L. Girometti : « La période actuelle confirme les orientations de notre plan stratégique »

Développement d’une « ville complète », équilibrée, décarbonée, verte, aérée, attractive et abordable : les grands axes du projet stratégique d’EpaMarne-EpaFrance sont aujourd’hui confirmés dans leur bien-fondé, explique Laurent Girometti. Le directeur général des établissements publics souligne les incertitudes à moyen terme et revient sur les conséquences du confinement sur l’avancement des chantiers.

Pouvez-vous nous rappeler le périmètre de votre action ?

Nous intervenons sur un vaste secteur, à l’est du très Grand Paris, qui va de l’est de la métropole jusqu’aux trois agglomérations de Seine-et-Marne, sur lesquelles notre périmètre s’étend (1). Il s’agit d’un territoire qui joue un rôle important dans l’équilibre global de l’Ile-de-France. Il constitue également un pôle d’équilibre à l’est, caractérisé par un bon équilibre habitat/emploi. Tout le monde a Disney en tête, mais nous possédons également un tissu de PME/PMI très vivace, des entreprises attachées au territoire, qui s’y développent. Ce caractère entrepreneurial constitue un avantage fort.

Si les pôles de bureaux ne sont pas notre marque de fabrique, nous en disposons néanmoins, du côté de Marne Europe d’une part et de Noisy-Champs d’autre part. Le territoire présente des caractéristiques résidentielles qui mixent attractivité économique et qualité du cadre de vie, haut niveau d’équipement, forte présence de la verdure. C’est cette notion de ville complète, avec un cadre de vie agréable à des prix abordables, que nous continuons à développer.

Laurent Girometti. © JGP

Quel impact a eu la pandémie sur votre activité ?

Nous nous sommes astreints, pendant toute cette période, à essayer de limiter les retards. A court terme, notre objectif consiste à tout mettre en œuvre pour maintenir le niveau d’activité. Les lancements de nouveaux marchés, de nouveaux appels d’offres, ont pu connaître des retards administratifs, mais les chantiers qui étaient en cours ont repris. Nous constatons en moyenne un retard de deux ou trois mois sur les calendriers initiaux. L’impact risque d’être plus fort dans les années à venir, car le lancement de nouveaux projets est plus fortement questionné.

Une incertitude plane également sur la fin de l’année, compte tenu des retards pris dans l’instruction des autorisations d’urbanisme lors de la période de confinement. Les différents opérateurs se posent des questions et les incertitudes actuelles sur l’évolution de la pandémie, de son impact sur leurs ressources notamment, ne sont pas de nature à les rassurer. Mais les différents acteurs me semblent avoir tous la volonté de faire aboutir l’ensemble des opérations engagées. Nous ne constatons pas d’abandon de projet. Cela se vérifie pour le résidentiel comme pour le tertiaire. Il est vrai que nous n’avions pas un gros volume de bureaux cette année. Mais les ventes continuent de se réaliser.

Quel est l’impact sur votre relation avec les entreprises de construction, confrontées à des surcoûts ?

Nous avons une vision assez claire des coûts directs occasionnés par l’arrêt des chantiers et l’application des mesures sanitaires, qui vont de 2 à 5 ou 6 % du prix antérieurement fixé, selon la taille et la nature des travaux. Les retards pris sont essentiellement liés à la période de confinement et à celle des élections municipales, suivie de la mise en place des nouvelles équipes. Aujourd’hui, le rythme des travaux n’est pas ralenti. En tant que maître d’ouvrage, nous avons abordé les choses avec un principe très clair : nous ne prenons en charge que les surcoûts directs, les fournitures de nettoyage, les conséquences de l’application du protocole sanitaire, occasionnant par exemple une augmentation du nombre de véhicules nécessaires pour acheminer les personnels sur les chantiers ou un réaménagement des baraquements.

Les factures présentées ont-elles été très différentes d’une entreprise à l’autre ?

Dans un premier temps, les entreprises nous ont en effet présenté des dispositifs et des montants au titre des surcoûts extrêmement variables, pour des prestations similaires. Nous avons rapidement acquis une méthodologie pour évaluer les différents éléments, en lien avec les coordonnateurs de chantier, qui ont servi de base à nos discussions avec les entreprises. Aucune n’a abouti à un contentieux jusqu’à présent. Dans la plupart des cas, des accords ont pu être trouvés entre les promoteurs et les entreprises de construction.

Nous avons également été très clairs lors de la suspension et la reprise des chantiers, en prenant des ordres de service d’arrêt puis de redémarrage des chantiers, afin de chasser toute ambiguïté quant à la responsabilité de la suspension des travaux. Et nous n’allons naturellement pas demander des pénalités pour les retards causés par le confinement. Nous plaçons la bonne foi au-dessus des arguties juridiques.

Opération de logements sociaux de 3F sur la ZAC du Chêne Saint-Fiacre à Chanteloup-en-Brie. © Epamarne

Quelles sont les conséquences à plus long terme ?

Pour l’avenir, de nombreuses incertitudes demeurent, notamment sur l’évolution de la pandémie et le niveau de pérennisation du télétravail, qui font l’objet de beaucoup de réflexions et de spéculations. On peut s’attendre à ce que l’immobilier tertiaire connaisse une période difficile liée à ces incertitudes au cours des mois à venir. Il est très probable, également, que de nouvelles propositions pour des espaces de bureaux différents, compte tenu des nouveaux modes de travail, voient le jour.

Cela remet-il en cause les orientations de votre projet stratégique et opérationnel ?

Nous sommes habitués à nous adapter à de multiples évolutions. Il est très difficile de savoir quelles conséquences la crise sanitaire va avoir sur l’économie et l’emploi, et donc sur la demande, de même que sur les recettes des collectivités. Bien sûr, nous constatons des départs vers la province, la question de l’attractivité des métropoles et des villes moyennes se pose, mais l’Ile-de-France possède une attractivité intrinsèque et des besoins élevés.

Vous accordiez déjà une place primordiale à la ville durable…

Sur un plan thématique, les défis de notre projet stratégique sont renforcés, les premiers étant le climat et la construction décarbonée pour laquelle nous avons beaucoup œuvré, par exemple pour réfléchir aux voies et aux moyens de développer l’habitat sans renforcer l’imperméabilisation des sols. Nous travaillons également sur la mobilité, la cohésion sociale et territoriale qui réside dans l’équilibre programmatique que j’évoquais. La question de la nature est également très présente sur notre territoire, avec une gestion des trames vertes et bleues qui a toujours été très réfléchie et qui constitue aujourd’hui un véritable trésor, que nous veillons à préserver.

La thématique de la santé, sur laquelle nous avons été précurseur en quelque sorte, figure dans notre projet stratégique. Il ne s’agissait pas, lorsque nous l’avons écrit, de la prévention face aux épidémies mais de notre adaptation au vieillissement de la population, au développement des pratiques sportives, de la qualité de l’air ou phonique. Notre territoire se veut un lieu d’innovations, reproductibles ailleurs. Nous avons beaucoup travaillé sur les sujets d’éco-construction, de matériaux biosourcés. Le recyclage et le réemploi font partie des éléments sur lesquels nous souhaitons travailler. Ces grands axes ne sont pas remis en cause.

Vous venez d’intégrer Fibois Ile-de-France : pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Je suis très honoré, en effet, d’avoir intégré il y a quelques semaines le conseil d’administration de l’inter-profession du bois en Ile-de-France, Fibois Ile-de-France, qui effectue un travail de grande qualité. Fibois est impliqué, comme nous le sommes, au sein du booster bois biosourcé de la Région. La filière bois s’est structurée au cours des dernières années et le travail se poursuit. Nous devons avoir des actions sur l’ensemble de la chaîne, depuis la production en forêt, en passant par les premières et deuxièmes transformations, les maîtres d’œuvres, les donneurs d’ordres et les maîtres d’ouvrage.

On sent dans la profession un élan, qui montre bien qu’une chaîne existe. L’idée de réunir l’ensemble de ses composantes est bonne. On voit aussi l’intérêt croissant des majors de la construction sur ce sujet, qui se dotent de compétences dédiées, et nous assistons par ailleurs à des consolidations d’acteurs, via des rachats. Tout cela constitue des signaux très positifs.

 

(1) Marne-et-Gondoire, Paris-Vallée de la Marne, Val d’Europe agglomération

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