D. Figeat : « La loi pour une République numérique va créer un big-bang »

La loi pour une République numérique, publiée au Journal officiel du 8 octobre 2016, élargit considérablement l’accès aux bases de données fiscales, ouvrant très largement la connaissance du montant des opérations foncières. Dominique Figeat, président de l’Observatoire régional du foncier d’Ile-de-France (ORF) prévoit que cette transparence inédite va créer un big-bang dans le secteur de l’immobilier.

Le contexte :

La loi pour une République numérique, publiée au Journal officiel du 8 octobre, vise à favoriser l’ouverture et la circulation des données et du savoir, à garantir un environnement numérique ouvert et respectueux de la vie privée des internautes et à faciliter l’accès des citoyens au numérique. Son article 24 prévoit que « l’administration fiscale transmet, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un opérateur, des éléments d’information qu’elle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations intervenues dans les cinq dernières années et qui sont nécessaires à l’exercice de leurs compétences en matière de politiques foncière, d’urbanisme et d’aménagement et de transparence des marchés fonciers et immobiliers à tous les professionnels de l’immobilier », aux collectivités et à leurs observatoires, aux associations, aux chercheurs, EPA, agences d’urbanisme, etc.

« La transmission, est effectuée à titre gratuit, sous forme dématérialisée dans le cadre d’une procédure en ligne. Elle est subordonnée à une déclaration de motifs préalable, aux fins de laquelle le demandeur doit justifier de sa qualité et accepter les conditions générales d’accès au service, indique cet article. Hors le cas des informations protégées au titre du secret de la défense nationale, l’administration fiscale ne peut se prévaloir de la règle du secret. Toutefois, les informations transmises excluent toute identification nominative du propriétaire d’un bien et les bénéficiaires de la transmission ne doivent à aucun moment pouvoir reconstituer des listes de biens appartenant à des propriétaires désignés », est-il également précisé.

JGP : Qu’est-ce qui change avec l’art. 24 de la loi pour une République numérique ? 

Dominique Figeat : Cet article lève, à certaines conditions, le secret fiscal sur les transactions foncières. Le ministère des Finances va donc devoir communiquer, dès lors que l’on en manifeste l’intérêt, l’information sur les caractéristiques et les prix des transactions. Les particuliers privés pouvaient, jusqu’à présent, avoir accès à la base de données « Patrim », ce qui leur permettait d’obtenir une évaluation de leur bien, à condition toutefois d’être concernés par une procédure d’expropriation ou un assujettissement à l’impôt sur la fortune (ISF). Ces conditions restrictives sont levées.

Dominique Figeat, président de l'Observatoire régional du foncier (ORF) © Jgp

Dominique Figeat, président de l’Observatoire régional du foncier (ORF). © Jgp

Aujourd’hui, toutes personnes, dès lors qu’elle a l’intention d’acheter ou de vendre, peut demander une évaluation patrimoniale des biens selon leurs caractéristiques. Cet article ouvre également l’accès au service DVF (demande de valeurs foncières), détenu par la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce fichier enregistre toutes les transactions transmises par les notaires aux services des hypothèques et centralisées au ministère des Finances.

Quelles en sont les conséquences ?

Je prévois un big-bang sur la connaissance des marchés fonciers et immobiliers : ces informations, qui étaient accessibles de façon très restrictive, seront désormais ouvertes à tous les professionnels, publics ou privés, qui s’y intéressent. L’accès à ces données va permettre de se livrer à une exploitation, notamment statistique, à une échelle très fine des caractéristiques des transactions, seul le nom et le revenu des personnes concernées demeurant confidentiels. Les informations sur l’ensemble des caractéristiques d’un bien, d’un terrain, d’un immeuble ou d’un appartement sont désormais disponibles, pour chaque parcelle cadastrale.

Un certain nombre de prestataires, souvent des équipes déjà mobilisées sur l’utilisation de système d’informations ou qui travaillent avec de grands investisseurs/opérateurs, vont se précipiter sur ces données, chercher à les exploiter mais aussi à les croiser avec d’autres informations, issues du cadastre, sur les caractéristiques du bâti, les documents et règlements d’urbanisme. Cela répondra à une demande très forte de tous les acteurs du marché, préalable à la réalisation d’opérations immobilières.

Vous plaidiez dans votre récent rapport sur la mobilisation du foncier privé pour un open data pur et simple ? 

En effet.  Ce n’est pas encore tout à fait le cas, mais c’est un grand pas en avant. Les professionnels publics et privés, les chercheurs et associations pourront adresser une demande au service fiscal qui ne pourra pas s’y opposer. Cela va bouleverser les habitudes et va dans le bon sens, aboutissant sans aucun doute à un marché moins opaque, banalisant l’information. On peut en attendre des comportements plus rationnels parce que mieux informés et des négociations plus fluides. Cette mesure est exécutoire dans les six mois qui suivent la publication de la loi.

Un autre texte, le projet de loi « égalité et citoyenneté », actuellement en cours d’examen au Parlement, pourrait contribuer également à une meilleure transparence : le titre 2 de cette loi, consacré au logement, prévoit, en effet, en son article 32, une généralisation par les collectivités locales, métropoles et grandes agglomérations, des observatoires du foncier et de l’immobilier.

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