J. Ramos (FRTP) : « Contribuer à redessiner l’Ile-de-France »

José Ramos décrit les défis à relever par ses adhérents face à une conjugaison des crises, du climat et de l’énergie, dans une période de dégradation des conditions de financement et de hausse des coûts. « Nous devons faire des enjeux de transition écologique et environnementale des leviers de croissance », résume le président de la Fédération régionale des travaux publics (FRTP) d’Ile-de-France.

Pouvez-vous nous rappeler la vocation de la Fédération régionale des travaux publics (FRTP) ?

Notre fédération assiste et accompagne les besoins de nos adhérents. Cela en matière de veille économique mais aussi législative, dans un pays marqué par des évolutions fréquentes des textes. Nous avons également vocation à nous adresser à nos donneurs d’ordre pour faire valoir nos positions, je pense notamment aux élus, qu’il s’agisse de maires, de présidents de départements mais aussi de parlementaires ou de représentants du gouvernement. Ce fut notamment le cas au cours des derniers mois, lors de l’examen du projet de loi de finances. Notre vocation consiste aussi à accompagner les clients privés de nos entreprises.

Quelles actions menez-vous pour renforcer l’attractivité de vos entreprises ?

Au-delà de nos travaux pour donner de nos secteurs une image plus fidèle à la réalité, nous travaillons à améliorer la préparation, la formation à nos métiers. Dès 2007, sous l’impulsion de Patrick Bernasconi, qui présidait alors la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), nous avions lancé la grande campagne « Ambitions TP », pour offrir aux jeunes l’image d’un secteur dynamique, animé par une forte volonté d’avancer. C’est sans doute encore plus nécessaire aujourd’hui, alors que nous rencontrons d’importantes difficultés de recrutement, a fortiori de femmes, pour lesquelles nous consacrons un effort particulier. Aujourd’hui, nos métiers ne peuvent se résumer à l’image d’Épinal de la pelle, de la pioche et du marteau-piqueur. La transition environnementale contribue à profondément moderniser nos pratiques, nos savoir-faire. Elle doit également nous permettre de changer notre image.

José Ramos. © Jgp

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Nous accompagnons la transformation de nos entreprises, qui s’accélère. Nous leur donnons notamment des éléments de comparaison afin qu’elles puissent se projeter. Nous transformons des quartiers en créant, par exemple, des îlots de fraîcheur, en permettant le déploiement de réseaux d’énergies renouvelables. Nous relions les hommes par nos ouvrages de franchissement, nos travaux d’infrastructures, de transport ou de réseaux.

Nous réalisons les ouvrages de protection contre les effets du réchauffement climatique. Notre métier se situe, en réalité, à l’avant-garde de la transition écologique et environnementale.

Quels sont vos autres engagements en faveur de l’environnement ?

Nous nous sommes beaucoup investis lors de l’élaboration du plan régional de prévention et de gestion des déchets, de même que sur l’économie circulaire. Nous utilisons de plus en plus nos déblais comme matière première de nos constructions. Nous ne parlons plus de démolition mais de déconstruction. Nous réutilisons le béton, par exemple, pour produire du béton concassé. En réalité, voilà une trentaine d’années que nous travaillons sur ces questions.

Pourquoi la période vous pousse-t-elle à saisir les pouvoirs publics ?

Nous sommes confrontés à une conjugaison de crises : celle de l’énergie, dont les prix se sont récemment envolés, celle des matières premières et du matériel, qui sont également touchées par une forte inflation. Parallèlement, certains de nos membres continuent à rembourser les prêts garantis par l’Etat mis en place lors du Covid, et les délais de règlement de nos clients sont souvent très longs. A cela s’ajoutent la remontée des taux d’intérêt et une exigence accrue des financeurs vis-à-vis de nos entreprises. Quand la dette est élevée, que les trésoreries souffrent, si l’assureur-crédit décide de revoir à la baisse ses engagements, l’équilibre financier de nos entreprises peut être mis à mal. Même si nous ressentons actuellement une légère reprise, tout cela nous pose une série de défis à relever.

Nous devons alerter les pouvoirs publics lorsque cela est nécessaire, et informer nos adhérents pour leur permettre de prendre les bonnes décisions. En 2022, au plan national, 140 entreprises – soit 1 300 salariés – ont été touchées par un dépôt de bilan. Cela peut paraître peu mais il y a là un retournement de tendance et des souffrances humaines. L’inflation conduit à augmenter les bas salaires de 5 % en moyenne, ce qui est une bonne chose. Mais va-t-on pouvoir répercuter ces hausses sur nos prix, alors que nos entreprises redoutent par ailleurs de perdre des marchés ? C’est toute la question.

Redoutez-vous une baisse de la commande publique ?

Les collectivités territoriales nous disent rencontrer des difficultés croissantes pour boucler leur budget. Elles aussi sont confrontées à des augmentations de leur masse salariale, qui se conjuguent avec des dotations de l’Etat en retrait et une inflation des coûts de l’énergie. Un maire de l’Essonne m’indiquait récemment que le coût de l’approvisionnement en énergie de sa piscine a été multiplié par cinq ! Mais cela dit, les collectivités ont augmenté de 20 milliards d’euros le montant de leurs réserves de trésorerie déposées au Trésor, passé, au plan national, de 54 à 76 milliards d’euros. On ne peut donc pas dire qu’elles ne disposent pas de réserves pour investir. L’Etat poursuit également sa transformation. On évoque par exemple le transfert de nouvelles routes nationales vers les Régions ou les Départements pour mieux répondre aux enjeux locaux. Tout cela doit nous conduire à nous montrer très vigilants.

Pourquoi les donneurs d’ordre privés sont aussi menacés ?

Aujourd’hui, un investisseur ayant lancé un programme il y a trois ans, qui doit construire 100 logements, est face à une équation composée du montant de la charge foncière, des coûts de construction, et du prix de vente.

Or si le coût de la charge foncière et de la construction augmente fortement, le montant du prix de vente ne peut s’aligner, alors que dans bien des cas, le produit immobilier a déjà été vendu et alors même que la hausse des taux d’intérêt réduit les capacités d’endettement des acquéreurs. Nos clients vont se retrouver avec des stocks de logements, parfois importants, sur les bras

Quelle est votre position sur la montée en puissance des zones à faibles émissions ?

Nous n’y sommes naturellement pas opposés car chacun peut aujourd’hui mesurer les conséquences du changement climatique et les enjeux de santé publique. Toutefois nous demandons la mise en place d’un calendrier qui soit logique, permettant aux constructeurs de proposer un choix suffisant. Il faut aussi des mesures supplémentaires pour réduire le coût d’acquisition de ces véhicules. Il y a une dizaine d’années, nous avons été fortement incités à passer au gaz. Aujourd’hui, nous devons opter pour l’électrique. Mais nous ne pouvons changer ainsi nos flottes tous les cinq ans. Sans doute une partie de la solution se trouve-t-elle du côté des biocarburants.

Dans la plupart des régions de France, la date de 2028 est choisie, 2024, l’année retenue par la métropole du Grand Paris, est sans doute trop avancée. Enfin, n’oublions pas que les véhicules de nos entreprises sont utilisés à des fins exclusivement professionnelles et non de loisirs. Nous sommes pleinement engagés dans les politiques de transition écologique avec un grand esprit de responsabilité, loin de l’image de « bétonneur » qui nous colle encore parfois à la peau. Nous avons la chance, avec la montée en puissance du Grand Paris, de pouvoir redessiner l’Ile-de-France. Rien ne peut se faire sans nos métiers, dans leur diversité. Mais il faut, sur ces sujets comme sur d’autres, une mise en place raisonnée.

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