Conseiller écologiste de Paris et conseiller communautaire de la Métropole, Emile Meunier détaille les avancées que contient selon lui le PLU bioclimatique de Paris face au réchauffement climatique. L’élu estime qu’il faut oser transformer le tissu pavillonnaire et s’interroger sur la présence de résidences secondaires en zone ultra-dense, face au défi climatique.
Qu’est-ce qui, selon vous, rend le plan local d’urbanisme bioclimatique de Paris, dont un premier arrêt va être prochainement adopté, à la hauteur des enjeux climatiques ?
Demain, avec les nouvelles règles, on pourra construire beaucoup moins à Paris. Ce PLU va augmenter la place de la nature en ville. C’est l’angle, la porte d’entrée de ce document. Car c’est en laissant plus de place à la nature que l’on va rafraîchir la ville. La pleine terre, les arbres, la végétalisation dans son ensemble constituent le meilleur des climatiseurs. Le PLU fixe un objectif : celui d’ajouter 300 ha d’espaces verts ouverts au public à ce qui existe, pour atteindre les 10 ha d’espaces verts par habitant recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est titanesque. Cela passe par l’agrandissement des parcs existants, la création de nouveaux, la transformation d’avenues entières, etc., et donc une planification et un portage politique sans précédent.
Par ailleurs, nous instaurons un seuil minimal de pleine terre à la parcelle beaucoup plus important. En l’occurrence, le PLU prévoit entre 30 et 65 % de surface de pleine terre minimum, selon la taille de l’emprise concernée. Ainsi, on ne pourra quasiment plus construire au sol. C’est une révolution de l’urbanisme parisien.
Le pastillage d’immeubles de bureaux, qui devront être pour tout ou partie transformés en logements, notamment sociaux, en cas de rénovation lourde, jugé par certains aussi anti-économique qu’inefficace, cristallise le mécontentement des milieux économiques. Que leur répondez-vous ?
Aujourd’hui, le Grand Paris apparaît comme une métropole complètement déséquilibrée. Paris est une sorte de soleil noir, qui attire toute la richesse de l’agglomération et au-delà. Cette concentration vole des emplois à la banlieue, crée des déplacements pendulaires domicile-travail et travail-domicile en masse et augmente le prix du foncier parisien. Le propriétaire d’une parcelle aura toujours intérêt, en effet, à réaliser des bureaux, qui se vendent beaucoup plus cher, que du logement. Cette même concentration contribue à l’augmentation sans fin des prix des logements. Cela accentue les inégalités territoriales.
Face à cela, il faut partager la création de richesse avec l’ensemble du territoire. Ce qui veut dire arrêter le bureau à Paris et à l’ouest et créer des emplois en petite couronne, en particulier à l’est ou dans les communes les plus pauvres, et donc rééquilibrer la métropole. C’est la raison d’être de l’institution créée en 2016. C’est la raison pour laquelle il faut réguler et réduire la place du bureau à Paris. Pour y parvenir, il faut, comme le prévoit ce PLU, proscrire la plupart des constructions nouvelles, pastiller un certain nombre d’immeubles de bureaux pour les transformer en logements et mettre en œuvre des servitudes de mixité fonctionnelle, obligeant là encore les propriétaires de bureaux à prévoir une part de logements en cas de rénovation lourde. Tels sont les trois mécanismes qui vont permettre de stabiliser, puis de réduire le nombre de bureaux dans Paris et augmenter celui des logements.
Je suis toujours étonné par l’attitude des élus parisiens de droite sur la question du logement : en conseil municipal, ils ne cessent de marteler qu’il en manque dans Paris, mais ils refusent d’en construire, s’opposent à la surélévation, à toute préemption… Et quand on trouve des mécanismes pour transformer des bureaux en logements avec le nouveau PLU, voilà qu’ils râlent encore. En fait, la droite n’a aucune politique de logement pour Paris.
Vous-êtes vous-même opposé à la hauteur des tours, que ce PLU va limiter à 37 m sur l’ensemble de la superficie de Paris…
Oui, les tours à Paris, c’est fini. Ici aussi nous tournons la page des errances de la Tour Triangle ou des tours Duo. Plus largement, rappelons tout d’abord que Paris est la ville la plus dense d’Europe. Les Parisiens la quittent parce qu’il devient trop difficile d’y vivre. En partie à cause d’une densité trop grande. La question, dès lors, consiste à savoir si l’on continue à densifier en bétonnant Paris ou s’il ne serait pas préférable de créer des espaces verts partout où cela est encore possible, pour rendre la vie des Parisiens plus agréable. Nous estimons que l’on a suffisamment construit au sein de la Capitale. J’ajoute qu’avec 18 % de logements inoccupés, entre les habitations vides, les résidences secondaires et les locations saisonnières de courte durée, on dispose d’une réserve importante pour réaliser des logements sans construire davantage. C’est une première réponse.
Par ailleurs, nous ne sommes pas opposés à la surélévation. A condition toutefois de procéder intelligemment. Si une rue étroite dispose de quelques dents creuses, qui permettent une respiration bienvenue, il faut la préserver. En revanche, dans les avenues les plus larges, transformer des bâtiments de deux ou trois étages par des bâtiments de sept à huit étages ne nous choque pas.
Enfin, une vision globale, métropolitaine du territoire est nécessaire. Paris n’est qu’un quartier d’une ville qui s’appelle le Grand Paris. Il faut partager la richesse, permettre à d’autres villes d’accueillir des bureaux et des emplois en plus grand nombre. En corolaire, il convient de densifier les villes qui entourent Paris. Des communes entières, à l’exemple d’Alfortville, sont des zones pavillonnaires. Est-il préférable d’édifier des tours de 120 m de hauteur dans Paris ou surélever des rues de pavillons, en préservant bien sûr, ce qui constitue un trésor national, les jardins ou les espaces de pleine terre dans nos villes de banlieue ?
Comment fait-on ?
Il faut surélever les pavillons ou les détruire pour construire à leur place de petits immeubles, en gardant les jardins. Je ne vais peut-être pas plaire à tout le monde mais face à la crise du logement, après avoir réduit la part de logements inoccupés, on va devoir construire encore, la question est de savoir où et comment. Nous souhaitons que l’on construise exclusivement sur le bâti existant. Or entre une densité de 20 000 personnes par km2 dans Paris intramuros et une densité de 5 000 habitants dans certaines villes de petite couronne, il me semble logique de rééquilibrer les choses, en rééquilibrant aussi l’emploi. J’ai moi-même grandi dans un pavillon. Mais nous allons devoir densifier là où cela est possible. Et il ne s’agit pas, en zones pavillonnaires, de bâtir des tours mais des immeubles de deux ou trois étages.
Comment parvenir à réduire le pourcentage des logements vacants dans Paris ?
Il faut se poser la question de savoir si l’on autorise les résidences secondaires en zone dense. Je pense que l’on ne peut pas se permettre d’accueillir des résidents étrangers, n’appartenant pas à l’Union européenne, qui vont acquérir à prix d’or des logements occupés ensuite 15 jours dans l’année. C’est une folie quand on connait une telle crise du logement.
En attendant que la gauche revienne un jour au pouvoir dans ce pays pour régler la question par exemple en fixant des quotas de résidences secondaires, ou proscrire ces dernières dans certaines zones, il faudrait dès aujourd’hui permettre aux maires d’augmenter significativement la taxation de ces résidences. J’estime que l’on a sur-sacralisé le droit de propriété en France. Et que cela est une erreur. L’objectif recherché ne doit pas être de favoriser la propriété privée à tout prix mais de loger les gens. De faire en sorte que chacun puisse avoir un toit. Or aujourd’hui les règles combinées du marché et de la propriété l’empêchent.
Que prévoit le PLU bioclimatique de Paris en matière de meublés touristiques ?
Dans certaines zones, on ne pourra plus créer de nouveaux logements destinés à être des meublés touristiques et, dans le reste de la ville, on ne pourra pas transformer des logements existants en meublés touristiques.
Quel regard portez-vous sur le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), dont la Métropole a relancé l’élaboration ?
Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois avant d’être nommé ministre du Logement, était censé participer aux travaux préparatoires de ce PMHH, qui est un outil potentiellement très important en vue d’une politique du logement métropolitaine. Il a pris désormais d’autres responsabilités, laissant le chantier en plan. Et le refus des maires de droite de réaliser le quota de logements sociaux exigé par la loi SRU continue de bloquer l’adoption de ce document.
Il faut sur ces questions revenir à des choses simples. Il existe un déficit de logements sociaux dans les communes de droite, particulièrement à l’ouest. Et ces élus ne souhaitent pas que les choses évoluent. Si l’on adopte le PMHH, entraînant un transfert de la compétence du logement et de l’habitat à l’échelle métropolitaine en vue d’un rééquilibrage, cela les dérange forcément. Comme ils sont puissants au sein de la Métropole, ils bloquent tout, contre l’intérêt général. Il faut qu’à un moment donné, soit le président Ollier affronte ces maires, soit que l’on en fasse un vrai enjeu lors des prochaines élections métropolitaines afin d’obtenir une légitimité électorale suffisante pour obtenir cette transformation.
Quelle est votre position sur la question de la transformation du boulevard périphérique ?
Emmanuel Macron avait l’occasion de marquer son empreinte dans l’histoire en créant une véritable métropole du Grand Paris. Au lieu de cela, nous restons aujourd’hui au milieu du gué, avec des compétences et des responsabilités diluées, peu de moyens et une tranche territoriale en trop (le département ?). Et puis, il y a cette grande infrastructure, qui s’appelle le boulevard périphérique et crée une barrière entre la riche Paris et les banlieusards. Il y a un big-bang à faire, institutionnel d’une part, en repensant la Métropole comme une vraie collectivité de plein exercice et, d’autre part, il faut urgemment lever cette frontière du périphérique, en lançant le chantier de la décennie, de déconstruction progressive du périphérique pour en faire un boulevard urbain et un grand parc continu métropolitain.