Ph. Zaouati : « Il faut réduire l’empreinte carbone de Paris de 15 à 20 % pendant le prochain mandat »

Création d’un service public municipal de rénovation thermique des bâtiments, électrification de la flotte de voitures, sécurisation de l’usage du vélo, changement du modèle agricole francilien, création de rues-jardins… Philippe Zaouati, coprésident du conseil pour l’urgence climatique de Benjamin Griveaux, décrit sa vision.

Quel est votre engagement dans la campagne de Benjamin Griveaux pour les prochaines élections municipales à Paris ?

Benjamin Griveaux a créé des conseils qui sont des groupes d’experts, ayant vocation à lui proposer des orientations et à les introduire dans le débat public. Ce que le conseil propose ne constitue pas d’emblée une proposition du candidat. C’est un ensemble de suggestions qui lui sont faites, testées sur la plateforme Internet de la campagne auprès des Parisiens qui peuvent voter pour exprimer leurs priorités. Nous avons créé un conseil de l’éducation, présidé par Carole Diamant, un conseil de la vie quotidienne, présidé par Delphine Bürkli, la maire du 9°, et un conseil dédié à l’urgence climatique, que je copréside avec Anne Le More. Un conseil de l’émancipation de la jeunesse a également été mis en place.

Philippe Zaouati. © Jgp

Comment ces conseils travaillent-ils ?

Celui sur l’urgence climatique se compose d’une vingtaine d’experts, entourés d’un forum plus large, d’une cinquantaine de personnes, intégrant des membres de la société civile, qui nous permet de tester les idées envisagées. Le seul élément de cadrage fixé par Benjamin Griveaux, c’est l’objectif de réduction de l’empreinte carbone des Parisiens. Nous devons formuler, en ce sens, les propositions les plus pragmatiques et les plus efficaces possibles. L’empreinte carbone moyenne des Parisiens aujourd’hui constitue notre point de départ.

A quel niveau se situe-t-elle ?

Avec un peu plus de 12 tonnes d’équivalent carbone, l’empreinte des Parisiens se situe au-dessus de la moyenne nationale. Si l’on veut atteindre la neutralité à l’horizon 2050, il faut que, dès le prochain mandat, nous réduisions cette empreinte de 15 à 20 %, soit l’équivalent de 2 tonnes d’équivalent carbone par habitant. C’est extrêmement ambitieux.

Vous insistez sur l’importance de la méthode ?

C’est essentiel. Le rôle de la Ville est de montrer l’exemple et d’entrainer les Parisiens. Il faut aussi souligner que le chiffre de 12 t/habitant est une moyenne. Certains émettent 2 t de carbone, d’autres 30. Les efforts à fournir ne seront donc pas les mêmes pour tous. Autrement dit, nous devons proposer des mesures qui soient à la fois efficaces et socialement acceptables.

Quelles sont vos priorités ?

Nous en avons identifié quatre, donnant lieu à quatre groupes de travail au sein du conseil : l’énergie et les bâtiments, la mobilité, l’alimentation et la consommation, et enfin l’adaptation au changement climatique et la nature en ville. Le bâti représente l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre à Paris. On en parle pourtant beaucoup moins que des transports. Il faut accélérer la rénovation thermique des bâtiments. Nous avançons à un rythme beaucoup trop lent, notamment en ce qui concerne les logements privés. Pour atteindre nos objectifs, il faudra, à Paris, rénover 1 400 copropriétés par an, pendant 30 ans. Nous en sommes très loin aujourd’hui.

Comment inciter davantage les copropriétés à effectuer les travaux nécessaires ?

Aujourd’hui, les aides existantes sont trop complexes. Les copropriétés ne parviennent pas à enclencher le processus de prise de décision. Nous souhaitons donc à la fois accompagner et inciter. Concernant l’accompagnement, nous proposons de bâtir un véritable service public municipal de la rénovation. L’Agence parisienne du climat (APC) a des actions positives à son actif, telles que « Coach copro », ou « Eco-rénovons Paris ». Mais ces démarches sont menées à une échelle beaucoup trop faible.

L’APC compte à peine une vingtaine de personnes. Le service public que nous souhaitons créer accompagnera les copropriétés, de la phase de diagnostics jusqu’à la maîtrise d’œuvre, en passant par l’identification des aides. Cela se fera de façon décentralisée. La proximité, à l’échelle de l’arrondissement et de chaque quartier, constitue un des axes majeurs de la campagne de Benjamin Griveaux.

Vous vous adresserez aux syndicats ou aux particuliers ?

Les syndics sont un secteur très atomisé, où l’expertise pour mener à bien d’importantes rénovations n’est pas toujours présente. Il faut favoriser leur montée en compétence. Mais le travail de persuasion est à mener auprès des copropriétaires eux-mêmes. Le conseil a souhaité qu’une réflexion soit conduite sur la taxe foncière, qui peut être réduite de 50 à 100 % lors de travaux de rénovation énergétique, mais nous souhaitons nous assurer au préalable de l’impact positif de cette mesure.

Vous souhaitez voir le chauffage au fioul disparaître ?

5 % des copropriétés parisiennes sont encore chauffées au fioul. Nous portons l’ambition d’éradiquer le recours à cette source d’énergie dans les six ans qui viennent. Or, un changement de chaudière coûte en moyenne autour de 3 000 euros par foyer. Nous proposons d’accorder une subvention significative, pendant une période limitée, pour déclencher la décision des copropriétés. Par ailleurs, le chauffage urbain parisien, principalement alimenté par l’énergie provenant des incinérateurs, utilise encore 50 % d’énergie non renouvelable. Comment aller vers 100 % d’énergie renouvelable ? C’est un des chantiers que nous souhaitons ouvrir en faisant en sorte que Paris et les Parisiens deviennent des acteurs de la transition énergétique.

Benjamin Griveaux, avec les présidents de ses différents conseils, au théâtre du gymnase le 25 novembre 2019. © Jgp

Quelles sont vos propositions en matière de mobilité ?

Nous constatons une hystérisation du débat autour de la place de la voiture. C’est un sujet essentiel, et cette place baissera dans les prochaines années, mais nous devons aborder cette question de façon plus sereine. Notre souhait, c’est d’abord de procéder à un effort sans précédent d’électrification de la flotte de véhicules des Parisiens, y compris cette des deux-roues. Nous proposons d’attribuer des primes à la conversion pour les scooters, de façon à ce que d’ici cinq à dix ans, plus un seul scooter thermique ne circule dans les rues de la Capitale. Il faudra également accélérer la réalisation de bornes de recharge pour les voitures, interdire dès que possible la circulation des bus diesel…

En parallèle, nous devons favoriser le transfert modal, vers les transports collectifs, mais aussi le vélo et la marche à pied. Cela demande des investissements et de l’efficacité. Il y a par exemple un réel problème d’efficacité des transports en commun à Paris, avec une vitesse moyenne des bus qui a baissé au cours des dernières années, et qui s’élève à 6 ou 7 km/h aujourd’hui, en partie en raison de l’importance des travaux, mais pas seulement.

Vous souhaitez également renforcer la sécurité de l’usage du vélo ?

Aujourd’hui, seuls 5 % des Parisiens vont au travail à vélo. Augmenter ce nombre passe par des pistes cyclables sécurisées, pas exclusivement sur les grands axes. Nous préférons, quand c’est possible, une petite rue dédiée au vélo, à la confrontation, sur les grands axes, des différents modes de transport. Il est par ailleurs indispensable de développer des pistes cyclables dans des zones où elles sont peu présentes aujourd’hui. Très peu de choses, par exemple, ont été prévues pour faciliter et sécuriser le passage des portes de Paris à vélo. La sécurité de l’usage du vélo passe par celle des biens. Nous souhaitons augmenter le nombre de places sécurisées de vélos, à l’intérieur des bâtiments publics et privés, professionnels et résidentiels. Nous suggérons enfin davantage de formation et de sensibilisation pour réduire les incivilités liées au partage de l’espace public, et ce dès l’école.

Quelles sont vos propositions en matière de consommation et d’alimentation ?

L’offre d’alimentation bio s’est fortement développée à Paris, mais elle n’est que très peu locale. L’urgence climatique et environnemental impose évidemment de réduire l’utilisation de pesticides, mais surtout de manger beaucoup plus « local ». Moins de 5 % de l’alimentation des Parisiens provient de l’Ile-de-France. Relocaliser notre alimentation, c’est aussi accroître la résilience de la ville en cas d’aléas climatiques. Cela suppose d’aider les agriculteurs, dans un rayon de 150 km autour de Paris, à changer de modèle pour créer une vaste ceinture nourricière autour de la Capitale. Il faudra pour cela transformer une partie de l’usage des sols, avec plus de cultures maraîchères, plus de distribution en circuit-court. Cela implique un partenariat fort avec les collectivités de l’Ile-de-France.

Cela demande aussi des changements de modèle en matière de logistique ?

Aujourd’hui, lorsque l’on parle de circuits courts en agriculture, on pense aux Amap qui font un travail formidable, mais dont le modèle, si je caricature, est celui d’un agriculteur qui achemine trois palettes de produits dans Paris avec sa camionnette diesel. Ce n’est ni efficace, ni soutenable. Il faut donc récréer des plateformes logistiques dans la ville. Nous souhaitons que Paris se dote d’un point de distribution d’alimentation locale dans chacun des 240 quartiers que nous avons identifiés.

Vous travaillez également à des propositions concernant le traitement des déchets ?

Paris est un mauvais élève sur cette question. Le taux de recyclage est très faible. 80 % des déchets parisiens sont incinérés. Il faut s’attaquer aux grandes masses, recyclage de papiers, de cartons et de plastique. Une grande part de ce qui devrait atterrir dans les poubelles jaunes, ne s’y retrouve pas. La tarification incitative, sur laquelle nous n’avons pas encore statué, figure parmi les questions auxquelles nous réfléchissons, mais il y a d’autres solutions. L’accélération de la collecte des poubelles jaunes doit être envisagée, et il faut évidemment de l’incitation, de l’accompagnement, de la formation en direction des Parisiens, particuliers et professionnels. Nous proposons également de créer un label « commerçant zéro déchet ».

Et les déchets organiques ?

La troisième collecte, la poubelle marron destinée aux déchets organiques, démarre en test dans quelques arrondissements. Nous voulons l’accélérer et la généraliser, sans méconnaitre les problématiques techniques posées. De 20 à 30 % des immeubles parisiens, pour des raisons de place, ne peuvent pas abriter une troisième poubelle.

Vous planchez également sur le sujet de l’adaptation et de la nature en ville ?

Il faut réduire notre empreinte carbone, et nous avons une responsabilité particulière, dans la ville où ont été signés les accords de Paris, mais nous savons aussi que le réchauffement de la température est inéluctable. Paris doit donc se préparer à la multiplication des canicules, en luttant contre les îlots de chaleur. Un arbre équivaut à trois climatiseurs. Nous voulons accélérer la végétalisation de la ville. Paris est une capitale très dense, très minérale. Avec un très fort déficit de zones végétalisées, notamment dans l’est parisien. Il faut de la végétalisation partout, là où les Parisiens vivent. Nous avons lancé l’idée de la création de 240 rues-jardins, une dans chaque micro-quartier. Il s’agirait d’une rue entièrement piétonnisée, végétalisée, débitumée, cogérée par la mairie et par les riverains, permettant de créer à terme un réseau de rues où l’on pourra marcher, faire du vélo dans un environnement apaisé, mais aussi développer une vie de quartier.

Et le Grand Paris ?

Je suis convaincu que l’écologie devrait être l’un des tout premiers sujets que l’on décide de traiter à l’échelle du Grand Paris.

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