Camille Gharbi – Comme une image

Camille Gharbi a renoncé à l’architecture pour une carrière de photographe. Ses clichés sont remarquables de maîtrise et d’humanité. Qu’il s’agisse d’architectes, de leurs travaux, de migrants ou de disc-jockeys.

Camille Gharbi a la grâce de sembler totalement ignorer son charme. Sa voix est douce, parfois presque hésitante, le regard humble, légèrement compassé. Un rire franc, encore teinté d’enfance ponctue son récit, à intervalles réguliers. La jeune femme a trouvé sa voie. Elle aime ce qu’elle fait. Elle sera ravie dans quelques semaines, après une heureuse nouvelle, de retrouver à plein temps son boîtier, ses cailloux et ses modèles, bâtiments, architectes, dirigeants, artistes ou migrants, qu’elle photographie avec un soin extrême. Et une maîtrise étonnante de la lumière et du cadre. Qu’il s’agisse de l’architecte Nicolas Michelin et de son équipe, d’une salle de classe abritant des étudiants afghans, des migrants du lycée Jean Quarré place des Fêtes à Paris, la même patte : une exposition et une composition parfaite, une façon unique de valoriser le sujet, starchitecte ou réfugié : with love.

Camille Gharbi

Camille Gharbi. © JGP

« J’ai beaucoup déménagé », raconte Camille Gharbi, au rythme des obligations professionnelles et des « rebondissements personnels » de ses parents. Après Lyon, Dubaï, « j’ai aimé le désert », dit-elle, Mâcon, Annecy puis la Capitale, et l’école d’architecture Paris Val-de-Seine. « Une décision un peu instinctive », dit-elle. Bonne élève, elle aime à la fois les matières scientifiques, l’art plastique et le dessin. « La formation d’architecte m’a plu. » Elle cite l’enseignement de Simon Rodriguez et Jean Mas, (Ateliers 2/3/4). « J’apprécie le travail de recherche au démarrage d’un projet, les esquisses ». « L’architecture rassemble tellement de domaines connexes, les arts, la technique, l’urbanisme, les paysages, la psychologie de l’espace les matériaux, c’est super stimulant », raconte-t-elle, parlant volontiers avec les mains.

Puis c’est Melbourne, en Australie, où elle poursuit deux années durant ses études d’archi. De retour en France, elle intègre le cabinet de Michel Ragon. « Je découvre alors le vrai monde de l’architecture, auquel je n’étais pas tellement préparée. » Elle repart en Australie, revient en France, dans diverses agences dont celles de Nicolas Michelin ou de Patrick Mauger. « J’ai fini par comprendre que j’avais envie de faire autre chose. » Elle évoque le stress, la pression permanente, les charrettes. « C’était un poids, j’ai mis du temps à m’en rendre compte. J’ai pas mal réfléchi. On ne change pas de métier comme ça. »

Bâtiments et portraits

Elle a toujours aimé la photo. Elle contacte des grands noms de la photo d’architecture. Qui l’encouragent. « J’ai recueilli beaucoup d’échos bienveillants », dit-elle. Vincent Fillon, Cécile Septet ou Luc Boegly la conseillent. Elle se forme, d’abord en cours du soir, au centre Jean Verdier, puis à l’école des Gobelins. Et ça marche. Chartier Dallix, Renzo Piano, Hardel Le Bihan figurent parmi ses clients. Elle allie clichés de bâtiments et portraits d’architectes. « Mais c’est la photo en général qui m’intéresse », dit-elle, pas seulement l’architecture.

A Calais, Paris ou Lampedusa, elle a fait des migrants des sujets comme les autres, souriants, vivants, humains. « Je travaille les atmosphères, confie-t-elle, j’essaie d’avoir du temps, de rendre compte des usages, de la vie d’un bâtiment ». « Je peux me lever à 4h du matin pour capter une lumière », avoue-t-elle. A la différence de Roland Barthes, l’auteur de La Chambre claire, Camille Gharbi ne cite pas Robert Mapplethorpe, William Klein ou Nadar mais Bas Princen, également architecte de formation, ou Todd Hido, photographe des logements de la périphérie américaine, au titre de ses inspirateurs.

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