Lors du désormais traditionnel diner des maires de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier a appelé les maires à combattre avec lui pour s’opposer aux conclusions du rapport remis par Eric Woerth au président de la République quelques jours plus tôt, qui préconise purement et simplement la suppression de la métropole du Grand Paris.
Les oreilles d’Eric Woerth ont sifflé lundi 3 juin, lors du dîner des maires de la métropole du Grand Paris organisé par Acteurs du Grand Paris. Patrick Ollier a entamé son discours en exprimant sa conviction des vertus de la gouvernance partagée, de la culture du consensus qui prévaut au sein de la métropole du Grand Paris et qui aboutit à ce que ses délibérations « sont adoptées par 98 % des voix ». Quelques instants plus tard, la maire de Paris Anne Hidalgo, présente à cette soirée de même que son premier adjoint Emmanuel Grégoire et de plusieurs maires d’arrondissement, avait elle aussi décrit l’évidence de la nécessité d’une gouvernance plurielle, la Métropole ne pouvant se faire « sans ou contre Paris », gouvernée par la gauche, dans une aire urbaine où la droite domine.
« Encore une minute, monsieur le bourreau », a poursuivi le maire de Rueil-Malmaison, visiblement très remonté contre le rapport Woerth remis jeudi dernier au président de la République, qui recommande purement et simplement la suppression de la métropole du Grand Paris. « Ce rapport, je le trouve absurde. Je pèse mes mots parce que je ne suis pas grossier. Je le trouve très techno et totalement en dehors des besoins du futur. Parce que la Métropole, elle est là aussi pour préparer les cheminements pour l’avenir », a déclaré l’ancien ténor de l’Assemblée nationale, devant plusieurs centaines de personnalités rassemblées à l’Aéro-Club de France.
« Avec ce rapport, s’il était adopté, la ville de Paris serait la seule capitale européenne qui ne disposerait pas d’une aire métropolitaine », a-t-il poursuivi. Plusieurs édiles, tout au long de ce dîner des maires de la Métropole, qui en réunit 70, ont fait l’éloge de l’agora qu’offre la MGP, lieu de rencontres et d’échanges au service de l’intérêt général.
« Pourquoi vouloir supprimer ce qui marche »
« Nous avons besoin de nous parler entre nous pour gérer ensemble les problèmes des populations qui vivent dans cette zone dense, qui ont d’énormes difficultés que nous sommes justement chargés de régler », a-t-il poursuivi, dénonçant un rapport dont la mise en application « serait un retour vers le passé, vers une multitude d’intercommunalités ».
Eric Woerth préconise en effet d’assortir la suppression de la métropole du Grand Paris de la transformation des établissements publics territoriaux en établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de droit commun.
« Pourquoi vouloir supprimer ce qui marche ?, a-t-il encore fait valoir. En supprimant l’aire métropolitaine, on retrouverait 11, 12 entités avec la ville de Paris, dotées de la fiscalité directe, se livrant à un dumping fiscal pour attirer les entreprises sur leur territoire ». « Ce dont on a besoin, c’est de cohérence, c’est de faire du rééquilibrage territorial », a-t-il asséné. Un rééquilibrage nécessaire « si l’on ne veut pas revoir les gilets jaunes, si on ne veut pas que les gilets jaunes se transforment en gilets rouges ».
Patrick Ollier a décrit le fonctionnement de la Métropole, dont les maires choisissent eux-mêmes les compétences et les projets dont ils souhaitent le transfert au niveau métropolitain. « Alors que certains veulent que tout parte d’en haut, je préfère que les décisions aillent du bas vers le haut ».
Le président de la MGP a évoqué le plan de création de neuf passerelles mené par la Métropole pour réduire les fractures urbaines, qui s’ajoute à la réalisation du Centre aquatique olympique. Il a cité les milliards d’euros d’investissements privés générés par les différentes saisons des appels à projets d’urbanisme innovants (APUI) d’Inventons la métropole du Grand Paris. L’occasion de remercier la Banque des territoires, représentée par son directeur régional Ile-de-France Richard Curnier, pour son soutien.
L’ancien ministre des Relations avec le Parlement a cité Nicolas Sarkozy, qui s’est livré le jour même de la remise du rapport Woerth, lors d’un colloque organisé par la Société des Grands Projets à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à un vibrant plaidoyer pour les métropoles et singulièrement celle de Paris : « J’ai toujours cru à l’importance des métropoles. La métropole, c’est le moteur économique. Les métropoles sont les locomotives de l’économie nationale. C’est une question d’effet de masse », avait notamment déclaré l’ancien président de la République.
Un rapport « absurde »
Patrick Ollier a également déploré qu’Éric Woerth s’en prenne au schéma de cohérence territoriale de la MGP (Scot), que la Métropole est pourtant parvenue à faire adopter en un temps record. « Un Scot écologique, qui respecte la biodiversité et qui est un Scot pour les quinze ans à venir ». Le président de la MGP, également président de l’établissement public territorial de bassin Seine Grands Lacs, très engagé dans le jumelage des deux entités pour renforcer leur action de prévention des inondations notamment, dans le cadre de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), a également prévenu qu’une suppression de la Métropole mettrait à mal les politiques structurantes engagées à ce sujet.
Patrick Ollier a conclu son intervention en dénonçant de nouveau « l’absurdité d’un rapport qui veut mieux associer les maires au prises de décisions de la Métropole du Grand Lyon, créer une gouvernance partagée dans le Grand Marseille, sur le modèle de celle du Grand Paris et supprimer la gouvernance de la métropole du Grand Paris ». « Les seuls combats que l’on perd, ce sont ceux que l’on ne mène pas, a-t-il conclu. Alors aidez-moi à mener le combat ».
Dans son allocution, la maire de Paris Anne Hidalgo a également prévenu l’exécutif de sa détermination à combattre vigoureusement « ceux qui voudraient rectifier par des changements législatifs le résultat de batailles perdues dans les urnes ». Une allusion au changement de mode de scrutin que le rapport Woerth propose d’introduire, avec un scrutin double, dissociant l’élection de la maire de Paris de celle des maires d’arrondissement.
Thomas Hantz : « Acteurs du Grand Paris, un espace neutre et apolitique »
En introduction de ce 3e dîner des maires de la métropole du Grand Paris, le président des Acteurs du Grand Paris Thomas Hantz a rappelé « combien la diversité des membres de l’association était importante ». « C’est là notre immense richesse. Des villes, des communautés urbaines d’agglomération, des établissements publics territoriaux, des départements la ville de Paris, la Métropole, la Région, des entreprises et des institutions, tous les acteurs publics et privés, du nord au sud, d’est en ouest et toutes les strates sont aujourd’hui membres de notre association, a-t-il indiqué. Parce qu’elle est un lieu de rencontre, un lieu de débat, un espace neutre et apolitique, l’association Acteur du Grand Paris n’a aucune doctrine en matière institutionnelle, nous sommes une plateforme qui rassemble dans l’indépendance l’ensemble des collectivités, des administrations et des entreprises qui sont concernées par la modernisation de cette immense aire urbaine qu’est le Grand Paris. Nous n’avons d’ailleurs jamais défendu qu’une idée : seule compte la dynamique des projets qui sont réalisés au service de l’amélioration de la vie des millions d’habitants de notre métropole francilienne ».
« Les derniers jours ont été fort riches en actualité et en débat, a-t-il ajouté. Il y a d’abord eu le très réussi Salon de l’Association des maires d’Ile-de-France, présidée par Stéphane Beaudet, qui a été l’occasion pour les élus et les entrepreneurs franciliens de se retrouver, d’échanger, de débattre, notamment autour des relations entre les collectivités et l’État. Il y a aussi eu l’Université de la ville de demain, de la Fondation Palladio, présidée par Méka Brunel, véritable laboratoire de la ville du XXIᵉ siècle. Il y a enfin eu la remise d’un rapport, celui du député Eric Woerth sur la décentralisation au président de la République et qui devrait lui aussi, j’en suis à peu près sûr, susciter le débat ».