La Petite fabrique d’Ivry-Levassor, nouveau bâtiment du centre scolaire éponyme que la mairie de Paris vient de livrer, concentre une série de solutions bâtimentaires bas-carbone. La Ville souhaite généraliser à l’ensemble de ses travaux en régie l’usage de matériaux bio-sourcés, issus du réemploi et économes en énergie.
Murs en terres excavées du Grand Paris express, en provenance de Sevran, panneaux aérovoltaïques, fenêtres pariétodynamiques, cloisons isolées avec de la paille ou du carton recyclé… Les solutions bas-carbone, issues du réemploi ou du recyclage, se trouvent à tous les étages de la Petite fabrique, nouveau bâtiment que la direction des constructions publiques et de l’architecture (DCPA) de la ville de Paris vient de livrer dans le 13e arrondissement.

La Petite fabrique, nouveau bâtiment que la direction des constructions publiques et de l’architecture (DCPA) de la ville de Paris vient de livrer, concentre les procédés low-tech et bas-carbone. © Jgp

Nathalie Chazalette et Delphine Paillard, les deux architectes maîtrise d’œuvre interne qui ont conçu ce projet. © Jgp
Dans la cour de cette construction de deux étages, sur 228 m2, qui s’élève dans un des plus grands groupes scolaires de la capitale, Nathalie Chazalette décrit avec enthousiasme la chaussée végétale, mélange de gravier non-calcaire et de mycorhizes, « qui structurent le sol des forêts », brevet d’un paysagiste français testé dans ce bâtiment qui se veut à la fois un lieu d’expérimentation et de démonstration. « Nathalie Chazalette, architecte de profession, dirigeait les 1 500 personnes qui travaillent au sein de la DCPA, jusqu’en 2017, date de création de la Passerelle transition écologique, labo de la construction durable de la ville, qu’elle anime depuis », indique Jacques Baudrier.
Une façon, pour l’adjoint d’Anne Hidalgo (*) de souligner l’importance de la révolution en cours : Paris entend généraliser le recours aux méthodes constructives réduisant autant que possible l’empreinte carbone des bâtiments de la ville. Qu’il s’agisse des nouvelles constructions, ou du patrimoine déjà bâti. La Petite fabrique d’Ivry-Levassor est la première réalisation concentrant les solutions bas-carbone recensées et mises au point depuis sa création par la Passerelle transition écologique. Le deuxième sera la transformation-rénovation de la mairie du 4e arrondissement de Paris pour en faire l’Académie du climat, un des engagements de campagne d’Anne Hidalgo.
Pendant toute la durée du chantier, qui vient de s’achever, des visites ont été proposées chaque vendredi aux agents de la DCPA, mais aussi de la direction du logement et de l’habitat, de la direction des affaires scolaires, des finances, et d’autres partenaires comme le CAUE ou Fibois. Un site internet met parallèlement en ligne des carnets de chantier, en open-source.
Zéro béton
« C’est du béton chanvré ? », lance Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts, lors de la visite de cette Petite fabrique, organisée mercredi 10 février 2021, en désignant une façade intérieure. La réponse est négative. Le bâtiment est « zéro béton ». Même dans ses fondations.
La DCPA a opté en l’occurrence pour des pieux vissés, qui ont entre autres avantages celui de laisser le sol intact en cas de déconstruction. L’intérêt environnemental de ce procédé constructif a été étudié au stade de l’esquisse par une analyse de cycle de vie comparative avec une variante de fondation béton et le gain évalué est sensible, souligne la ville. – 46 % d’émissions de gaz à effet de serre et – 30 % en énergie grise. « Grâce notamment à ces techniques, l’ensemble du bâti pèse 300 tonnes, au lieu de 1 300 tonnes s’il avait été construit avec des techniques plus classiques », souligne Jacques Baudrier.

Nathalie Chazalette, architecte de profession, dirigeait les 1 500 personnes qui travaillent au sein de la DCPA jusqu’en 2017, date de création de la Passerelle transition écologique, qu’elle anime depuis. © Jgp

Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts. © Jgp
Tables en bois provenant de fenêtres d’un bâtiment de Paris habitat, escalier construit avec les planches de bois des portes d’un immeuble du même bailleur, ventilateurs sans pales, moustiquaires rafraîchissantes, les lieux alternent solutions low-tech et innovations, sans pour autant augmenter la facture. « Cette réalisation entend également montrer que l’on peut construire en matériaux bio-sourcés, en circuit court, sans faire exploser les budgets », fait valoir Jacques Baudrier. Le bâtiment a coûté ainsi 510 000 euros, hors électricité, plomberie, chauffage et VRD réalisés en régie, chantier école ou mécénat.
Empreinte carbone divisée par 2
La Passerelle transition écologique entend utiliser à plein les innovations et les savoir-faire des start-up : Indalo, par exemple, a permis de simuler l’impact sur la qualité de l’air intérieur du choix des matériaux, l’association de certaines matières la dégradant. L’atelier R-ARE a accompagné la ville dans le réemploi des fenêtres piochées chez Paris habitat. Qarnot fournit les radiateurs qui sont autant de morceaux de datacenters, qui chauffent utile. Un ingénieux système de circulation de l’air permet, selon les saisons, d’utiliser l’air extérieur pour chauffer ou refroidir les pièces, aires de jeux, bibliothèques ou salles de classe. Des entreprises d’insertion ont également été mises à contribution. C’est le cas du Chênelet, spécialisée dans l’usage du bois, pour les parquets.
Résultat, affirment Nathalie Chazalette et Delphine Paillard, les deux architectes maîtrise d’œuvre interne qui ont conçu ce projet, l’empreinte carbone de La petite fabrique d’Ivry-Levassor est de moitié inférieure à la moyenne de bâtiments comparables.
* Adjoint en charge de la construction publique, du suivi des chantiers, de la coordination des travaux sur l’espace public et de la transition écologique du bâti.
Jacques Baudrier : « Concevoir des bâtiments low-tech et peu énergivores »
« En 2018, Paris s’est doté d’un plan climat air énergie territorial (PCAET) ambitieux, rappelle Jacques Baudier, adjoint à la maire de Paris en charge de la construction publique, du suivi des chantiers, de la coordination des travaux sur l’espace public et de la transition écologique du bâti. La direction des constructions publiques et de l’architecture a engagé une réelle révolution dans son approche de la construction et cela dès la conception des bâtiments, poursuit-il. Nous avons engagé un travail avec l’ensemble du secteur pour relever ce défi et changer les pratiques, concevoir des bâtiments low-techs peu énergivores, avec des matériaux à faible impact environnemental. Pour cela, il nous faut créer de nouveaux procédés constructifs, former les compagnons à ces nouvelles méthodes et soutenir la création de nouvelles filières d’approvisionnement. »