Zéro artificialisation : densifier, oui, mais comment ?

Après un premier atelier de cadrage, I’Institut Paris Region a poursuivi, jeudi 27 février 2020, son cycle de débats sur le ZAN, comme zéro artificialisation nette. Avec, cette fois, à l’ordre du jour les méthodes et solutions pour refaire la ville sur elle-même sans perdre de nature. Un défi stimulant.

Couplé au ZEN, comme zéro émission nette (de gaz à effet de serre), le ZAN, comme zéro artificialisation nette (de sols naturels), issu de la loi biodiversité, va rebattre les cartes de l’aménagement en profondeur au cours des années à venir. « Je n’aimerais pas être urbaniste, architecte ou constructeur », a résumé Frédéric Denhez, journaliste spécialiste de l’environnement et animateur de ce deuxième atelier consacré à la question et organisé par l’Institut Paris Region, jeudi 27 février 2020.

Fouad Awada

Fouad Awada. © Jgp

Fouad Awada, directeur de l’institut, a ouvert la matinée par une synthèse de l’atelier précédent : « le ZAN, c’est la limitation de la consommation d’espace par l’urbanisation, car celle-ci est néfaste, pour la biodiversité et compte tenu du défi climatique. On parle aussi de limitation de la perturbation des sols », a-t-il résumé. Ce qui ne va pas sans poser une série de questions. Ainsi, par exemple, les zones urbaines abritent des parcelles ensauvagées, naturelles, tandis que les zones naturelles contiennent des terres dégradées. De même, le nombre d’hectares de terres artificialisées comptabilisées varie fortement d’un indicateur à l’autre, « ce qui posera des difficultés le jour où l’on voudra inscrire ces réalités dans un décret », a souligné le DG de l’Institut.

590 ha d’artificialisation nette en Ile-de-France

Autre conclusion résultant du premier atelier, en forme de paradoxe, l’artificialisation est décorrélée de la densité, son taux étant, par exemple, élevé dans le massif central, « ceci s’expliquant sans doute par la difficulté à gérer la vacance des terres en milieu rural », a indiqué Fouad Awada.

« Nous n’avons pas à rougir en Ile-de-France, même si nous devons naturellement aller plus loin », a-t-il poursuivi. La région artificialise 590 ha net par an (840 ha urbanisés et 250 renaturés), soit 4 ou 5 % du flux d’urbanisation du pays, alors que la région Capitale abrite 18 % de la population française.

Le ZAN en un croquis. © DR

« Pour atteindre le ZAN, la densification est une voie, mais elle se heurte à une résistance sociale. L’accélération du renouvellement urbain constitue une des pistes privilégiées retenues lors du premier atelier », a indiqué Fouad Awada. Seuls les plans locaux d’urbanisme (PLU) permettent d’agir réellement sur cette question, a-t-il été rappelé, comparativement aux autres documents de programmation. Le renforcement des outils existants pour monitorer la consommation des espaces naturels figurent également parmi les recommandations énumérées lors du premier atelier, de même que la mise en place d’indicateurs de mesure de la qualité des sols. « Ces questions prennent à l’évidence un tour singulier en Ile-de-France, se posant notamment en termes de conflits d’usage dans un territoire fini », a souligné le directeur de l’agence d’urbanisme.

« Densifier, on sait faire »

« La densification est associée à la promiscuité, aux bouchons, a repris Frédéric Denhez, pour introduire les débats. Comment densifier alors que le foncier est toujours plus cher, que chacun souhaite pouvoir être livré rapidement, sans voir s’élever la hauteur des constructions et en préservant l’esprit village auquel la campagne électorale en cours montre à quel point tout le monde semble être attaché ? », a-t-il interrogé.

« Densifier, on sait le faire », a répondu Karim Ben Meriem, architecte urbaniste au sein de l’Institut Paris Region. Cela passe par la superposition, de surfaces logistiques ou de parkings notamment, le regroupement d’activités en cluster, la diversification des fonctions, avec l’introduction d’habitat dans les franges d’activité. La captation des vacances, la reconversion des bureaux en logements, la surélévation, la construction dans les interstices, notamment pavillonnaires, ont également été avancés comme les voies d’une moindre artificialisation. Avec le risque que la densification provoque une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, également proscrite…

La connexion des espaces verts entre eux, avec le concept d’infrastructures vertes, a également été citée au nombre des solutions à mettre en œuvre.© Jgp

« Tout cela ne se fait pas seul », a poursuivi Karim Ben Meriem, citant à son tour les PLU, mais aussi la taxation de la sous-densité, le renchérissement des fonciers agricoles – sans dire comment –, la recomposition parcellaire ou le maillage et le dimensionnement des voiries.

Les travaux de Richez & associés, menés dans le cadre des autoroutes du futur, consultation orchestrée par le Forum métropolitain du Grand Paris, ont été cités en exemple pour l’ampleur des emprises que la transformation d’autoroutes en boulevards urbains permettrait de libérer. Ainsi, un seul échangeur entre l’A4 et la francilienne occupe 28 ha au sein d’un massif boisé. Plus globalement, quelque 6 600 ha, soit l’équivalent de 10 ans d’artificialisation des sols sont représentés par les délaissés d’autoroute et autres franges des infrastructures routières franciliennes.

Karim Ben Meriem a insisté sur la nécessité d’une conduite participative de ces initiatives, associant la population et les entreprises. Plus tard, Lise Mesliand, directrice déléguée projets urbain de Linkcity, soulignera le besoin de pédagogie sur ces questions, notamment en direction de certains élus.

Connecter les espaces verts entre eux

Le ZAN oblige à remettre en question à la fois l’offre touristique, les modes de consommation, de travail, de production, a également résumé Karim Ben Meriem. Reste à savoir si cela pénalisera l’attractivité de l’Ile-de-France ou provoquera, à l’inverse, une attractivité renouvelée. Il a été beaucoup question des zones pavillonnaires, corridors écologiques, réservoirs de biodiversité pour les uns et facteurs d’étalement urbain pour les autres.

Il a été beaucoup question des zones pavillonnaires lors de cette matinée. © Jgp

La connexion des espaces verts entre eux, avec le concept d’infrastructures vertes, a également été citée au nombre des solutions à mettre en œuvre. A l’instar du Parc des Hauteurs, cher au président d’Est ensemble Gérard Cosme, à cheval entre Paris, Est-Ensemble et Grand Paris Grand Est. La petite ceinture parisienne, l’ancien chemin de halage à Épinay, le canal de l’Ourcq ou le réseau viaire dans son ensemble, de même que les berges des fleuves et des rivières, partiellement végétalisées, ont également été évoqués.

Djamel Hamadou, directeur de l’aménagement et de l’urbanisme de Grand Paris Grand Est s’est félicité de l’engagement de Claude Capillon, président du territoire, sur ces questions. Il se traduit par la construction d’équipements publics bas carbone « à un niveau rarement atteint ». Selon lui, l’émergence des offices fonciers solidaires (OFS) et des baux réels solidaires (BRS), qui dissocient la propriété du foncier de celle du bâti offre l’opportunité de consacrer les sols comme un bien public, cette gestion publique optimisant leur gestion et leur protection. Grand Paris Grand Est étudie cette question actuellement. La surenchère des promoteurs pour acquérir des pavillons, aboutissant à des montants que les acteurs publics ne peuvent consentir a également été mise en cause.

Logistique : désoptimisation

Jonathan Sebbane, directeur général de Sogaris, a rappelé comment le e-commerce avait transformé les modes de consommation et, partant, l’organisation de la logistique. Avec deux grandes tendances, l’une marquée par la construction d’entrepôts logistiques toujours plus grands et éloignés des grands centres urbains (170 000 m2 à Tourny-en-Brie 140 000 m2 à Brétigny-sur-Orge) et l’autre marquée par la création de centres de logistique urbaine à l’intérieur des villes.

Jonathan Sebbane, directeur général de Sogaris. © DR

« Tout cela se caractérise par un manque de mise en réseau, une désoptimisation, un dysfonctionnement, avec des entrepôts qui pourraient être mieux utilisés et des flux largement surnuméraires », a-t-il résumé. Jonathan Sebbane a évoqué les 1 000 m2 d’entrepôts qu’ouvrira prochainement Sogaris à Pantin, sous le périphérique, ou son hôtel logistique aux Ardoines en exemple de l’engagement de la SEM pour une logistique responsable. Il a également indiqué, en substance, qu’un prix du transport routier intégrant ses externalités environnementales négatives contribuerait à la compétitivité de modes décarbonés.

Lise Mesliand a de son côté décrit les programmes en cours à Noisiel, sur le site de l’ancienne chocolaterie Meunier, ou à Sevran (Terre d’eau), tous deux illustratifs de la volonté du promoteur de montrer l’exemple. « Nous faisons depuis longtemps de la non-artificialisation nette sans le savoir, pour peu que nous concevions nos programmes avec bon sens, les compétences requises et le soin d’offrir à leurs futurs habitants, une qualité de vie durable », a-t-elle indiqué.

Lise Mesliand directrice déléguée Projets urbains de Linkcity. © DR

Enfin Béatrice Mariolle, architecte-urbaniste, directrice de Bres + Mariolle, a déploré « que l’on continue de faire comme toujours, en détruisant puis en reconstruisant, sans penser au non-bâti ». « Faut-il encore construire en Ile-de-France, s’est-elle interrogée, compte tenu du nombre impressionnant de bâtiments vides ? ». Le lancement récent, par la Région, d’un inventaire des friches franciliennes, confié à l’Institut Paris Region, a également été rappelé.

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