Face à l’adversité, EuropaCity s’aère

Le mégaprojet de centre commercial réinventé, lieu de loisirs, de culture et de fêtes, controversé dès sa naissance, fait entièrement peau neuve. Fini le monolithe en forme de navette spatiale. Le projet a été repensé dans sa forme, désormais ouverte et fragmentée. Le modèle économique se précise également.

L’art naît de contraintes. La maxime d’André Gide peut s’appliquer au projet pharaonique d’EuropaCity, complexe commercial d’un nouveau genre porté, non sans difficultés, depuis plusieurs années par Alliages et territoires, filiale d’Immochan, rejoint par le groupe chinois Wanda. Le projet, qui occupera 80 des 300 ha de la ZAC du Triangle de Gonesse (Val d’Oise), a fait l’objet de nombreuses levées de boucliers lors du débat public mené en 2016.

Le commissaire enquêteur missionné pour rendre son avis sur le plan local d’urbanisme (PLU) de Gonesse, dont la modification adoptée lundi 25 septembre 2017 par la ville est nécessaire à la construction du projet, a sévèrement critiqué ce complexe et contesté les promesses de ses promoteurs, qu’il s’agisse d’emplois créés ou d’empreinte écologique. Mais rien n’arrête EuropaCity, dont une version entièrement repensée dans son architecture a été présentée ce mercredi 27 septembre 2017.

Un urbanisme de rues et de places

Là où les images diffusées jusqu’à présent montraient une sorte d’énorme navette spatiale, d’un bloc, comme échouée au sud du Triangle de Gonesse, Bjärke Ingels (agence Big) a revu en profondeur sa copie. Résultat, le monolithe couché a disparu au profit d’un ensemble de bâtiments en forme de quartier de ville, multipliant les accès, distribué par un immense espace public en son centre, « dont la superficie égale celle du jardin des tuileries », comme l’a souligné Thierry Lajoie, président de Grand Paris aménagement, aménageur de la ZAC du Triangle de Gonesse.

Le nouveau projet relèvera d’un urbanisme de rues, de places, doté désormais d’un maillage viaire à la place de la galerie commerciale circulaire qui constituait le précédent programme.

Mieux, les porteurs d’EuropaCity, « destination festive, participative et populaire », selon les éléments de langage soigneusement choisis, travaillent actuellement avec une trentaine d’architectes, à la fois internationaux et valdoisiens, en amont d’une série de concours d’architecture organisés pour huit sites emblématiques et iconiques du projet, salles de spectacle, cirque contemporain, hôtels, etc. Des concours dont les lauréats seront connus à la fin de l’année. Dominique Perrault, Tschumi, Franklin Azzi ou Architecture studio figurent notamment parmi les concurrents (voir encadré ci-dessous).

Nouvelles modes et vieilles recettes

Si Benoit Chang et David Lebon, à la tête d’Alliages et territoires, n’en ont pas dit beaucoup plus, par ailleurs, sur le modèle économique du site, celui-ci devrait reposer sur le flux de visiteurs annoncé (30 millions par an attendus). Sur cette base, ambitieuse, EuropaCity proposera à des marques d’implanter dans ce gigantesque lieu leur « flagship », autrement dit leur show-room.

Non pas pour y vendre quoi que ce soit en direct, mais pour offrir aux visiteurs une expérience et des contenus originaux, en testant les produits, pourquoi pas en les customisant dans le cadre de fablab d’un nouveau genre. De quoi favoriser les achats ensuite, en ligne le plus souvent. Les propriétaires des lieux pourront dès lors demander aux marques hébergées des loyers à la hauteur du chiffre d’affaires ainsi généré.

Les datas valorisées

Le modèle économique d’EuropaCity, qui ferait des jaloux du côté d’Unibail Rodamco ou de Klepierre, reposerait donc très classiquement sur de l’urbanisme commercial. L’innovation, en l’espèce, autrement dit la réinvention du commerce annoncée depuis l’origine du projet sans excès de précisions, reposerait sur le fait que les multiples animations proposées, station de ski indoor, cirque contemporain, salle de concert pouvant accueillir jusqu’à 12 000 personnes, assureraient un flux soutenu de visiteurs.

Le modèle économique d’EuropaCity repose sur le flux de visiteurs généré, résume Benoit Chang, directeur d’Alliages & territoires. © Jgp

Alors que la fréquentation des centres commerciaux classiques semble vouer à une décroissance certaine, plus ou moins lente, à l’instar des dead malls, images même du déclin d’un certain modèle de consommation outre-Atlantique.

A ce modèle d’urbanisme commercial d’un nouveau genre, s’ajouterait la valorisation des données collectées à chacun de leur passage sur les visiteurs d’EuropaCity. Alliages et territoires affirme que le projet est autant touristique que commercial. Il aura ainsi vocation à pallier le déficit de l’offre francilienne en matière d’hôtellerie notamment. Ce serait, annonce-t-on en outre, un lieu de fête nocturne remédiant, là encore, dans l’espoir de ses promoteurs, au déclin actuel de la nuit parisienne.

Un aménagement coordonné avec le site de PSA

15 ha soumis à l’imagination des concurrents d’Inventons la métropole du Grand Paris seront également aménagés à côté d’EuropaCity. On connaîtra le lauréat de cette parcelle le 18 octobre prochain, lors de l’annonce de l’ensemble des finalistes du concours métropolitain. Par ailleurs, Grand Paris aménagement (GPA) aménagera, de l’autre côté de l’autoroute A1, l’ancien site de PSA, situé sur la commune d’Aulnay-sous-Bois. Une emprise de 100 ha, auquel sera adjointe une soixantaine d’hectares supplémentaires pour former un ensemble de 163 ha allant jusqu’à la gare d’Aulnay-sous-Bois. Un programme dont l’aménagement, qui débutera dès que l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France aura acquis le site de PSA, sera coordonné avec celui de la ZAC du Triangle de Gonesse, a indiqué le président de GPA.

Conférence de presse de présentation du nouveau projet d’EuropaCity, mercredi 27 septembre 2017. © Jgp

Concernant EuropaCity, Thierry Lajoie a décrit les marges de progrès encore possibles selon lui. Elles portent notamment sur l’étude des déplacements entre le complexe et la gare de la ligne 17 du Grand Paris express qui desservira la ZAC, sur l’ouverture au nord du projet, ou sur le parking de 12 000 places qui mériterait d’être mutualisé avec la gare du GPE.

Les agences d’architectes participant aux concours

  • Salle de concert : AL_A, CAAU, HERAULT ARNOLD ARCHITECTES
  • Salle de spectacle : MOREAU KUSUNOKI, TSCHUMI Architectes BTuA, CLEMENT BLANCHET
  • Centre culturel du 7e art : MANUELLE GAUTRAND, PERIPHERIQUES, UN STUDIO
  • Hôtel 3* (1) : JEROME DE ALZUA, BASALT, 5+1 AA
  • Hôtel 3* (2) : FRANKLIN AZZI, SCAU, MAES ARCHITECTES URBANISTES
  • Hôtel 4* (parc aquatique) : BENOY, WATG, CHABANNE
  • Hôtel 4* (centre de congrès) : BDP, BLP, ARCHITECTURE STUDIO, AAVP ARCHITECTURE – VINCENT 
PARREIRA
  • Hôtel 5* : DOMINIQUE PERRAULT ARCHITECTURE, ATELIER COS, STEFANO BOERI ARCHITETTI, LA 
CIME ARCHITECTURAL DESIGN

EuropaCity en chiffres

  • Loisirs : 150 000 m2
  • Culture : 50 000 m2
  • Espaces publics : 100 000 m2
  • Restaurants : 20 000 m2
  • Commerce : 230 000 m2 (phasés)
  • Parc urbain : 10 ha
  • Ferme urbaine : 7 ha
  • Hôtellerie : 2 000 chambres
  • Investissement : 3,1 milliards  d’euros
  • Emplois créés : 10 115 ETP (en phase d’exploitation)

 

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