Anne Hidalgo défend pragmatisme et humanisme face à l’impasse des « dublinés »

« S’il y a un angle mort dans ce que nous faisons [en matière d’immigration], il s’appelle les dublinés », a martelé Anne Hidago, à l’occasion du Conseil de Paris, qui se déroule du 4 au 6 juin 2018. La maire de Paris appelle le gouvernement à faire preuve à la fois de pragmatisme et d’humanisme pour sortir du feuilleton à répétition alternant évacuation et reformation de camps de migrants dans la Capitale.

« Si nous ne mettons pas en place une structure d’hébergement nécessaire, et si nous persistons à vouloir appliquer les règles destinées aux dublinés, je crains fort que nous nous retrouvions de nouveau, rapidement, avec de nouveaux camps », a déploré Anne Hidalgo à l’occasion du conseil de Paris.

« Il est illusoire de penser que l’Etat va financer le voyage de ces personnes vers l’Italie », a déclaré Anne Hidalgo en marge du conseil de Paris.© Jgp

La maire de Paris en a appelé également, une nouvelle fois, à l’État, pour demander l’ouverture d’un nouveau centre de premier accueil, semblable à celui de la Chapelle qui a fermé ses portes le 30 mars dernier. Tous les élus se sont accordés sur l’urgence de mettre en place une solution à long terme pour éviter la constitution de nouveaux camps et élaborer une solution à l’échelle européenne.

Ces débats sont intervenus alors que les camps de migrants situés au bord du Canal Saint-Martin et à La Chapelle ont été évacués par les forces de l’ordre, lundi 4 juin 2018 au petit matin. Plus de 900 migrants ont ainsi été conduits vers des centres d’hébergement provisoires. Ils s’ajoutent au millier de migrants évacués la semaine précédente lors de la « mise à l’abri » des personnes du camp du Millénaire, porte d’Aubervilliers.

En finir avec le statut des dublinés

La plupart sont donc des « dublinés », migrants soumis au Règlement de Dublin III, qui concerne le droit d’asile dans l’Union européenne et établit que le pays dans lequel un demandeur d’asile dépose sa requête doit être responsable de l’examen de la demande. Ces « dublinés » évacués le 4 juin devraient donc, en théorie être renvoyés vers un pays d’Europe, souvent l’Italie, dans lequel ils sont déjà enregistrés. « Or il est illusoire de penser que l’Etat va financer leur voyage vers l’Italie », a déclaré Anne Hidalgo en marge du conseil de Paris.

Selon le préfet de police, Michel Delpuech, 3 531 attestations Dublin ont été délivrées sur les quatre premiers mois 2018, contre 1 875 en 2015 et 5 503 en 2017. © Jgp

Cette révision du règlement semble d’autant plus urgente que le nouveau gouvernement italien, formé le 31 mai dernier, a promis « l’expulsion massive d’immigrés clandestins », selon les propos de Matteo Salvini, leader de la Ligue – parti d’extrême droite – et nouveau ministre de l’Intérieur italien. « Ce qui se passe en Italie risque d’aggraver encore la situation du territoire national et du territoire parisien », constate Anne Hidalgo.

Dans un souci à la fois « de pragmatisme et d’humanisme », l’exécutif parisien a donc adopté un vœu réclamant la révision du Règlement de Dublin, rappelant que « la question des dublinés est une question nationale et européenne ».

Mise à l’abri

Dominique Versini, adjointe chargée des questions relatives aux solidarités, la lutte contre l’exclusion, l’accueil des réfugiés et la protection de l’enfance, a rappelé que « l’État détient la compétence et la responsabilité légale de la mise à l’abri de tous les demandeurs d’asile, y compris les dublinés, qui sont des demandeurs d’asile, du seul fait qu’ils ont déposé leur demande en Italie ».

Selon le préfet de police, Michel Delpuech, 3 531 attestations Dublin ont été délivrées sur les quatre premiers mois 2018, contre 1 875 en 2015 et 5 503 en 2017. Ces chiffres montrent les limites des politiques européennes concernant le droit d’asile, bien que le sujet de la révision du règlement concerne l’État, comme le rappelle le préfet.

La maire de Paris en a appelé également, une nouvelle fois, à l’État, pour demander l’ouverture d’un nouveau centre de premier accueil, semblable à celui de la Chapelle qui a fermé ses portes le 30 mars dernier. © Jgp

Le statut des dublinés a entraîné des divergences d’opinion ces dernières semaines entre la mairie de Paris et le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, sur le renvoi ou non des migrants irréguliers dans leur premier pays d’accueil. Gérard Collomb soutient vivement l’évacuation de ces camps et l’expulsion des « dublinés ». La maire de Paris, Anne Hidalgo, défend, pour sa part, une « mise à l’abri » de ces migrants et davantage de souplesse dans le traitement de leur dossier. Après quatre mois de polémiques, l’action du 4 juin représente la 36e évacuation de migrants organisée à Paris depuis 2015, mettant en lumière la situation d’impasse dans laquelle se trouvent les autorités  face aux demandeurs d’asile soumis au Règlement Dublin III.

Sur le même sujet

Top