Déconfinement : les principales mesures, les réactions franciliennes

Édouard Philippe a détaillé mardi 28 avril 2020 à l’Assemblée nationale un plan de déconfinement progressif, conditionnel et départementalisé. Les élus franciliens nuancent leurs réactions.

« Nous préparons le 11 mai en surveillant tous les indicateurs pour vérifier, département par département, que nous pouvons effectivement lancer les opérations à cette date, a déclaré Édouard Philippe le 28 avril à l’Assemblée nationale. Si, à l’approche du 11 mai, disons jeudi 7 mai, il apparaissait que le nombre de nouveaux cas journaliers n’était pas dans la fourchette prévue ; que nous ne parvenions pas à casser les trop nombreuses chaînes de contamination ; alors nous devrions en tirer les conséquences. »

Edouard Philippe, dans la cour de l’hôtel Matignon. © Jgp

« Je le dis aux Français, si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai, ou nous le ferons plus strictement », a-t-il indiqué.

La réouverture des cafés et restaurants décidée fin mai

« Si tout est prêt, comme nous le pensons, le 11 mai, alors commencera une phase qui durera jusqu’au 2 juin », a poursuivi le locataire de Matignon. Cette phase « permettra de vérifier que les mesures mises en œuvre permettent de maîtriser l’épidémie, et d’apprécier, en fonction de son évolution, les mesures à prendre pour la phase suivante qui débutera ce 2 juin et qui ira jusqu’à l’été ».

La date de réouverture des cafés et restaurants, de toutes façons ultérieure au 2 juin, sera décidée fin mai. Mais tous les autres commerces devraient rouvrir le 11 mai. Un commerçant pourra subordonner l’accès de son magasin au port du masque.

Un déconfinement territorialisé

« La progressivité s’accompagne d’une différenciation selon les territoires », a également indiqué l’ancien maire du Havre. Ainsi, les départements seront classés au regard de trois familles de critères (voir ci-dessous). Le 7 mai sera ainsi déterminé « quels départements basculent le 11 mai en catégorie disons « rouge », circulation élevée, ou « vert », circulation limitée », a indiqué Édouard Philippe. A compter de jeudi 30 avril, le directeur général de la santé présentera tous les soirs la carte avec ces résultats, département par département. Cette carte guidera ainsi chaque territoire dans la préparation du 11 mai.

Les cafés et restaurants fermés au moins jusqu’au 2 juin. © Jgp

Le télétravail maintenu au moins 3 semaines

« Le déconfinement doit aussi permettre la reprise de la vie économique », a souligné le Premier ministre. « Le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible, au moins dans les trois prochaines semaines. Il n’y a pas sur ce sujet un avant et un après 11 mai », a-t-il annoncé. « Pour les personnes qui ne pourront pas télétravailler, la pratique des horaires décalés dans l’entreprise doit être encouragée. Elle étalera les flux de salariés dans les transports et diminuera la présence simultanée des salariés dans un même espace de travail », a précisé le chef du gouvernement. 33 guides de préconisations sanitaires par secteurs sont disponibles, 60 permettront de couvrir l’ensemble des secteurs.

Transports

« 70 % de l’offre de la RATP sera disponible le 11 mai et nous devons remonter rapidement à l’offre nominale », a également indiqué le chef du gouvernement. Le port du masque sera rendu obligatoire dans tous les transports, métros comme bus. Et les opérateurs devront, au moins pour les trois semaines à venir, s’organiser pour permettre, même dans le métro, de respecter les gestes barrière. Le port du masque sera également obligatoire dans les taxis et les VTC qui ne disposent pas du système de protection en plexiglas.

Déplacements

Il sera à nouveau possible de circuler librement, sans attestation, sauf pour les déplacements à plus de 100 km du domicile, qui ne seront possibles que pour un motif impérieux, familial ou professionnel. « Il sera possible, les beaux jours aidant, de pratiquer une activité sportive individuelle en plein air, en dépassant évidemment la barrière actuelle du km et en respectant les règles de distanciation physique », a indiqué Édouard Philippe. Il ne sera possible, ni de pratiquer du sport dans des lieux couverts, ni des sports collectifs ou de contact.

Les parcs et jardins ne pourront ouvrir que dans les départements où le virus ne circule pas de façon active. Par mesure de précaution, les plages resteront inaccessibles au public au moins jusqu’au 1er juin. « D’une façon générale, il nous faut éviter les rassemblements qui sont autant d’occasion de propagation du virus. Les rassemblements organisés sur la voie publique ou dans des lieux privés seront donc limités à dix personnes », a-t-il été indiqué.

Réouverture des écoles

« Nous proposons une réouverture très progressive des maternelles et de l’école élémentaire à compter du 11 mai, partout sur le territoire, et sur la base du volontariat, a déclaré le Premier ministre. Dans un deuxième temps, à compter du 18 mai, mais seulement dans les départements où la circulation du virus est très faible, nous pourrons envisager d’ouvrir les collèges, en commençant par la 6e et la 5e. Nous déciderons fin mai si nous pouvons rouvrir les lycées, en commençant par les lycées professionnels, début juin », a-t-il également précisé.

Avec plusieurs membres du gouvernement et le coordonnateur interministériel, Édouard Philippe rencontrera dès ce mercredi les associations d’élus locaux et les préfets, puis jeudi les partenaires sociaux, « pour engager ce travail de concertation et d’adaptation du plan aux réalités de terrain ».

« En juillet 2017, dans des circonstances bien différentes mais à cette même tribune, à l’occasion de ma première déclaration de politique générale, j’avais évoqué cette antique qualité dans laquelle les Romains puisaient leur force : la vertu, qui mêle la rectitude, l’honnêteté et le courage, a conclu Édouard Philippe. J’étais loin d’imaginer alors combien cette qualité serait essentielle dans les semaines à venir pour préparer notre avenir, l’avenir de nos enfants, l’avenir de la France. »

Tester – protéger – isoler

Le premier ministre a explicité la doctrine de l’Etat face à la pandémie, qui se résume par le triptyque « tester, protéger, isoler »

Masques

Caissière dûment masquée. © Jgp

« Nous incitons l’ensemble des acteurs à se procurer des masques, a indiqué Édouard Philippe. Les scientifiques nous disent aujourd’hui qu’il est préférable, dans de nombreuses circonstances de porter un masque plutôt que de ne pas en porter. Il me revient donc de le dire, et de faire en sorte que cela soit possible », a-t-il poursuivi.

L’Etat soutiendra financièrement les collectivités locales qui achètent à compter de mardi 28 avril 2020 des masques grand public en prenant en charge 50 % du coût des masques dans la limite d’un prix de référence. « J’invite toutes les entreprises, quand leurs moyens le leur permettent, à veiller à équiper leurs salariés », a indiqué Edouard Philippe.

Tests

« À la sortie du confinement, nous serons en capacité de massifier nos tests. Nous nous sommes fixé l’objectif de réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine au 11 mai », a souligné le Premier ministre. Ces tests seront pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.

Isolement

Les personnes contaminées seront « invitées à s’isoler ». « Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent lieu à l’application correcte de la doctrine nationale, a indiqué le Premier ministre. Il reviendra aux préfets et aux collectivités territoriales de définir ensemble, avec les acteurs associatifs, les professionnels de santé, les acteurs de la prise en charge à domicile, le plan d’accompagnement des personnes placées dans cette forme d’isolement », a-t-il précisé.

François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne

« Nous sommes dans le flou sur les espaces publics »

Quelle est votre réaction après l’intervention du Premier ministre ?

C’était une intervention importante car depuis 15 jours nous nagions dans le plus grand flou. Dans un pays centralisé comme le nôtre, il est compliqué de travailler sans cadre. Aujourd’hui, il est plus précis. Dans les collèges, nous avions retenu la date de rentrée du 18 mai, notre département risquant de se trouver en zone « rouge », cela risque de ne pas être le 18 mai. Nous sommes plus au clair sur les équipements publics, mais dans le flou sur les espaces publics : parcs et jardins. J’espère que là aussi on donnera une liberté aux acteurs locaux dans les respects des règles sanitaires.

François Durovray. © Jgp

Comment réagissez-vous à la fermeture des parcs et espaces publics dans les départements « rouge ? 

Je comprends que des parcs de petite taille restent fermés mais la forêt de Sénart qui s’étend sur des milliers d’hectares, est-il utile de la laisser fermée ? Un dialogue au niveau local est nécessaire. Nous avions prévu, en tout état de cause, avec les élus de mon département et avec le préfet, des réunions mercredi 29 et jeudi 30 avril pour étudier comment on met en application et on adapte les décisions du Premier ministre, par exemple au sujet des marchés. Nous avons l’impression que ceux qui ont rouvert fonctionnent bien.

Vous militez pour que les masques déjà acquis par les collectivités soient également pris en charge par l’Etat ?

Les élus ont pris les devants sur les masques. Lorsque la décision d’en commander a été prise, nous nous sommes dits que nous aurions à payer. Que l’Etat prenne en charge la moitié du coût est donc une bonne nouvelle, même si nous pouvions espérer une prise en charge totale. J’ose espérer que les collectivités qui avaient pris les devants et avaient passé commande avant le 28 avril seront aussi remboursées. Ce qui compte n’est pas la date de commande mais l’enjeu de protection.

Vous craignez que les opérateurs de transports ne soient pas prêts ?

La difficulté en Ile-de-France est que nous sommes l’une des régions les plus touchées mais nous sommes aussi le moteur économique de la France. Il faut déconfiner pour faire repartir l’économie mais le risque de seconde vague est important. J’ai appris  que les opérateurs de transports publics n’étaient pas préparés à la reprise. J’espère qu’on ne restera pas à 50 % de la capacité pour la SNCF et 70 % pour la RATP mais 100 %. Mais même à 100 %, ils ne pourront pas gérer plus de 20 %, environ, de la population. On sent bien que le déconfinement en Ile-de-France sera forcément plus compliqué que dans d’autres régions. Il reste une part d’inconnue importante : l’attitude des parents, le télétravail, le lissage des horaires…

Stéphane Troussel soulagé

« Compte-tenu de l’aspect particulièrement tardif de ces annonces, je suis soulagé que le département de la Seine-Saint-Denis ait pu déjà anticiper un certain nombre de besoins essentiels au déconfinement à venir, commente Stéphane Troussel, affirme le président du conseil départemental. Je pense au marché que nous avons passé pour obtenir jusqu’à un million de masques en tissu lavables qui viendront équiper les agents du Département, les personnel.le.s qui travaillent auprès de publics fragiles (résidences autonomies, services d’aides à la personne, crèches…) mais aussi pour nos élèves des collèges publics et privés de la Seine-Saint-Denis. »

Stéphane Troussel. © Jgp

« Le remboursement par l’Etat à hauteur de 50 % des achats de masques faits par les collectivités est à ce titre bienvenu. Je pense également à la participation depuis la semaine dernière à Aubervilliers de nos agents au dispositif Covisan imaginé par l’AP-HP afin d’identifier et d’isoler les personnes infectées par le Covid-19, et que le gouvernement reprend sous le terme de « brigades » d’enquêtes épidémiologiques dans sa stratégie « protéger/tester/isoler », poursuit le président de Seine-Saint-Denis.

Plus de transparence

« Mais à l’évidence les collectivités ne peuvent pas continuer de tout anticiper et de tout prévoir à la place de l’État. La maladie ayant affecté différemment les territoires, une stratégie de déconfinement territorialisé paraît de bon sens, mais ne sera pleinement applicable et efficace que si le gouvernement fait enfin preuve de la plus grande transparence et d’une coordination permanente avec les collectivités. Cela passe par un dialogue approfondi entre les préfets et les élus, qui ont déjà l’habitude de bien travailler ensemble. Les hésitations et décisions hâtives du début ne pourront pas être la règle, face à l’enjeu majeur qui est maintenant de redonner confiance aux Françaises et Français, aux territoires, et aux élus.

Compte tenu de l’impact de l’épidémie en Seine-Saint-Denis, je m’attends à ce que le déconfinement y soit plus long et plus strict. Des clarifications doivent là-aussi avoir lieu sur les règles qui concerneront nos territoires voisins, et où beaucoup d’habitants de la Seine-Saint-Denis exercent chaque jour leur activité. En tant que président du Département, je veillerai également à ce que le conseil départemental poursuive ses efforts pour soutenir l’ensemble de la population et notamment les publics les plus fragiles durement touchés par cette crise. Mais là aussi il faudra que l’Etat, en matière de logement ou d’aide alimentaire par exemple, poursuive et renforce ses aides, car la crise sociale ne s’arrêtera pas au 11 mai. Les récentes aides annoncées par le gouvernement restent à ce titre encore trop temporaires et trop faibles. »

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