S. de Faÿ : « La qualité des projets doit être notre seul critère de choix des promoteurs »

Faire des promoteurs de véritables partenaires, choisis en fonction de leur savoir-faire et de leurs convictions, pour coconstruire avec eux les projets les mieux adaptés à chaque situation urbaine, avec une qualité accrue et des délais raccourcis : c’est le sens de l’appel à manifestation d’intérêt que lance Grand Paris aménagement, explique son directeur général, Stéphan de Faÿ.

Pourquoi lancez-vous un appel à manifestation d’intérêt de référencement préalable à l’attribution de vos fonciers ?

Aujourd’hui, une trentaine de promoteurs travaillent avec Grand Paris aménagement, de toutes tailles. Pour donner un ordre d’idées, quand j’étais à la tête de Bordeaux Euratlantique, 65 promoteurs œuvraient avec nous. Il s’agit donc de mieux connaître ces derniers dans la diversité de leurs savoir-faire. Lorsque nous nous posons la question de savoir qui nous allons interroger pour tel cas particulier, il arrive que des acteurs nous semblent évidents, mais ce n’est pas toujours le cas. Il est important que nos opérations ne soient fermées à personne.

Stéphan de Faÿ. © Djibrann Hass

Cet AMI procède-t-il également d’une volonté de clarification de vos critères de choix ?

Il a toujours existé, en effet, une ambiguïté sur la question de savoir quelles étaient les priorités qui dictent nos choix : est-ce la qualité du projet, dans toutes ses acceptions ? Ou bien est-ce que l’on cherche seulement à vendre aux plus offrants ? Dans ce dernier cas, comme à chaque fois qu’un aménageur, une collectivité ou même l’Etat vend du foncier au plus offrant y compris au travers d’une mise aux enchères, il alimente de fait la spéculation foncière et contribue à la dégradation de la qualité de ce qui sera construit.

Notre choix, comme l’a bien montré Emmanuelle Wargon avec la démarche « Habiter la France de demain » et à travers toutes les questions que cela a suscité, doit être de placer la qualité du projet, la qualité d’usage, environnementale, l’adaptabilité future comme critères de choix exclusifs. Les candidats à l’acquisition de nos fonciers doivent donc construire leur réponse dans une enveloppe de prix définie dès le départ et non-négociable.

Grand Paris aménagement travaillait déjà de cette façon sur certaines de ses opérations. Mais nous allons généraliser ce mode de consultation. Les promoteurs ont exprimé depuis longtemps leur souhait de travailler de la sorte. Sauf qu’ils ne sont pas forcément audibles sur ce sujet. Il revient aux acteurs publics de porter ce discours, qui me semble fondamental.

Pourquoi préférez-vous, par ailleurs, les mises en concurrence aux ventes de gré à gré ?

Le droit français comme le droit européen autorisent que les cessions de foncier s’opèrent en gré à gré. Dans certains cas, ce choix est plus que pertinent, par exemple lorsqu’une entreprise souhaite s’implanter quelque part, vous n’allez pas mettre en concurrence la cession du terrain dont elle a besoin, elle partirait immédiatement ailleurs. Pour autant, toutes les entreprises comme les collectivités définissent des règles internes, afin que la prise de décision en la matière évite tous conflits d’intérêt.

Chez Grand Paris aménagement, depuis longtemps, ces règles reposent sur la collégialité, la transparence et la traçabilité des choix. Nous sommes contrôlés par nos autorités de tutelle, notamment le Contrôle général économique et financier, ce qui est très sain. Nous continuerons d’ailleurs à travailler en gré à gré, par exemple avec les bailleurs sociaux, certains investisseurs de long terme ou encore pour accompagner l’implantation durable d’entreprises. Pour choisir nos partenaires pour des projets plus classiques, qui représentent l’essentiel de nos commercialisations, nous souhaitons en revanche systématiser les mises en concurrence.

Comment procédez-vous dans ce dernier cas ?  

Le choix de la procédure permettant de choisir les opérateurs immobiliers se fait toujours main dans la main avec la collectivité au service de laquelle nous travaillons. De notre côté, nous militons cependant – dans la plupart des cas – pour des procédures légères. Elles permettent de choisir les promoteurs pour leurs savoir-faire et leurs convictions – et donc sans se « cacher » derrière le travail de leur architecte – et n’obligent pas à dépenser au préalable des centaines de milliers d’euros qui constituent des barrières à l’entrée pour des acteurs de taille moyenne, tout en représentant des montants qui manquent ensuite pour la construction de ces mêmes projets.

Dans la pratique, différentes possibilités s’offrent à nous : on peut mettre en concurrence en demandant aux candidats de nous présenter un projet déjà abouti, contenant un vrai travail d’architecture. Ou encore par rapport à des références passées. C’est ce dernier mode que nous allons plutôt expérimenter. Une première étape consiste donc à un référencement, nous permettant de mieux connaître les différents acteurs. Au fond, la principale question que nous posons, à travers l’AMI, est la suivante : si vous étiez retenu par Grand Paris aménagement, pour quelles raisons souhaiteriez-vous que ce soit ? Simplement parce que vous êtes promoteurs ? Ou bien pour telles ou telles convictions ou expertises que vous possédez ?

Cela renvoie également à la question de savoir si l’on choisit un promoteur ou seulement le projet d’un architecte. Trop souvent, les promoteurs se cachent derrière les convictions de leur architecte. Or un promoteur doit être un vrai maître d’ouvrage, pas seulement un pourvoyeur de fonds. Il doit posséder lui-même des convictions. Et nous avons la chance en France d’avoir des promoteurs qui ont de vraies convictions, même si ce n’est pas le cas de tous. Autrement dit, il est plus sain de choisir d’abord un promoteur en fonction de ses convictions, de son adaptation à une situation urbaine et à un territoire donné et, ensuite, de coconstruire avec lui le projet, et non plus de choisir un projet construit en chambre.

Pourquoi estimez-vous qu’il s’agît d’un changement de philosophie ?

Ce changement réside dans la question de savoir comment les promoteurs deviennent réellement nos partenaires, avec lesquels nous travaillons pour concevoir les projets les plus adaptés. Et pas un acteur qui est le « menteur » ou le « voleur » de service. Honnêtement, les promoteurs se disputent avec les garagistes le prix du métier doté de la pire réputation, ce qui est, disons-le, profondément injuste. La petite musique que l’on entend actuellement à ce sujet me semble même dangereuse.

J’ajoute que ce partenariat avec les promoteurs doit se nouer sans angélisme. Il faut que chacun tienne ses engagements. Quand on cesse de vendre nos fonciers aux enchères, cela signifie également que le prix n’est pas négociable. Ni à la hausse ni à la baisse. Cela signifie aussi que lorsque l’on s’est engagé à bâtir des balcons qui mesurent au moins deux mètres de profondeur, pour que l’on puisse manger dehors, il ne s’agit pas de nous expliquer qu’au final, ils mesureront un mètre parce que cela coûte moins cher. Voilà ce que nous souhaitons mettre en avant.

Estimez-vous que ce référencement permettra de réduire les délais ?

Un de nos objectifs consiste en effet à réduire le temps qui s’écoule entre le choix d’un promoteur et la livraison du projet. Si l’on veut contribuer à résoudre la crise du logement, il ne s’agit pas seulement de construire plus, il faut aussi construire plus vite. Aujourd’hui, en Ile-de-France, le délai moyen entre le choix d’un promoteur pour une opération et sa livraison (et ce n’est pas vrai seulement pour Grand Paris aménagement) se situe entre six et sept ans. Nous voulons le réduire à trois ou quatre ans. Nous n’y arriverons pas immédiatement. Mais tout l’argent que l’on ne dépense pas en tirant en longueur les projets, nous pourrons l’investir dans la qualité de ces projets.

Quels sont les critères qui déterminent votre choix d’intervenir sur certains projets en copromotion ?

Nous sommes justement en train de stabiliser notre doctrine à ce sujet, avec nos autorités de tutelle. Mais a priori, nous interviendrons en copromotion dans trois types de situation : la première sera l’expérimentation de niveaux d’ambition très élevés. Nous avons par exemple engagé une opération de copromotion pour tenter d’appliquer dès aujourd’hui les objectifs de la RE2020 applicables en 2028 dans les mêmes enveloppes de coûts de construction qu’aujourd’hui. Ce qui nous intéresse en pareil cas, c’est d’apprendre, pour être légitime demain en tant que prescripteurs, afin d’identifier les clés de succès non seulement pour tenir les objectifs environnementaux mais aussi économiques. Si le logement est vendu 1 000 euros plus cher du mètre carré à cause de ses vertus environnementales, on aura tout raté.

Le deuxième type d’opérations dans lesquelles nous pourrons intervenir en copromotion seront celles de micro-aménagements, de 200 à 300 logements, au sein desquelles il n’existe pas un espace suffisant pour rémunérer à la fois un aménageur et un promoteur, mais pour lesquelles la collectivité a besoin d’un peu plus que la simple production d’un immeuble. Nous apportons ainsi un modèle économique alternatif, qui permet à la collectivité de réaliser une opération, tout en portant un certain nombre d’autres objectifs, de financement et de production de l’espace public notamment, de remaillage ou de politique sur les rez-de-chaussée actifs.

Enfin, dernier cas, lorsqu’un promoteur nous est imposé par une collectivité, ce qui est tout à fait légal et n’a rien de choquant, notamment parce que telle collectivité a déjà travaillé avec tel promoteur qui lui donne toute satisfaction. Dans ce cas, nous pourrons intervenir en tant que copromoteur pour obtenir des moyens supplémentaires de nous assurer que les objectifs affichés par l’opérateur vont être tenus.

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