Conseiller écologiste de Paris, président de la commission urbanisme, logement, Grand Paris et politique de la ville, et conseiller communautaire de la Métropole, Emile Meunier lance un appel à un sursaut de l’exécutif parisien en faveur du climat. Tandis qu’un mercato des délégations d’adjoints post-sénatoriales s’annonce à la Ville, l’élu dénonce le retard de Paris et le risque d’engagements non-tenus. Il estime également que la Capitale doit peser de tout son poids pour sortir du blocage institutionnel actuel et renforcer la Métropole.
Quel regard portez-vous sur cette rentrée politique ?
Nous avons été élus, en 2020, sur un slogan : « dernier mandat pour le climat ». Or entre les Jeux olympiques de 2024 et la préparation des prochaines élections, beaucoup oublient l’essentiel : comment utiliser chaque seconde de notre mandat au service de Paris, des Parisiens et des Grands Parisiens puisque la Métropole est l’avenir de Paris. Il faut que la deuxième moitié du mandat ait du souffle et du panache, il faut retrouver la flamme, le feu sacré.
Mais n’êtes-vous pas vous-mêmes largement les auteurs de la révision récente du plan local d’urbanisme de Paris, désormais bioclimatique ?
Je ne prétends pas que l’on va dans le mauvais sens. Le PLU révisé permettra de mettre fin à 20 ans de divergences sur l’urbanisme. Nos collègues socialistes et communistes ont fini par rejoindre nos positions, dictées par la réalité des faits et la lecture des différents rapports récents sur l’écologie urbaine, qui tous soulignent la nécessité de ne plus toucher aux sols et de cesser la densification de la ville la plus dense d’Europe, pour lutter contre le fléau des îlots de chaleur urbains. Mais en matière de climat, nous sommes dans une course contre la montre. Si l’on ne passe pas la seconde, les riches vont partir à la campagne et les pauvres vont cuire à l’étouffé dans Paris.
Que préconisez-vous face à ce constat ?
Le premier chantier consiste à trouver les 300 ha d’espaces verts ouverts au public que le PLU bioclimatique prévoit. Il ne faut pas refaire le coup des forêts urbaines, où l’on promet monts et merveilles, pour qu’à l’arrivée les Parisiens se sentent floués. Or il ne suffit pas d’inscrire ces 300 ha dans le plan local d’urbanisme pour qu’ils deviennent une réalité. 300 ha, cela représente six fois le parc de la Villette ! Il s’agit donc d’un chantier titanesque, de type haussmannien. Cela se prépare. Or à l’heure actuelle, personne n’est d’accord sur la définition d’un espace vert ouvert au public. Si cela se limite aux parcs et jardins, c’est bien. Si l’on y intègre les rues aux écoles et les cours oasis, c’est nettement moins bien car elles ne rendent pas les mêmes services écologiques.
Ensuite, il faut flécher les sites : agrandissement de parcs existants, création de nouveaux sites, constitution de réserves, etc. Il faut transformer des rues entières non pas en rue-jardin mais en véritables espaces verts, déclassant ces rues du domaine viaire. Il existe aussi des parcs privatisés, appartenant à l’AP-HP ou à des congrégations religieuses, qu’il faut ouvrir au public. Où sont les conventions signées avec la ville garantissant ces ouvertures ? Où est la liste des squares qui seront agrandis ? Des parcs nouveaux ? Ceux listés par le PLU ne totalisent aujourd’hui que 53 ha.
Je m’interroge également sur le financement de ces 300 ha : dispose-t-on d’un plan pluriannuel de financement jusqu’en 2040 ? A-t-on un plan de recrutement pour se doter des gardiens et jardiniers pour les futurs espaces verts ? Cette impréparation n’est pas sérieuse. C’est pourquoi nous présenterons un vœu au prochain conseil de Paris pour demander à l’exécutif de concevoir ce plan dans les mois qui viennent et de l’annexer au futur PLU.
Comment expliquez-vous ce manque de volonté de transformer Paris que vous soulignez par ailleurs ?
Nous n’avons pas la même appréciation de l’urgence climatique avec la maire. Pour les écologistes, le dossier doit être mis en haut de la pile, tout simplement pour pouvoir rester vivre à Paris dans les prochaines décennies. Pour retrouver la flamme transformatrice, nous devrions d’une part renforcer le poids des écologistes dans l’exécutif, à la tête de grosses délégations, par exemple l’urbanisme ou le logement pour faire vivre l’urbanisme nouveau que nous avons pensé et obtenu ; d’autre part, il faut élargir la majorité, notamment à nos amis de la France Insoumise. Ils sont proches de nos idées et font un bon travail de terrain.
En matière de rénovation thermique, la Ville affirme avoir pris la question à bras le corps. Vous le contestez ?
Nous avançons, certes, mais sommes encore loin du compte. Sur le parc social, nous sommes un peu en-deçà des objectifs de 5 000 logements rénovés par an. A ce rythme, on aura atteint nos objectifs en 2050. Mais c’est sans parler du confort d’été qui commence tout juste à être pris en compte par nos bailleurs. Dans le parc privé, entre 3 500 et 4 000 logements sont rénovés par an, alors qu’il faudrait en rénover 40 000 par an pour que l’ensemble du parc ait été traité en 2050… Nous sommes loin du passage à l’échelle. Cela représente environ 800 millions d’euros d’investissements supplémentaires que la Ville ne peut prendre en charge. L’Etat doit prendre sa part.
De même, il faut accélérer le rythme de rénovation thermique des 1 006 collèges et écoles parisiens. On en rénove aujourd’hui seulement 6 ou 7 par an ! Il faut doubler voire tripler ce rythme. Pour le coup, c’est de notre responsabilité. Le dossier est sur le bureau de la maire. Il faut arbitrer.
Pourquoi insistez-vous aussi sur la question des moyens humains ?
Tous les milliards ne suffiront pas sans les personnes pour faire ces travaux. Or ces métiers sont plus qu’en tension. Nous, les écologistes, nous proposons de créer une grande école métropolitaine des métiers de la rénovation thermique, tous corps de métier, du couvreur à l’historien du patrimoine, en passant par l’ingénieur qui va inventer les nouveaux matériaux. Ici aussi, il faut donner envie !
Quelles sont vos propositions concernant l’espace public ?
Partout où je vais, les gens me disent que Paris est la plus belle ville du monde mais on me dit aussi que son espace public est moins propre qu’avant. C’est un fait politique dont on doit tenir compte. Aujourd’hui, entre les terrasses sauvages, les travaux de voirie parfois mal gérés, les poubelles sur les trottoirs ou les lampadaires qui se cassent la figure, nous pouvons faire beaucoup mieux en termes d’efficacité et de coordination. Notre linéaire de rue a augmenté, avec la création de pistes cyclables, de couloirs de bus, sans avoir ajouté plus de personnels ni plus de machines. De nombreuses rues de Paris sont encore nettoyées à l’aide de balais ! Il faut un big-bang de l’automatisation des moyens de propreté.
J’ajouterais que l’on ne s’est jamais réellement attelé non plus à la répartition des moyens, entre des arrondissements où dominent les bureaux et les ministères et ceux qui sont plus vivants ou touristiques et nécessitent davantage de passages des agents en charge de la propreté, qui font par ailleurs un travail formidable et sont des héros du quotidien.
Par ailleurs, lors de travaux de voirie susceptibles d’abîmer des rangées d’arbres ou une glycine centenaire, trop souvent les services de la voirie ne parlent pas avec ceux de l’arbre. Je milite pour la création d’un grand pôle espace public qui réunisse à la fois les moyens de la propreté, de la voirie et de sa végétalisation, innervé par une forte culture du beau. Il faut réunir ce qui n’aurait jamais dû être désuni pour offrir aux Parisiens, en quelque sorte, un nouvel espace agréable à vivre en plus de leur logement.
Pourquoi estimez-vous que Paris ne s’investit pas suffisamment dans la construction métropolitaine ?
Paris doit retrouver son rôle historique de moteur de l’unification métropolitaine, comme au temps de Bertrand Delanoë et Pierre Mansat. Toutes les personnes qui travaillent sur ces sujets, tous les élus qui s’intéressent à l’aménagement du territoire savent qu’un jour ou l’autre, on devra réunir ce bassin de vie. Ici aussi, Paris doit retrouver la flamme.
Pourquoi estimez-vous qu’une réforme institutionnelle s’impose ?
Parce que le bon échelon, c’est la Métropole. Si l’on souhaite réduire les distances domicile-travail, il ne faut pas qu’une ville décide d’accueillir exclusivement des bureaux et une autre des logements. Même chose pour adapter le territoire le plus dense de France au réchauffement climatique : il faut une pensée globale pour dessiner les trames vertes, bleues, la débitumisation ou l’ouverture des rivières. Idem pour les inégalités territoriales, dont le Grand Paris a le record. Une Métropole dotée d’un budget propre d’une centaine de millions d’euros n’est pas à la hauteur des enjeux d’un territoire de 7 millions d’habitants avec des compétences insuffisantes et un pudding d’échelons de décision. Nous sommes toujours dans une situation de blocage institutionnel qu’il va falloir lever.
J’ai beaucoup de respect pour le président Ollier, qui fait un travail formidable, avec la Métropole chevillée au corps comme l’ont les écologistes. Mais je conteste son idée d’une Métropole des maires. Je suis favorable à une Métropole des Grands Parisiens, des citoyens. Or, je vous le disais, il ne se passera jamais rien si Paris ne pèse pas de tout son poids, auprès des communes limitrophes et de l’Etat, pour que les choses évoluent enfin. C’est notre responsabilité historique. Je fais une proposition pour lever le blocage, que je reprends d’un livre vivifiant « Le pari du Grand Paris » : Paris doit porter l’idée d’une « constituante », composée d’élus, de citoyens et d’experts pour définir la Métropole dont nous avons besoin et que nous traduirions dans la loi dès cette mandature.