Elle a réussi son tour de force : arracher Aubervilliers à un pouvoir communiste en place depuis 70 ans, lors des dernières municipales. Les crédos de la nouvelle maire ? Les actions de terrain, la positivité et la convivialité.
Voici six mois pile que Karine Franclet, énergique jeune femme de 38 ans, mini-jupe et rire éclatant, a investi son bureau de maire d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Dans ce décor sobre, un tableau arty, façon sérigraphie, de couleur vive, illumine un pan de mur. Signée Laurence Favory, l’œuvre révèle une télé, où parle… Simone Veil, son idole.
Malgré quelques pots-aux-roses laissés sous le tapis par ses prédécesseurs, concernant la future piscine olympique ou des charges OPH non appelées, la dame se réjouit de cette fonction arrachée de haute lutte. Nul, pourtant, ne pariait sur sa victoire. Aubervilliers, « citadelle imprenable », après 70 ans de communisme ? La candidate UDI, conseillère régionale dans la majorité de Valérie Pécresse, l’a emportée… Son secret ? « Avec mon équipe, nous avons mené une campagne positive, sans nous soucier de nos opposants, qui passaient leur temps à me diaboliser. Mon meilleur atout, c’était la maire sortante », rigole-t-elle.

Karine Franclet. © Jgp
Soif de changement
Son accession au pouvoir répondait, selon elle, à une soif de changement. Mais, de toutes parts, les critiques fusaient. Et fusent encore… « Quand on racontait que j’allais fermer les lieux culturels, couper les subventions des associations, embaucher des policiers avec des bergers allemands, ça me faisait sourire, dit-elle. Quand on suggère qu’une vie maghrébine a moins de poids pour moi que d’autres, parce que j’ai décidé de m’en tenir aux commémorations officielles et de ne pas célébrer le 17 octobre 1961*, je me sens attaquée dans mes valeurs. Mais je forge ma carapace… » D’ailleurs, son mentor, Jean-Claude Lagarde, président de l’UDI, ex-maire de Drancy, l’avait avertie : « En politique, on te critique lorsque tu commences à faire peur, donc à exister… »
Lors de son enfance à Château-Thierry, village de 300 âmes au milieu des vignes, dans la vallée de la Marne, cette fille d’enseignants se rêve chef d’établissement. Après l’obtention du concours de CPE, la voici nommée au collège Fabien, de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Elle qui n’avait « jamais vu une cité de sa vie » trouve du sens à son métier, « une fois le choc passé » : « Loin des regards misérabilistes, j’ai toujours nourri pour les gamins dont je m’occupais des ambitions fortes. » Lorsqu’elle obtient le concours de chef d’établissement, son choix se porte vers le lycée professionnel Jean-Pierre Timbaud d’Aubervilliers, dont elle devient proviseur adjointe. Avec ses jeunes, elle fait preuve d’autorité, et n’hésite pas à employer leurs mots pour parler de tel prof qui se fait « bordéliser » ou tel élève « bolosser ».
Pacifier l’espace public
Son absence de fatalisme l’emmène vers la politique. En 2012, coup de foudre pour le discours de Simone Veil et Jean-Louis Borloo lors de la création de l’UDI. « Jeune, j’ai subi une expérience malheureuse au MJS [Mouvement des jeunes socialistes, ndlr]. Mal à l’aise, j’avais l’impression d’être prise pour une petite pépète de droite, dit-elle. En politique, je ne cède pas au déterminisme, je crois aux mini-actions concrètes, pour que les situations évoluent. Je suis humaniste, de droite et engagée ».
Ainsi, cette maman de deux petits garçons entend-elle diriger sa ville par des mesures de terrain, et la convivialité (« C’est important de fêter le Beaujolais ! »).
Elle souhaite renforcer les atouts de sa ville comme le campus Condorcet ou 19 M, le QG des métiers d’art de Chanel. Elle rêve « d’une ville universitaire, inclusive, avec un joli cadre, où des familles peuvent se balader, des filles boire des Spritz en terrasse, et faire du vélo en jupe, mais aussi éradiquer les garagistes sauvages, ce fléau ». Bref, elle veut « pacifier l’espace public. »
Ce qui la met en rogne ? « Quand des gamins ne trouvent pas de stages, ne se sentent pas invités à poursuivre leurs études… Mais aussi, lorsque des maris accompagnent leur femme au métro, parce qu’elles ont peur de se balader seules… » D’une main de fer, mais toujours avec le sourire, Karine Franclet entend changer le visage de sa ville.
* Répression meurtrière, par la police française, d’une manifestation d’Algériens organisée à Paris.