Décarbonation : la révolution de la mobilité est-elle en marche ?

A l’heure de l’accélération de la lutte contre le réchauffement climatique, Hélène Milot-Durin directrice à l’action régionale d’EDF en Île-de-France et Christelle Vives, directrice d’IZIVIA, filiale à 100% d’EDF spécialisée dans l’installation et l’exploitation de bornes de recharge pour véhicules électriques croisent leur regard sur les transports bas carbone et les mobilités douces.

Pourquoi parle-t-on de mobilité électrique chez EDF ?

Hélène Milot : L’urgence du réchauffement climatique impose d’agir. Le secteur des transports est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Face à ce constat, il faut donc agir immédiatement et surtout collectivement. L’électricité représente une solution mature et efficace pour réduire la consommation d’énergie primaire et décarboner les transports. En tant que premier producteur et fournisseur d’électricité en France et en Europe, EDF joue en l’espèce un rôle central, conformément à notre raison d’être qui est d’accompagner et d’accélérer cette révolution douce. Il s’agit là, rappelons-le, d’un enjeu de santé publique, puisque ces nouvelles mobilités permettent de réduire la quantité de particules fines présentes dans l’air que nous respirons.

Hélène Milot, directrice territoriale Ile-de-France d’EDF. © ARC SELLE/ACABAT CORPORATE

Comment le groupe EDF accompagne-t-il la mobilité électrique en Île-de-France ?

Hélène Milot : Dès 2018, le groupe a lancé son plan mobilité sur le territoire français. EDF accompagne ses clients (entreprises, collectivités, syndicats de copropriétés, entreprises, …) sur l’ensemble des étapes : diagnostic et optimisation des flottes, développement des infrastructures, installation et exploitation des bornes… La région francilienne est au rendez-vous avec de nombreuses réalisations : 9 300 points de recharges ouverts au public (sur les 50 000 existants en France) et plus de 6 000 nouveaux véhicules immatriculés chaque mois. Mais il nous faut aujourd’hui redoubler d’efforts, particuliers, entreprises et collectivités ! Notre filiale Izivia, qui apporte des solutions à toutes les collectivités qui s’engagent vers une mobilité durable est le bras armé du groupe pour déployer des infrastructures de recharge.

Christelle Vives, vous êtes directrice générale d’IZIVIA. Pouvez-vous nous présenter cette filiale ?

Christelle Vives : Oui avec plaisir ! IZIVIA, filiale 100 % EDF, est spécialisée dans la mobilité électrique. Nous sommes présents sur ce marché depuis 20 ans, et nous sommes aujourd’hui un des leaders de solution de recharge.

Nos clients sont des collectivités et des entreprises qui s’équipent en infrastructure de recharge : ils nous en confient l’installation et l’exploitation technique et commerciale.

Comment accompagnez-vous les collectivités qui souhaitent s’engager dans la mobilité électrique ?

Christelle Vives : En France, 30 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent du secteur des transports, et notre conviction, comme celle de nos clients, c’est que la mobilité électrique est une bonne réponse pour diminuer drastiquement ces émissions. Izivia met en œuvre des projets de mobilité électrique sur l’ensemble du territoire national à destination des collectivités, des syndicats d’énergie, des entreprises et des copropriétés. Nous les conseillons sur le choix des bornes en fonction de leurs besoins, nous les installons et les exploitons pour en assurer un fonctionnement optimum. IZIVIA est également un opérateur de mobilité pour tous avec le Pass IZIVIA, qui donne accès au conducteur à plus de 90 réseaux, soit plus de 100 000 points charge en France et en Europe. Une application gratuite, l’appli IZIVIA, permet également de visualiser les bornes disponibles et de préparer son itinéraire en intégrant les arrêts pour se recharger, ce qui facilite grandement les trajets des utilisateurs au quotidien.

Christelle je crois notamment que le SIGEIF vous a déjà rejoint ?

Christelle Vives : Depuis plus de 20 ans, IZIVIA accompagne les villes dans le développement de la mobilité électrique. Sur le réseau du SIGEIF (Syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Ile-de-France), IZIVIA n’accompagne pas seulement une ville mais tout un collectif de communes, pour un service de bornes de recharge plus dense. IZIVIA a déjà équipé 47 communes et installé 500 points de charge ces derniers mois, pour le compte du SIGEIF. Le SIGEIF a fait le choix intelligent de faire installer quatre modèles de bornes différents pour correspondre à tous les usages. Nous sommes également présents en Seine-et-Marne avec le réseau EcoCharge 77, dans les Yvelines avec le réseau Rambouillet territoires mais aussi en Essonne avec le réseau SMOYS notamment. En complément nous déployons énormément de bornes de recharge au sein des entreprises, étant donné que 90 % des recharges se font au bureau ou à domicile. Concernant la grande distribution, nous sommes également présents chez Auchan (106 bornes exploitées), Super U (100 bornes vendues sur 20 magasins), E. Leclerc…

Vous avez récemment commandité une étude à la R&D d’EDF sur les scenarios de prospective énergétique de la région à l’horizon 2035/2050. Qu’en est-il des transports ?

Hélène Milot : Les transports sont le deuxième secteur émetteur d’émissions de gaz à effet de serre en Ile-de-France, avec un tiers des émissions de la région, précédé par le bâtiment qui en produit 48 %. Au sein d’EDF, nous avons la conviction qu’en combinant l’ensemble des leviers d’action, nous pouvons diminuer de 75 % les émissions de gaz à effet de serre du secteur, et de 55 % sa consommation énergétique.

Quelles sont les spécificités du transport en Île-de-France ?

Hélène Milot : Notre région se caractérise par une part très importante du train dans les déplacements individuels quotidiens. Il faut préciser que cela englobe les RER, trains de banlieue, métros et tramways. En conséquence, la part occupée par le véhicule individuel est relativement faible (55 % des distances parcourues contre près de 90 % dans le reste de la France). Ainsi, la RATP transporte 12 millions de personnes chaque jour et consomme 1,4 TWh d’électricité par an, ce qui en fait la première consommatrice d’électricité à l’échelle régionale. Le nombre de déplacements quotidiens effectués en train a augmenté de plus de 10 % en une décennie, l’usage de la voiture diminuant de près de 5 %.

Se déplace-t-on de la même façon à Paris qu’ailleurs dans la région ?

Hélène Milot : Absolument pas ! Il existe au sein même de la région de fortes disparités dans les habitudes de mobilité, avec des modes de déplacements domicile/travail très liés à la densité et aux réseaux de transport en commun. Le recours à la voiture est, par exemple, de plus en plus important au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la Capitale. En volume, les déplacements à l’intérieur de la grande couronne concentrent les trois quarts des émissions du fait de la densité de la population.

Quels sont les leviers à activer pour aller vers une décarbonation du transport dans la région ?

Hélène Milot : Il y en a plusieurs mais je voudrais insister sur le développement des bornes de recharge publiques. C’est un impératif, surtout quand on sait qu’à Paris, seulement 1 habitant sur 2 dispose d’un parking privé : l’Île-de-France est étonnamment l’une des régions françaises les moins bien pourvues. Une borne de recharge ouverte au public pour dix véhicules en circulation : voilà le taux vers lequel chaque territoire doit tendre. Sur l’ensemble des départements franciliens, deux seulement se situent à peu près à ce ratio, et les autres en sont très loin. Cette année, 4 millions d’euros ont été consacrés au soutien du déploiement d’infrastructures. L’objectif est d’atteindre les 12 000 points de charge ouverts au public, d’ici 2023. C’est notre métier de faire en sorte d’accélérer ce mouvement.

EDF fait partie de ces grands groupes qui investissent aujourd’hui dans l’hydrogène. Quelles est l’utilité de cette énergie à l’échelle francilienne ?

Hélène Milot : L’hydrogène bas-carbone sera nécessaire pour décarboner la mobilité intensive, qui désigne l’ensemble des besoins en fortes puissances motrices ou de longues autonomies (bus, camions, bennes à ordures ménagères, bateaux fluviaux, etc). Grâce au réseau et au mix électrique français, il est possible de produire facilement de l’hydrogène bas carbone par électrolyse de l’eau, au plus près des usages. EDF est un acteur engagé en Ile-de-France pour le développement de l’hydrogène, et ce depuis déjà quelques années. Elle pilote notamment le projet H2Ships sur la mobilité fluviale et a construit et exploite, sur le site d’EDF Lab, l’une des deux plus grande plateforme de production d’hydrogène de France. Nous souhaitons désormais mettre en œuvre des projets emblématiques démontrant notre savoir-faire et la pertinence de l’hydrogène pour décarboner de larges éco- systèmes territoriaux.

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