L’engagement pour la croissance verte (ECV), partenariat entre l’Etat et les entreprises innovantes, était à l’honneur lors de la visite d’un site de déconstruction et d’une plateforme de recyclage des déchets du BTP, organisée par l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM), le 28 mai 2019. L’Unicem a annoncé avoir atteint les objectifs de l’ECV et en signera un second avec l’Etat en septembre.
L’Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (Unicem) a annoncé, mardi 28 mai 2019, que les objectifs de collecte, de recyclage et de valorisation des déchets du BTP dans le cadre des engagements pour la croissance verte (ECV), initiés en 2016 par le ministère de la Transition écologique, ont été atteints dès 2018. Ce premier bilan « très positif » fait état d’un taux de déchets recyclés ou valorisés dépassant le seuil des 70 % fixé par l’Union européenne et la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le taux atteint les 80 % par rapport au potentiel de recyclage (détails ci-dessous).
« Notre ADN depuis la fin des années 1970 est de recycler en cercle fermé entre les chantiers de démolition, les carrières et les plateformes de recyclage », a indiqué Christophe Jozon, président de la commission économie circulaire de l’Unicem, à l’occasion de la visite d’un chantier de déconstruction et d’une plateforme de recyclage dans les Hauts-de-Seine.
Les engagements pour la croissance verte ont pour objectif de renforcer le partenariat entre les pouvoirs publics et les porteurs de projets innovants contribuant à la transition écologique, « c’est une collaboration donnant-donnant, un engagement concret et technique plus que financier, souligne Nicolas Vuillier, président de l’Unicem. Nous avons besoin de la puissance de l’Etat car cela rassure les entreprises », ajoute-t-il.
Vers un deuxième ECV
Du fait de cette avance sur le programme des ECV, l’Unicem associée à l’Union nationale des producteurs de granulats (UNPG) et le Syndicat national du béton prêt à l’emploi (SNBPE) vont signer le deuxième ECV en septembre 2019. « Nous allons poursuivre les démarches sur le terrain pour atteindre notre prochain engagement de croissance verte, à savoir 90 % de taux de recyclage en 2025″, annonce Nicolas Vuillier. C’est un engagement national avec une déclinaison régionale », présente-t-il.
Ce deuxième engagement ECV pour la période 2019-2022, va s’étoffer avec comme objectifs en plus de l’économie circulaire, la responsabilité sociale des entreprises, la biodiversité, le climat et la question des ressources. « Il faut revenir au bon sens paysan si j’ose dire, fait valoir le président d’Unicem. Nous allons privilégier le bon matériau pour le bon usage au bon endroit, afin de préserver les ressources », explique-t-il. Les acteurs de la filière demandent également la sortie du statut de déchet, qui a une connotation trop négative.
L’Unicem et les sociétés engagées dans le recyclage ont également présenté concrètement leurs actions sur deux sites. En premier lieu, le travail de déconstruction à Colombes (Hauts-de-Seine), avec l’aménagement du nouveau quartier l’Arc sportif. Sur l’îlot Columbus, quatre immeubles de bureaux et trois locaux doivent être détruits totalisant une surface de 98 162 m² ce qui va permettre de recycler 75 000 tonnes de béton. Entrepris par la société Cardem, filiale d’Eurovia, les travaux de déconstruction dureront 13 mois.
Une réutilisation circulaire
Sur ce chantier, le taux de recyclage atteint les 95 %. La ferraille est séparée du béton et une partie est concassée directement sur place. La démolition, le tri et le concassage sont assurés par des pelles mécaniques allant de 130 à 25 tonnes « afin de sortir le béton le plus propre possible », commente Eric Corbière, chef d’agence Cardem.
Les matériaux de déconstruction sont ensuite contrôlés et traités sur la plateforme SPL de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), à 10 minutes en bus du chantier. Ce site accueille également la société des enrobés de Gennevilliers (SEG), le tout sur 7 ha. Les deux entreprises sont des filiales du groupe Eurovia qui compte 13 plateformes de ce type en Île-de-France. SPL s’occupe de la fabrication et du recyclage de granulat et SEG de la fabrication et du recyclage des enrobés. Le site peut être approvisionné par camion, train et voie fluviale. « Tous les matériaux vont sur la montagne de déchets, il peut y avoir du béton de chantier ou de la terre inerte, présente Maxence responsable du site SPL. Les matériaux doivent être propres en arrivant ici, sans plastique ni plâtre, sinon nous les renvoyons ».
Le passage dans le concasseur est ensuite primordial puisqu’il divise par dix la taille des granulats et tri à nouveau la ferraille à l’aide d’un aimant. « Nous sortons 250 000 tonnes de produits finis dont 50 000 sont recyclés et réintroduits directement dans nos enrobés, nous fonctionnons en circuit fermé », indique Jean-Luc Bourge, directeur d’exploitation de SEG. En effet, une fois recyclés et valorisés, les matériaux repartent sous différentes formes dans la boucle de construction. « Tous ces chantiers viennent créer un réseau au service de l’économie circulaire », conclut Christophe Jozon.
Christophe Jozon a précisé la place du Grand Paris et en particulier du Grand Paris express (GPE) dans le recyclage des déblais : « Les chantiers du Grand Paris vont générer plusieurs millions de tonnes de déblais. Ils sont qualifiés de déblais et non de déchets ce qui a son importance car le qualitatif est aussi important que le quantitatif. Compte tenu de la géologie francilienne, vous allez avoir beaucoup de terre argileuse, difficilement exploitable exceptée pour réaménager les carrières par exemple. Les tunneliers du GPE cependant vont extraire des déchets qui seront plus facilement exploitables, donc recyclables et valorisables. La Société du Grand Paris souhaite le faire à 100 % pour ces déblais ce qui va dans le bon sens. Au niveau des quantités, nous pouvons assurer, puisque le chantier est sur un temps long (15 ans), ce qui nous aide à trier tous les déblais. Cependant, sur une année les déblais du GPE sont moins importants que les projets du quotidien. Par contre avec le GPE, à chaque fois, c’est hors norme. »
Les déchets du BTP en France représentent 227 millions de tonnes à traiter. Sur ces 227 millions, 211 sont des déchets inertes (93 %) qui peuvent être réutilisés contrairement aux déchets dangereux (3 millions de tonnes) et intermédiaires (13 millions de tonnes). Parmi ces 211 millions, une partie est réemployée directement sur les chantiers et les carrières et 81 millions sont potentiellement recyclables dont 65 le sont effectivement, soit un taux de recyclage de 80 %. Au total 148 millions de tonnes de déchets inertes sont recyclés ou valorisés : 32 millions sont valorisés en carrière (remblais), 51 millions sont réemployés directement sur les chantiers de travaux publics et 65 millions recyclés par des plateformes. Le taux de performance de la filière inerte atteint un score de 70 % (148 sur 211) et le taux de couverture annuelle des besoins en granulats en France est de 28 %.