Patrick Devedjian est décédé dans la nuit du 28 mars du Covid-19

Après Jean-Charles Nègre le 27 mars, le Covid-19 vient de faire une nouvelle victime parmi les élus franciliens. Le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine avait annoncé le 26 mars souffrir du coronavirus. Il a succombé dans la nuit du 28 au 29 mars. Dimanche matin, les hommages affluaient de toutes parts pour saluer sa mémoire.

Patrick Devedjian fait depuis ce matin partie des nombreuses victimes du terrible fléau qui s’abat sur la France et la moitié de l’humanité.

Patrick Devedjian lors de l’inauguration de la Paris-La Défense Arena. © Jgp

A 75 ans, le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine depuis 2007, n’a pas résisté au virus dont il a été diagnostiqué positif le 26 mars.

Avocat de profession, ancien député de la 13e circonscription des Hauts-de-Seine de 1986 à 2017, ancien maire d’Antony de 1983 à 2002, Patrick Devedjian fut élu conseiller départemental en 2004. Outre ses mandat locaux, Patrick Devedjian occupa plusieurs fonctions gouvernementales, d’abord, en tant que ministre délégué chargé des libertés locales (2002 à 2004) sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. « Très attaché à l’autonomie des collectivités territoriales, il pilota les lois de l’acte II de décentralisation », rappelle le département des Hauts-de-Seine. Puis, en tant que ministre délégué à l’Industrie (2004 à 2005), il œuvra notamment à la libéralisation des télécommunications. Alors qu’il soutient la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, ce dernier ne le fera pas entrer dans le gouvernement de François Fillon, attribuant le ministère de la Justice à Rachida Dati. En 2008 cependant, il est nommé ministre auprès du Premier ministre chargé du Plan de relance, « il contribua à redresser l’économie française suite à la crise financière mondiale grâce à un programme d’investissement sans précédent », fait valoir le conseil départemental.

Président de l’Etablissement public Paris La Défense

Par ailleurs, en tant que président de l’Etablissement public d’aménagement de La Défense (EPAD) de 2007 à 2009, et président de l’Etablissement public de gestion de La Défense (Defacto) de 2009 à 2018, il œuvra à la fusion des deux établissements pour créer l’Etablissement public Paris La Défense, dont il prit la présidence en janvier 2018.

Patrick Devedjian préside une séance du conseil départemental des Hauts-de-Seine dans son nouvel hémicycle du pôle universitaire Léonard de Vinci, à Nanterre, en 2019. © DR

De g. à dr. Pierre Bédier, Christian Favier, Dominique Bussereau, Marie-Christine Cavecchi, Emmanuel Grégoire, Patrick Devedjian et Stéphane Troussel, réunis en novembre 2019 au siège de l’Assemblée des départements de France pour défendre les finances des conseils départementaux. © Jgp

Patrick Devedjian au Mipim, à Cannes, en mars 2018, entouré de Valérie Pécresse, Jacques Mézard, Patrick Ollier et Geoffroy Didier. © Jgp

Patrick Devedjian, avec Pierre Bédier, lors de la cérémonie conjointe des vœux des Hauts-de-Seine et des Yvelines, en janvier 2017, aux haras de Jardy © Jgp

Patrick Devedjian et Valérie Pécresse inaugurent la gare de Nanterre université, le 17 décembre 2015. © Jgp

Patrick Devedjian, coprésident de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris, avec Jean-François Carenco et François Lucas, en 2015. © Jgp

Patrick Devedjian fut administrateur du musée du Louvre, vice-président de la Société des amis du Louvre. Convaincu de l’intérêt de mener une politique culturelle comme instrument de cohésion sociale et d’intégration, il fut notamment à l’initiative de la construction de La Seine musicale à Boulogne-Billancourt et de Paris-La Défense Arena à Nanterre, et portait le projet de création du musée du Grand siècle dans la caserne Sully à Saint-Cloud. Président du syndicat Paris métropole et coprésident de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris de 2014 à 2016, « il était favorable à une métropole inclusive à l’échelle de la Région et avait engagé une fusion avec le département des Yvelines », rappelle également le communiqué. Il était, à ce titre, président de l’Etablissement public interdépartemental Yvelines/Hauts-de-Seine depuis sa création en 2017. Marié depuis 1969 avec Sophie Vanbremeersch, il avait quatre fils, Thomas, François, Arthur et Basile, et dix petits-enfants.

Des réactions aussi nombreuses que chaleureuses

Les hommages et les réactions de sympathie étaient nombreux dimanche matin, relayés sur tweeter, à commencer par Valérie Pécresse, « bouleversée », saluant « un élu exceptionnel par sa personnalité, ses convictions et son immense culture ». Pour la présidente de la région Ile-de-France, « Patrick Devedjian a marqué de son empreinte à la fois son département et le pays ».

Patrick Devedjian, lors de la dernière université d’été du Medef. © Jgp

« Patrick Devedjian était un homme passionné, entier, sincère, engagé, a déclaré l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy. Il incarnait la politique comme je l’aime, avec des sentiments, des convictions, du panache. Je suis fier de l’avoir eu à mes côtés. Je veux dire à ses proches ma vive émotion et ma tristesse infinie ».

Pierre Brajeux, président du Medef des Hauts-de-Seine, a exprimé sa « grande tristesse d’appendre le décès de celui qui a toujours été un partenaire dévoué à son département ». Egalement « triste d’apprendre cette nouvelle », Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis, reconnait que « tout devait nous opposer, mais j’avais appris à connaître cet homme drôle, engagé et d’une grande culture ». Patrick Ollier, président de la Métropole, Eric Césari, vice-président de la MGP, mais aussi Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine, Jean-Louis Bourlanges, ancien député des Hauts-de-Seine, Stéphane Beaudet, président de l’Amif, ou Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l’Association des maires de France… Toute la classe politique francilienne exprimait sa tristesse, rendant notamment hommage à la finesse, à l’esprit de liberté, à la culture et à l’humour de l’élu soudainement disparu.

Le président Macron salue sa passion de la liberté

« La France perd un homme politique engagé qui mit sa grande culture, son immense connaissance du droit et sa passion de la liberté au service de son territoire et de la Nation, a réagi l’Elysée à l’annonce du décès de Patrick Devedjian. (…) Député à partir de 1986, Patrick Devedjian s’affirma peu à peu comme l’un des plus brillants ténors de la droite républicaine en faisant résonner dans l’hémicycle son verbe haut et juste. (…) S’il avait le goût de l’action, Patrick Devedjian avait aussi la passion des idées : ses tribunes, ses ouvrages témoignent de l’œuvre d’un esprit libre qui voulut toujours penser la droite dans la nuance et la complexité. Lui qui, n’oubliant jamais ses origines, avait l’Arménie au coeur aimait profondément la France, sa culture, son imaginaire, ses services publics : ses derniers mots publics furent pour les personnels soignants qui, jusqu’au bout, l’aidèrent à lutter contre le virus et pour les agents du département des Hauts-de-Seine, mobilisés au service de ses administrés ».

Patrick Devedjian par lui-même

« Je suis né le 26 août 1944 à Fontainebleau, un peu par hasard, mes parents qui habitaient Paris s’y étant réfugiés au fur et à mesure de l’avancée des combats vers la capitale », narrait Patrick Devedjian dans une courte autobiographie, publiée sur son blog.

« Mon père était né à Sivas en Turquie, il est venu en France en 1919, après le génocide arménien de 1915, auquel sa famille a échappé grâce à un voisin turc. Il était ingénieur, avec l’esprit entreprenant (il a découvert la cocotte-minute !), il parlait 7 langues, mais il était très marqué par l’émigration, il m’en a fait comprendre la souffrance et toutes les difficultés à s’intégrer. Il est mort « apatride » puisque les Arméniens rejetés par la Turquie n’avaient pas de nationalité.

Patrick Devedjian. © Jgp

Ma mère était française, de Boulogne-sur-Mer, elle est morte accidentellement quand j’avais 6 ans. Mes grands-parents maternels et paternels m’ont choyé et aimé, mais rien ne remplace la tendresse d’une mère. J’ai été à l’école communale de La Frette-sur-Seine, où avec deux petits Italiens nous étions considérés comme des « métèques » : quand on dit aujourd’hui que l’immigration d’hier c’était différent, on oublie vite les difficultés qu’ont connu les Italiens, les Polonais, les Espagnols,  les Portugais, les Arméniens… L’intégration cela prend forcément du temps. Et la France est un pays vraiment ouvert puisqu’elle a permis que je devienne maire, député et ministre alors que mon père n’était pas français. Cela n’empêche pas que je sois très attaché à mes origines arméniennes. Je raconte tout cela pour donner de l’espoir à mes compatriotes qui ont le sentiment que l’immigration est un danger et à ceux qui en vivent les difficultés.

A 11 ans, mon père, qui voulait que j’apprenne la langue et la culture arménienne, m’a inscrit comme pensionnaire au Collège arménien de Sèvres. L’internat de l’époque était dur, on ne sortait que toutes les 3 semaines. Mais les pères mékhitaristes, certes exigeants, m’ont beaucoup appris et je m’y suis fait des amis que j’ai retrouvés tout au long de ma vie. J’y suis resté jusqu’à la seconde où je suis entré au lycée Condorcet où j’ai passé mon bac. C’était l’époque de la guerre d’Algérie et je me suis identifié aux Français d’Algérie, expulsés de leur pays natal, comme les Arméniens l’avaient été du leur : la valise ou le cercueil. D’où mon engagement irréfléchi à l’extrême-droite. C’était une erreur de jeunesse, mais la connaissance de l’extrême-droite m’a servi pour ne plus jamais avoir de compromission avec elle : ainsi en 1984, lorsqu’un de mes adjoints à la mairie d’Antony, Jean-Yves Le Gallou, a rejoint le Front national, je lui ai retiré sa délégation et sa place dans la majorité municipale, premier maire de France à avoir pris une position claire.

J’ai eu la chance de rencontrer Raymond Aron, qui m’a ouvert l’esprit : c’est grâce à lui que je suis  devenu libéral et démocrate, que je me suis situé politiquement à droite : la gauche et la droite républicaines sont toutes les deux attachées à la liberté et à l’égalité. Mais quand celles-ci entrent en conflit, ce qui arrive nécessairement, la gauche arbitre en faveur de l’égalité et la droite en faveur de la liberté. Je révère l’égalité mais, quand il faut choisir, je choisis la liberté. Voilà pourquoi je suis de droite ».

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Vincent Jeanbrun : « L’un des animateurs les plus passionnés du débat sur le Grand Paris »

« C’est avec une immense émotion que les élus du Forum métropolitain du Grand Paris, son président Vincent Jeanbrun et les membres de son bureau, ont appris ce matin la disparition de Patrick Devedjian, ancien ministre, président du département des Hauts-de-Seine, indique le syndicat mixte. Président de notre syndicat mixte et coprésident de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris en 2015, Patrick Devedjian fut l’un des contributeurs les plus engagés dans la réflexion sur la construction métropolitaine, poursuit Paris métropole.

De g. à dr. Jean-François Vigier, Jean-Yves Le Bouillonnec, Patrick Devedjian, Daniel Guiraud, Vincent Jeanbrun, Jacques JP Martin, et Philippe Laurent, lors d’un dîner débat organisé par le Forum métropolitain du Grand Paris en juillet dernier. Patrick Braouezec et Patrick Jarry, également anciens présidents du Forum, étaient excusés. ©Giovanni Maggiora

S’attachant sur cette question à favoriser le dialogue entre tous le élus, de toutes tendances, il fut l’un des animateurs les plus passionnés du débat. En juin 2019, il avait encore montré son entière implication pour la défense des intérêts des collectivités territoriales, à l’occasion des 10 ans du syndicat mixte, lors d’un dîner réunissant l’ensemble de ses présidents successifs. Le président du Forum métropolitain du Grand Paris, Vincent Jeanbrun, au nom des élus du bureau et des membres de l’équipe, présente ses sincères condoléances à sa famille et à ses proches », conclut le syndicat.

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