A. Valbon : « L’idée de la “métropole pour tous” est une imposture »

Pour Antoine Valbon, les actions des métropoles « ne sont que des emplâtres sur les phénomènes engendrés d’éviction des plus pauvres, d’aggravation écologique, d’aseptisation des existences ». Le directeur général des services de Grand-Orly Seine Bièvre formule également des propositions sur l’organisation institutionnelle.

Vous soutenez l’idée que les métropoles sont forcément ségrégatives. N’ont-elles pourtant pas des vertus qui leur permettraient d’affronter ces inégalités territoriales ?

L’urbaniste Guillaume Faburel décrit bien les maux : la gentrification et la ségrégation, mais surtout l’éviction des plus pauvres. Il décrit l’artificialisation à l’infini des espaces de vie. Avec la montée en puissance des métropoles, celles-ci sont souvent considérées comme l’endroit d’où émergera un avenir plus écologique. Elles cherchent des solutions aux problèmes qu’elles ont elles-même créés. La métropole smart-city, intelligente, connectée et green. Mais tous ces remèdes sont à la fois des poisons. Les actions entreprises ou annoncées ne sont que des emplâtres sur les phénomènes engendrés d’éviction des plus pauvres, d’aggravation écologique, d’aseptisation des existences. Bien sûr, toutes les innovations (toitures agricoles, puits carbone, sols perméabilisés, Building information modeling – BIM -, projets d’aménagement et de développement durables fondés sur des exigences sociales et environnementales, utilisation des outils numériques pour favoriser les espaces démocratiques) sont pertinentes au regard de la réalité du fait métropolitain et de la gravité de la situation.

Antoine Valbon. © DR

Sur le terrain, sous l’impulsion de nombreux élus locaux, nous mettons en œuvre des initiatives innovantes et passionnantes. Le projet de territoire, socle du futur plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) de Grand-Orly Seine Bièvre, est édifié sur des exigences sociales, environnementales et durables particulièrement volontaires et offensives. Néanmoins, ces initiatives, y compris les stratégies développées avec ferveur et détermination dans les projets d’aménagement et de développement durables, endiguent mais n’inversent pas l’organisation ségrégative de l’aire métropolitaine et l’appropriation inexorable de ses sols. Laisser croire que ces innovations permettraient de rendre la métropole populaire, participative, écologique et durable est un leurre.

Pourquoi estimez-vous que les métropoles dépossèdent les citoyens de leur capacité directe d’action ?

Les habitants sont les grands absents de l’élaboration du Projet d’aménagement et de développement durable (PADD) de la MGP. Les métropoles dépossèdent les citoyens de leur capacité directe d’action, laquelle est systématiquement déléguée à des forces politiques et institutionnelles. Elles produisent une « aseptisation » de nos existences et de nos expériences urbaines et suppriment les espaces démocratiques.

Plusieurs conceptions de ce que doit être la métropole institutionnelle s’opposent. Laquelle vous semble la plus adaptée ?

De nombreux acteurs émettent la proposition d’organiser l’espace métropolitain dans un pôle métropolitain. C’est notamment la proposition de loi déposée par plusieurs députés LREM. Le pôle métropolitain, qui est une forme prévue par la loi, correspond totalement au vote des 94 % des élus en 2015 : une institution stratège et réparatrice, et non une institution opérationnelle qui vient se substituer au bloc communal.

Quels sont les enjeux financiers qui sous-tendent les débats autour de la construction métropolitaine ?

C’est incontestablement l’équité territoriale. Les thuriféraires de l’institution centralisée métropolitaine prétendent qu’elle serait la garantie d’une juste péréquation entre territoires riches et territoires populaires. L’expérience nous montre pourtant qu’il n’en est rien. L’organisation à l’échelle métropolitaine des transports ne conduit pas à un traitement péréquateur, ni même équitable, des infrastructures en Ile-de-France. Il suffit d’utiliser quotidiennement les transports en commun pour s’en rendre compte. Lorsqu’une rame neuve de tramway est installée sur une ligne des Hauts-de-Seine, l’ancienne vient remplacer celle devenue obsolète sur une ligne de Seine-Saint-Denis. La sécurité publique, pourtant organisée à une échelle centralisée, en est un autre exemple caractéristique. Les moyens déployés à Montfermeil et à Neuilly-sur-Seine ne sont ni équitables ni même identiques. Malgré une organisation sous l’égide d’une agence régionale de santé (ARS), la crise sanitaire actuelle montre l’importance du déficit d’infrastructures hospitalières en Seine-Saint-Denis, au regard de l’ouest parisien et de la capitale. La péréquation n’est pas une affaire institutionnelle. Elle est un acte politique. Et celui-ci doit être organisé par la loi. Par ailleurs, je suis convaincu que la réflexion doit aller au-delà d’un simple partage des compétences et des financements. Les métropoles sont des lieux particuliers de production de richesses et de profits (l’Ile-de-France concentre plus de 30 % du PIB national pour 22 % des emplois et 22 % de la population) mais aussi de désordres environnementaux et sociaux. Il convient donc d’adapter à ces échelles des fiscalités nouvelles, assorties de politiques de rééquilibrage.

 

Antoine Valbon développe ces idées sur son blog : https://blogs.mediapart.fr/antoinevalbongrandorlyseinebievrefr/blog/250321/la-metropole-du-grand-paris-ou-l-imposture-de-la-ville-pour-tous

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