Manuelle Gautrand – Métropolitaine

Lauréate du Prix européen d’architecture 2017, Manuelle Gautrand engrange les distinctions comme les projets, tant en France qu’à l’étranger. Et presse la métropole de rattraper son retard en matière de polycentrisme.

Manuelle Gautrand est en colère. L’origine de son courroux se trouve dans la décision, tombée fin 2017, du constructeur automobile Citroën d’abandonner son show-room des Champs-Élysées, seulement dix ans après son inauguration. Auteure du C42, cet emblématique immeuble à la façade en origami de verre, Manuelle Gautrand se sent dépossédée de son œuvre qui a contribué à sa notoriété internationale.

L’émotion est palpable chez cette touche-à-tout de l’architecture, plutôt réservée et calme, dont le parcours sans fautes a été doublement salué par le Prix européen d’architecture 2017, attribué pour la première fois à une femme et à un architecte français. Décerné par l’European Centre for Architecture Art Design & Urban Studies et le Chicago Athenaeum, celui-ci distingue « un architecte européen, non seulement pour ses réalisations mais aussi les valeurs humanistes dans sa manière de concevoir l’architecture », précise Manuelle Gautrand. Oubliant son humilité naturelle, elle reconnaît être particulièrement sensible à cette distinction qui couronne une carrière placée sous le signe de « l’usage ». « J’ai toujours essayé de travailler les programmes plus profondément qu’en les traduisant juste par une architecture qui les enveloppe, explique-t-elle, j’aime les décortiquer, les magnifier, leur créer un lien plus fort avec leur environnement et les ouvrir sur la ville. »

Manuelle Gautrand

Manuelle Gautrand. © Studio Gaudin Ramet

Cette démarche guide ses pas depuis son premier projet, un complexe cinématographique municipal à Villefontaine (Isère), jusqu’à son dernier, l’extension de la mairie de Parramatta – métropole de Sydney (Australie). Outre la découverte d’une autre culture, tout l’intérêt de ce programme aux antipodes est qu’il donne « une dimension culturelle à un projet municipal », en complétant les salles de conseils municipaux par une grande bibliothèque, avec des espaces de coworking, des lieux d’exposition et un centre d’innovation. C’est sa conception de la ville de demain dans laquelle « les nouveaux projets sont mixtes et s’installent en réseau », garants du polycentrisme indispensable à l’appropriation d’une cité par ses habitants. Pointant le retard de Paris à ce sujet, cette impérieuse métropolitaine, enracinée depuis ses débuts à Paris après des études d’architecture à Montpellier, invite la Capitale « à devenir polycentrique » à l’instar de Berlin ou de Tokyo.

« Anti-routine »

Mais si Manuelle Gautrand reconnaît être « issue de la commande publique », elle ne dénigre pas pour autant le privé, « deux mondes que l’on oppose, en France, alors qu’ils se nourrissent ». François Pinault notamment la retient dans sa short list pour imaginer sa fondation sur l’île Seguin (projet abandonné), puis Les Galeries Lafayette (Annecy, Metz), Gecina (Paris), Altarea Cogedim (Saint-Etienne), Linkcity (Montpellier), Gaumont-Pathé (Paris) ou BNP Paribas (Paris)… Elle a aussi conçu, pour Loftissime et NFU Edison Lite, le premier projet lauréat de « Réinventer Paris » à sortir de terre dans le 13e arrondissement.

Chantre de « l’antiroutine », cette passionnée de voyages a saisi au bond les divers appels à projets franciliens : « le fait d’être challengée dans un processus très différent m’intéresse et me motive », admet la quinquagénaire, convaincue que « l’architecte, placé au centre du dispositif, a une vraie place à prendre » dans cette façon beaucoup plus pluridisciplinaire d’appréhender les projets. « On peut se plaindre, mais on peut aussi se battre », convient cette pragmatique.

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