P. Renaud : « Les anciens territoires contribuent à la création d’un territoire commun »

La réforme de l’intercommunalité a conduit à la création d’une grande intercommunalité autour de Roissy, qui réunit 42 communes et près de 350 000 habitants du Val d’Oise et de Seine-et-Marne. Patrick Renaud, président de Roissy Pays de France, revient sur la construction – difficile – de ce territoire et ses chantiers en cours.

Avec la forte opposition des communes de Seine-et-Marne à rejoindre la nouvelle intercommunalité, comment s’est passée la création de Roissy Pays de France, en 2016 ?

Patrick Renaud : La mise en place a été un peu douloureuse et a pris du temps, du fait des recours juridiques. Mais quand nous avons eu l’accord du Conseil d’Etat, nous avons mis 15 jours pour installer l’exécutif, lors d’une séance qui s’est déroulée dans une bonne ambiance. Le fait que je sois le seul candidat à la présidence et que le premier budget ait été voté l’an passé, à l’unanimité, montre la volonté de tous de travailler ensemble. L’équilibre n’a pourtant pas été facile à trouver, car il y a 25 élus dans l’exécutif pour 42 communes, dont certaines ne disposent que d’un seul siège au conseil communautaire.

Patrick Renaud

L’aéroport au centre du territoire « peut constituer un facteur de complications, [mais] c’est aussi une opportunité et une chance pour le développement économique », estime Patrick Renaud.

Ce qui est long, ensuite, c’est de trouver une âme à un territoire comme le nôtre, de déterminer ce qui nous unit pour les prochaines années. Roissy Pays de France est un secteur en fort développement avec, au nord, des communes rurales et au sud, des espaces fortement urbanisés et – c’est assez particulier – un aéroport en son centre. Si, sous certains aspects, cette implantation peut constituer un facteur de complications, c’est aussi une opportunité et une chance pour le développement économique. Aujourd’hui, malgré la diversité du territoire, l’état d’esprit est bon. Avec une quasi-unanimité pour chaque vote, nous travaillons ensemble sereinement malgré la présence de communes de deux départements, des ruraux et des urbains, et des élus de différentes sensibilités politiques. Les trois anciens territoires s’enrichissent mutuellement et contribuent à la création d’un territoire commun.

Comment s’organise la montée en compétences de la communauté d’agglomération alors que les intercommunalités réunies n’avaient pas fait les mêmes choix à ce sujet ?

La principale difficulté est la reprise des compétences petite enfance, eau et assainissement dont disposaient les communes de Seine-et-Marne. Jusqu’ici, c’est l’ancienne communauté de communes à laquelle elles appartenaient qui les gérait pour notre compte, ce qui est assez compliqué. Nous avons réglé ce transfert en 2017 et nous allons rapidement exercer la compétence petite enfance, mais seulement pour les communes de Seine-et-Marne et ce, pour deux raisons. Tout d’abord le coût de l’exercice sur l’ensemble de l’agglo serait énorme, et enfin les communes du Val d’Oise souhaitent conserver en direct ce service à la population. Pour l’eau et l’assainissement, nous avons mis en place une commission locale d’évaluation des charges transférées (Clect) pour préparer leur transfert, respectivement en 2018 et 2020. Le travail à réaliser est énorme car les 25 communes du Val d’Oise ont des investissements importants à réaliser dans ces domaines.

Vous travaillez également sur la définition de l’intérêt communautaire, pouvez-vous nous en dire plus ?

L’intérêt communautaire, c’est la ligne de partage entre les domaines d’intervention intercommunale et municipale. Pour notre communauté d’agglomération, il est encore en cours d’élaboration par les élus. Il y sera notamment question de la lecture publique. Les bibliothèques du territoire disposent aujourd’hui d’un statut différent. Nous devrons homogénéiser. Il en est de même pour les équipements sportifs tels que les piscines, dont certaines nécessitent d’importants travaux de rénovation.

Nous sommes d’ores et déjà compétents en matière de développement économique (le territoire compte 48 zones d’activité existantes et 12 zones à l’étude), de transports scolaires (dès la rentrée 2017/2018, la CA prendra en charge une partie des frais des familles)… Les projets et les dossiers en cours sont nombreux : étendre à la Seine-et-Marne la charte agricole signée pour la partie Val d’Oise de l’intercommunalité ; le lancement d’un schéma de cohérence territoriale (Scot) et la préparation d’un programme local de l’habitat intercommunal (PLHI) qui devront être réalisés dans les deux ans. Les deux démarches vont s’alimenter. En revanche, les communes membres ont refusé le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI).

Quels projets porte Roissy Pays de France pour le Triangle de Gonesse ?

Quand Val-de-France avait proposé le développement de ce secteur, Roissy Porte de France avait donné son accord car il s’agissait de créer de l’activité tout en maintenant de l’agriculture. Nous aurions souhaité plus de développement économique encore, mais le projet est soutenu par l’ensemble de l’intercommunalité. Je le soutiens car il constitue une formidable opportunité. C’est un projet qui devrait permettre de créer plus de 11 000 emplois. Quand on s’est toujours battu contre le chômage, on ne peut qu’être satisfait. J’ai conscience toutefois qu’il peut entraîner quelques suppressions d’emplois, mais elles resteront limitées au regard des créations. Aujourd’hui, l’enjeu est d’assurer la formation des demandeurs d’emploi du territoire, pour qu’ils soient opérationnels lorsque les offres paraîtront.

Nous proposons aussi d’accueillir sur ce site le Village global de l’Exposition universelle 2025, avec l’avantage de disposer de 180 ha et de la proximité de Roissy alors que de nombreux visiteurs viendront de l’étranger. Ce serait un signe fort pour nos populations, car nous n’aurons aucun site pour les éventuels Jeux olympiques de 2024. Le développement du Triangle de Gonesse est aussi l’occasion de disposer de transports performants pour rejoindre Roissy. Les liaisons est-ouest doivent notamment être améliorées.

Le barreau ferroviaire de Gonesse, qui relierait les RER B et D, est-il toujours d’actualité ?

C’est un projet qui a été lancé il y a quelque temps déjà, et qui semble prendre un peu plus de temps que prévu. En attendant, pour améliorer le quotidien des usagers, un bus à haut niveau de service a été mis en service pour relier les deux lignes de RER, et il fonctionne bien. Nous portons aussi un projet de téléphérique urbain entre Goussainville et Villepinte sur 7 km. Il permettrait aux habitants d’accéder à Roissy et à la future ligne 17 du métro, en répondant à la problématique des horaires décalés des personnes travaillant à l’aéroport. Il fait partie des 12 projets présentés au Syndicat des transports d’Ile-de-France, qui doit choisir dans les prochaines semaines ceux qu’il décidera de porter. Si ce projet était retenu, cela serait un signal fort pour ce territoire, qui présente le paradoxe d’avoir un des plus forts taux de chômage d’Ile-de-France sur un bassin d’emploi aussi important.

Après cette période de construction de la nouvelle intercommunalité, vous avez décidé de relancer l’Association des élus du Grand Roissy. Dans quel but ?

L’association était en effet en sommeil du fait de la réforme de la carte intercommunale. Nous avons décidé de la relancer avec les communes de Seine-et-Marne membres de la communauté d’agglomération Roissy Pays de France, les communes de Seine-Saint-Denis et Paris Terres d’Envol, qui est d’accord pour travailler avec nous. Bruno Beschizza, le président de cet établissement public territorial souhaite qu’il y ait un pont entre leur PLUI et notre Scot. Nous voulons redonner de l’ambition à cette association, en travaillant notamment sur les transports, le logement et la formation professionnelle.

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