. »

« Dans la capitale, on parle beaucoup du chauffage, mais qu’en est-il du froid pendant les grosses chaleurs ? », s’est interrogé Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement de Paris. © Jgp

Pour Jean-François Legaret, le maire du premier arrondissement de Paris, l’approche doit être pragmatique : « Prenons la loi sur le ravalement qui est à peu près respectée. Quand les nacelles viennent sur les immeubles, il y a une opportunité pour inciter les propriétaires à améliorer les huisseries et à réaliser l’isolation des toitures. Cela permettrait d’éliminer les passoires thermiques qui sont très nombreuses dans l’ancien à Paris. »

Pour l’élu, il existe des aberrations dans le système actuel : « Dans la Capitale, on parle beaucoup du chauffage, mais qu’en est-il du froid pendant les grosses chaleurs ? Cela va devenir un élément de confort important avec des phénomènes de canicule très répétitifs. Or, avec notre système de distribution du froid qui est une délégation de service public, les raccordements ne sont possibles que pour les grandes entreprises, les banques, les grands magasins, mais pas pour les particuliers. Or, on constate la prolifération de caissons de climatisation dans les cours d’immeuble, qui sont très mauvais en termes de performance énergétique. »

Le casse-tête de Bruneseau et du Village olympique

Olivier Wigniolle, le directeur général d’Icade, a conclu en dressant un tableau sans concession de la situation : « Les politiques publiques ont beaucoup changé et il n’est toujours pas facile pour les opérateurs de suivre ce cheminement. Il y a d’abord eu un focus sur la consommation d’énergie puis, à présent, il s’agit de réduction des GES. Nous n’avons pas fini le travail que nous devons changer pour un nouveau référentiel. Et les règlementations thermiques se succèdent, extrêmement difficiles à mettre en œuvre, même pour les professionnels, même pour le neuf. Tout cela pose aussi le problème des coûts. Le surcoût sur le prix de revient technique par rapport à un bâtiment classique est de l’ordre de 20 à 25 %. »

« Dans Paris et en première couronne, le pari est fait de le répercuter sur le prix de vente, car celui du foncier est considérable, a-t-il ajouté. Mais en deuxième couronne, nous n’y arrivons pas forcément. Et comme le foncier augmente, cela conduit à une dégradation de notre rentabilité. Pour le Village olympique, dont nous avons gagné un lot, nous avons pris un engagement sur l’environnement extrêmement fort. Cela aura un effet sur la rentabilité car les filières industrielles qui sous-tendent ces objectifs environnementaux ne sont pas encore structurées, sont engorgées et les coûts des travaux explosent. »

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