Pour le président du Club des entreprises du Grand Paris Jacques Godron, la solution à la crise du logement passe par la création d’une valeur additionnelle aux projets de construction. Une valeur dont bénéficieraient ceux qui ne trouvent aujourd’hui que des désavantages à la densification, pour enfin changer la donne.
Comment expliquez-vous la crise du logement ?
J’ai posé l’hypothèse d’un projet de logements neufs standard, dans une zone lambda, en diffus : 50 logements, R+4 + combles. Puis j’ai fait tout simplement l’analyse transactionnelle du programme. Les parties prenantes sont quatre : les Déjà là, la mairie, le promoteur, les futurs acquéreurs. Qui a intérêt au projet vs qui n’y a pas intérêt ? Les « avantages pour les uns » sont-ils supérieurs aux « inconvénients pour les autres », condition sine qua non pour que le projet se fasse ?
Qui sont les « contre » ?
Les « Déjà là » : par définition ils sont ici chez eux ! Pourquoi accepter sans broncher des « envahisseurs », qui vont encombrer les espaces publics, prendre les rares places de parking libres dans les rues du quartier, engorger la circulation et cacher le soleil ?
La mairie : une famille de plus qui arrive, c’est forcément crèche, école, cantine, gymnase, maison des associations, médiathèque, piscine, conservatoire, etc. Que des coûts ! Sans les recettes…
Qui sont les « pour » ?
Les « futurs acquéreurs », qui attendent avec fébrilité de s’installer dans leur futur « chez moi », fruit d’une longue quête et d’âpres négociations. Le promoteur qui, malgré les difficultés, les recours, les vicissitudes de chantier, in fine aura sa marge. Pas si élevée qu’on le croit souvent à tort, mais marge tout de même.
Quel est le bilan de cette analyse transactionnelle ?
Non seulement mairie et Déjà là se retrouvent dans le même camp des « contre ». Mais, de plus, les Déjà là sont… des électeurs : tous sont liés comme les doigts d’une main ! A l’inverse, promoteur et futurs acquéreurs n’étant pas électeurs, pourquoi la mairie leur faciliterait-elle la vie ? De fait, ceux qui tirent avantage du projet (futurs acquéreurs, promoteur) n’ont rien à partager avec ceux qui n’en tirent aucun (Déjà là, mairie). Les pour et les contre s’équilibrent. Match nul.
Est-ce là que réside selon vous l’origine du blocage des projets ?
Oui. Sauf à créer une valeur supplémentaire, valeur qui puisse être reversée par les « pour » aux « contre »… Le moyen, paradoxal certes, est finalement assez simple : créer deux étages supplémentaires ! De facto ces m² supplémentaires génèrent une valeur ajoutée additionnelle. Il faut maintenant partager cette valeur ajoutée. Et pour faire pencher la balance la plus grosse partie de la valeur doit être donnée aux « contre » : aux Déjà là, en numéraire (droit préférentiel pour acheter à prix réduit soit actions de la SCI soit un logement) ou en nature (accès au parking, roof top, jardin partagé, salles collectives du rez-de-chaussée, caves et celliers,…) ; à la mairie, à travers une contribution aux dépenses municipales générées par le projet (PUP, projet urbain partenarial).
Ainsi, paradoxalement, accorder une hauteur supplémentaire peut permettre de rétrocéder aux Déjà là et à la mairie des compensations significatives et de financer une bonne partie des dépenses liées au projet… CQFD !