Si la commission d’enquête publique sur la révision du PLU bioclimatique de Paris vient de rendre un avis favorable à l’unanimité, le pastillage de certains immeubles de bureaux, tout comme celui d’écoles privées, est sévèrement critiqué. Le rapport estime notamment que « la ville sous-estime complètement l’impact d’un emplacement réservé sur des immeubles dédiés aux activités économiques ».
Le rapport de la commission d’enquête publique sur le plan local d’urbanisme bioclimatique (PLU b) de Paris a le mérite d’exprimer ses critiques avec la plus grande clarté. Rendu à l’issue de l’enquête publique qui s’est déroulée du 8 janvier au 29 février 2024, ce rapport accorde un avis favorable à la procédure de révision du PLU parisien à l’unanimité de ses membres. Mais le pastillage de certaines parcelles, obligeant leurs propriétaires, en cas de restructurations lourdes, de changement de destination ou de surélévation, à réserver une part de leur immeuble à des logements, notamment sociaux, est sévèrement critiqué.
Concernant le pastillage d’immeubles de bureaux, 300 d’entre eux ont fait l’objet de contestation, les contributions présentées à l’enquête relevant du dossier précontentieux (argumentation complète rédigée par des cabinets d’avocats, plans et dossiers techniques réalisés par des architectes), est-il indiqué. La commission déplore une concentration géographique jugée excessive du pastillage. Elle note que plus de 100 immeubles pastillés ont été choisis dans le 8e arrondissement de Paris avec, dans certaines rues, 50 % des immeubles entiers de bureaux concernés, expliquant « le sentiment des acteurs économiques d’un transfert à marche forcée de l’activité tertiaire hors des quartiers centraux ».
Ainsi, si elle ne critique pas le nombre d’emplacements choisis (250), la commission « regrette néanmoins que la Ville sous-estime complètement l’impact d’un emplacement réservé sur des immeubles dédiés aux activités économiques ». « L’emplacement [autrement dit, le pastillage] peut être maintenu à vie. Il rend l’immeuble invendable à un tiers, et difficilement vendable à la Ville, compte tenu de la durée de la procédure du droit de délaissement, peu compatible avec la fluidité des affaires, est-il souligné. Si le propriétaire réalise lui-même les travaux qu’implique le pastillage, il doit consentir des investissements importants et subit une baisse de la valorisation de son immeuble ».
Une méthode insuffisante pour Paris
La commission se montre sévère sur la méthode retenue pour choisir les immeubles pastillés, « qui apparaît très insuffisante dans une ville comme Paris ». Si les critères théoriques retenus par la ville sont jugés pertinents, « aucune analyse fine à l’échelle du quartier n’a été effectuée, ni sur leur localisation, ni sur la typologie des constructions retenues, leur ancienneté, leur état, leur insertion dans le quartier, leur potentiel d’évolution pour améliorer le quartier ». Une collaboration de la Ville avec les conseils de quartier, qui ont une connaissance fine de leur quartier, est préconisée. Cependant, la commission apprécie le travail important que les services de la municipalité effectuent actuellement pour étudier les dossiers contestés. Paris a déjà confirmé, en effet, qu’une centaine d’immeubles pastillés, soit un tiers des contestations présentées, ne sont pas adaptés à une transformation en logements.
La commission regrette au passage que les immeubles des administrations publiques, souvent situés dans des quartiers très déficitaires en logements, ne fassent pas davantage l’objet d’emplacements réservés. Ils préconisent de « mieux identifier les bâtiments occupés par des ministères qui présentent des caractéristiques similaires à celles des immeubles déjà transformés avec succès par la ville pour les grever d’un emplacement réservé pour du logement ».
La commission constate également que les propriétaires de maisons individuelles concernées « n’ayant pas été avertis personnellement, ont mal accepté la mise en place de servitude sur leur maison familiale ». Elle indique de même que les emplacements touchant des presbytères, ou autres biens annexes de lieux de culte, ont fait l’objet de contestations de la part des paroissiens.
« L’obstination » de Paris pas comprise
Dans les emplacements touchant des établissements scolaires privés sous contrat, « la transformation d’établissements d’enseignement primaire et secondaire privés, qui participent au service public de l’éducation, en logements sociaux, n’a pas du tout été comprise par le public qui s’est exprimé », souligne également le rapport. La commission elle-même « ne comprend pas bien l’intérêt de la ville et son obstination à vouloir grever des établissements scolaires d’un emplacement réservé pour faire du logement social, alors que Paris compte 77 000 parcelles et 946 emplacements réservés ». D’autant que « les écoles et collèges pastillés affichent tous des effectifs complets et des listes d’attente importantes ». Au final, la commission estime donc que les emplacements réservés grevant les 10 établissements scolaires concernés « ne sont pas justifiés car inopérants pour espérer produire du logement social ». Le rapport enjoint donc la Ville à supprimer le pastillage de ces 10 établissements. Cette réserve levée, le PLUb devrait être adopté par Paris d’ici la fin de l’année.
La commission estime que la servitude de mixité fonctionnelle, qui oblige également à prévoir une part de logements, notamment sociaux, en cas de construction neuve, de reconstruction, de surélévation d’extension ou de changement de destination, à partir d’une certaine taille de programme (5 000 m2), également critiquée ,« ne devrait pas poser réellement de problème ». Mais la commission recommande toutefois d’exclure les restructurations lourdes, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’une autre intervention, du champ d’application de ces servitudes de mixité fonctionnelle. Sinon, « la servitude risque de conduire, en obligeant le propriétaire à sacrifier une partie de ses surfaces économiques pour les transformer en logement, à la disparition des restructurations lourdes ».
Le choix de privilégier la surélévation, pour pallier la baisse de la constructibilité dans Paris, « qui sera effective », est jugé pertinent par la commission d’enquête. Le rapport constate par ailleurs que le PLU b favorise une multitude d’installations et d’usages sur les toits parisiens, dont la Ville « ne semble pas avoir perçu les désagréments qui pourront en résulter pour les immeubles voisins, dès lors que les toits deviendront largement accessibles aux habitants à des fins récréatives ou sportives ».
L’enquête publique montre, par ailleurs la difficulté d’atteindre les niveaux d’indice de végétalisation du bâti (IVB), comme le révélait l’enquête de Studios architecture présentée récemment en exclusivité par Le journal du Grand Paris.
Le rapport recommande à la ville de limiter l’exception dont bénéficient les équipements d’intérêt collectif et services publics (EICSP) en matière de pleine terre et de constructibilité en cœur d’îlot.
La mise en place d’un dispositif de suivi de l’évolution des espaces verts est préconisée de même qu’une sanctuarisation de 10 % des espaces pour la faune dans les espaces végétalisés. La commission d’enquête préconise la création d’indicateurs mesurant, quand cela est possible, l’effectivité de la ville du 1/4 d’heure. Elle recommande aussi la mise en place d’un dispositif pour rendre compte périodiquement de la concrétisation des dispositions de ce nouveau PLU, sans attendre une nouvelle révision.
Baisse de la constructibilité : un travail de la ville jugé « très intéressant »
La commission salue le travail « très intéressant » sur la baisse de la constructibilité d’une ville de Paris « qui place pour la première fois l’urgence climatique au cœur de la réflexion ». « Les hauteurs et les gabarits-enveloppe ont été diminués pour préserver l’ensoleillement et la ventilation des rues étroites et maintenus dans les rues larges pour favoriser les ombres portées, est-il relevé. Les filets de hauteur ont été largement retravaillés, non plus seulement dans un objectif de protection du patrimoine ou des paysages mais pour ménager des respirations et permettre à la chaleur de s’évacuer, notamment dans les rues étroites ». De même, le rapport valide le choix de Paris d’une constructibilité portant essentiellement sur la surélévation dans le diffus, « qui offre le potentiel de constructibilité le moins onéreux et le plus sobre en matériaux ».
Energie : Privilégier la récupération de la chaleur fatale et la géothermie
La commission d’enquête publique sur la révision du PLU bioclimatique de Paris rappelle « que le temps presse en termes de lutte contre le réchauffement climatique ». Elle estime en l’espèce que la récupération de la chaleur fatale « devrait être une vraie préoccupation pour la Ville, ainsi que la géothermie, qui doit être privilégiée par rapport au réseau de chaleur urbaine, celui-ci n’étant pas sans impact sur le classement DPE (diagnostic de performance énergétique), maximum C, en raison de son origine (brûlage de déchets) ». « Il est également urgent que des initiatives soient examinées pour remplacer ou encourager à remplacer les énergies fossiles (fuel encore existant ou gaz) par du biogaz par exemple, même si le volume de ces énergies fossiles peut diminuer mécaniquement avec le changement des chaudières actuelles par des chaudières plus performantes ».
Le rapport de la commission d’enquête rappelle les objectifs de la procédure de révision du PLU parisien, classés en grandes catégories : Paris ville inclusive et solidaire, ville aux patrimoines et paysages préservés, ville durable, vertueuse, résiliente et décarbonée, ville attractive et productive et enfin ville actrice de la métropole.
Au total, 14 303 remarques du public ont été exprimées dans le cadre de l’enquête publique et étudiées par la commission.
Le document rappelle que le Conseil de Paris a arrêté son projet de nouveau PLU b en juin 2023. Il accorde un satisfecit à la Ville pour la circonspection avec laquelle elle a répondu aux nombreuses questions soulevées lors de l’enquête publique, questions classées en 37 thèmes. Satisfecit également accordé à la Ville pour la communication et la concertation qui ont entouré l’élaboration du PLU. Le rapport indique aussi que la présidente de Région Valérie Pécresse a fait part de son avis, défavorable, mais n’a pas transmis d’avis complémentaire de la Région comme elle l’avait annoncé.
La commission d’enquête regrette que le projet de PLU mis à l’enquête ne concerne que Paris intramuros et non l’ensemble de l’agglomération parisienne.