Maud Gatel, conseillère de Paris, élue du 15e arrondissement, explique les raisons de la création du groupe MoDem et Indépendants qu’elle préside et qui entend rassembler le centre au conseil de Paris.
La création au sein du conseil de Paris d’un groupe « MoDem et Indépendants » est-elle une réponse à la création récente par Geoffroy Boulard, Agnès Evren et Pierre-Yves Bournazel du groupe Union capitale ?
Non. En réalité, nous souhaitions depuis plusieurs années nous rassembler au centre. Notre décision de créer le groupe Modem et indépendants, dans lequel s’ajoutent aux cinq élus du Modem deux élus Renaissance et une élue Horizons (*) a été prise avant. Parce que nous travaillons très bien ensemble depuis quatre ans et que nous sommes totalement alignés sur l’alternance et la manière d’y contribuer. Le MoDem a lancé, il y a plus d’un an, les Assises parisiennes, précisément pour travailler sur un projet d’alternance. Nous avons invité systématiquement les élus Horizons et Renaissance à ce travail, qui associe également des représentants de la société civile et des experts. Nous allons évidemment poursuivre cette démarche.
La majorité municipale a-t-elle raison de se réjouir de la multiplication des groupes de la droite et du centre, puisque les Républicains sont désormais répartis dans trois groupes distincts, « Changer Paris », « Demain Paris ! » créé par l’ancien maire du 16e Francis Szpiner, et « Union capitale » ?
Oui, elle a raison de s’en réjouir. Je crois que, lorsque l’on prône le rassemblement, il faut éviter de se diviser et c’est ce que nous cherchons à mettre en œuvre avec succès. Je ne doute pas que nous allons continuer à rassembler celles et ceux qui veulent l’alternance autour d’un projet, à la fois des gens engagés d’une manière partisane mais aussi des représentants de la société civile engagés pour leur ville.
Quelles sont les valeurs pour Paris que vous portez ?
D’abord, il y a un sujet de méthode. Anne Hidalgo vient de donner une nouvelle démonstration de son exercice extrêmement solitaire du pouvoir, en procédant à des annonces unilatérales, sans aucune concertation, intervenues avant la fin des Jeux paralympiques. Alors que je crois que le succès des JO s’explique aussi par une démarche collective. Une ville, cela ne s’administre pas en clivant, en montant les gens les uns contre les autres.
Et sur le fond ?
Nous considérons que l’adaptation de la ville au changement climatique est essentielle. Nous avons mené un travail extrêmement précis et approfondi avec Maud Lelièvre, qui était la rapporteuse de la mission « Paris à 50 degrés ». Nous ne nous sommes jamais opposés à la piétonisation des berges. Nous avons soutenu le plan climat, le plan vélo. Mais on voit bien que Paris n’est pas au rendez-vous de l’adaptation au changement climatique. Il faut absolument accélérer.
Quel regard portez-vous sur le PLU bioclimatique que la ville devrait prochainement adopter ?
La maire de Paris nous a habitués à faire le grand écart entre ce qu’elle proclame et la réalité de son action. L’étude du commissaire-enquêteur révèle les lacunes de ce PLU bioclimatique, notamment le manque de protection des espaces verts protégés et la nécessité de mieux préserver la biodiversité. La végétalisation de Paris ainsi qu’une véritable politique environnementale constituent un marqueur très fort de notre groupe. Nous avons la chance de compter sur Delphine Bürkli qui fait du neuvième arrondissement un véritable laboratoire sur ces questions. Le rapport pointe des risques sur l’attractivité commerciale que nous avions également soulignés. Il confirme le caractère dogmatique du pastillage de certains bâtiments, les écoles privées notamment. S’il faut activer tous les leviers pour produire du logement, il faut sans doute agir davantage au niveau métropolitain et même régional. Par ailleurs, le pastillage représente évidemment une perte pour les acteurs économiques concernés, ce qui ne va pas dans le bon sens. Pour nous, l’enjeu consiste à réconcilier les Parisiens les uns avec les autres, les cyclistes et les piétons, les commerçants et les riverains. Et de garantir l’efficacité des politiques publiques sans obérer les finances de la Ville, contrairement à ce que l’on fait actuellement.
En quoi la trajectoire financière de la ville de Paris vous inquiète-t-elle et quelles sont vos solutions ?
Je tire la sonnette d’alarme depuis déjà fort longtemps. D’abord, je dénonce le fait que madame Hidalgo se plaigne systématiquement du désengagement de l’État et de la disparition de la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette trajectoire est annoncée depuis dix ans, soit un temps nécessaire et suffisant, de mon point de vue, pour revoir la structure des recettes et des dépenses de la Ville. A cela s’ajoute la surestimation des recettes de DMTO (*) et de taxe de séjour. La ville n’a pas su s’adapter à ces évolutions, à ces nouveaux paradigmes. Aujourd’hui, le retournement du marché immobilier plombe ses comptes, parce que l’on n’a pas voulu voir la spéculo-dépendance de Paris pendant des années durant lesquelles on s’est finalement contenté de continuer à dépenser sans rien changer.
Que proposez-vous ?
Il faut mener un vrai travail structurel sur les recettes et les dépenses de la Ville, qui n’est plus en 2024 ce qu’elle était en 2014. Les fondamentaux ont changé et les priorités, de mon point de vue, doivent également changer. Il n’y a pas, aujourd’hui, de revue générale des dépenses publiques. Alors que le télétravail ou l’évolution du tourisme ont eu un impact extrêmement important. Pour nous, il est absolument essentiel de mettre aussi l’accent sur la qualité, le confort, la sécurisation des transports en commun. En ce sens, la déclaration de la maire de Paris, le jour de l’ouverture des Jeux Paralympiques, affirmant que l’accessibilité des transports en commun n’est pas son sujet, m’a énormément choquée. Le sujet de l’accessibilité, c’est quelque chose que l’on porte depuis 2014 au Conseil de Paris. À l’époque, Jean-Paul Huchon présidait la Région. Pour autant, Anne Hidalgo n’a jamais rien souhaité faire sur cette question. Si l’on avait lancé ce chantier depuis l’attribution des JO, on aurait déjà réalisé de gros progrès. Parce que quand on parle d’accessibilité et c’est terrible d’avoir à le dire, on ne parle pas que des personnes en situation de handicap moteur. On parle aussi des familles avec des poussettes, des touristes avec des valises, des personnes qui ont du mal à se déplacer dans un contexte de vieillissement de la population.
* : Alexis Govciyan, président de la 8e commission du conseil de Paris, conseiller de Paris et Hanna Sebbah, ancienne tête de liste dans le XVIe arrondissement, conseillère de Paris pour Renaissance et Delphine Bürkli, maire Horizons du IXe arrondissement et conseillère régionale pour Horizons.
** : Droits de mutation à titre onéreux