F-X. Bellamy : « Le plan de relance européen ne donne pas de moyens pour les collectivités locales »

L’euro député François-Xavier Bellamy (PPE) se montre très critique vis-à-vis de « Next Generation UE », l’instrument de l’Union européenne pour lutter contre la crise économique née du Coronavirus. Pour l’ancien maire-adjoint de Versailles, les pays membres ont contracté inutilement un emprunt commun de 750 milliards d’euros qui ira directement dans les caisses des États tandis que le budget 2021-2027, qui bénéficie plus directement aux territoires, va être raboté.

– Vous vous montrez très sévère envers « Next Generation UE », le plan de relance de l’Union européenne (UE). Pourquoi ?

François-Xavier Bellamy

François-Xavier Bellamy. © JGP

Le fonds de ma critique est que ce plan s’appuie sur un emprunt inédit, puisque l’UE va pour la première fois sur les marchés réaliser une telle opération. Or, personne ne sait encore comment ce prêt, qui représente 750 milliards d’euros, sera remboursé. L’UE n’a absolument pas les moyens de faire face à la charge de cette dette avec son budget. Quant au renforcement des ressources propres, dont tout le monde parle, le problème est qu’il n’existe actuellement pas. Sur ce sujet, les blocages et les tensions au Conseil européen sont très forts. C’est pourquoi, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont mis d’accord pour valider cet emprunt, mais se sont soigneusement abstenus de rentrer dans la question de son remboursement et des ressources propres. Je vois ensuite un deuxième problème dans ce plan de relance, qui intéresse au premier chef les collectivités locales : pour réaliser cet emprunt, idée plutôt française et assez éloignée de la volonté de certains pays dits « frugaux », il a fallu faire des sacrifices, des concessions très substantielles. Nous avons dégagé de manière ponctuelle de l’argent pour un plan de relance, qui va subventionner les gouvernements et aller directement dans les caisses de l’Etat central. Mais de manière structurelle, nous avons rogné de façon très forte le budget de l’UE 2021-2027, qui finance pour partie les collectivités territoriales. Les coupes budgétaires sont assez lourdes.

– A quels secteurs pensez-vous ?

Prenons l’exemple concret de la Politique agricole commune (PAC), qui est le premier poste budgétaire européen. En euros constants 2018, cet accord représente 40 milliards d’euros en moins par rapport au budget 2014-2020. Autre sujet : la politique de l’emploi, qui intéresse fortement les collectivités locales et que je connais bien en tant que maire adjoint pendant 12 ans de la ville de Versailles, subit de même une baisse substantielle. L’Europe permet par exemple de financer la garantie jeunesse. Le programme « Horizon Europe » sur la recherche et l’innovation a vu lui aussi son enveloppe diminuer. J’ai écrit un texte avec Maria Gabriel, la commissaire européenne en charge de ce sujet, pour dire que dans le moment que nous vivons, nous avons précisément besoin que la recherche européenne soit forte. Idem pour la partie Santé du budget, alors que nous connaissons une crise sanitaire inédite. Ce sont de telles aberrations qui ont permis de décrocher ce « totem » de la dette commune. C’est une vraie inquiétude pour tous ceux qui croient à la valeur ajoutée de l’action de l’UE dans certains domaines. Et c’est d’autant plus absurde qu’aucun Etat européen n’a de problème pour accéder au crédit à des taux très bas !

Aucun Etat européen n’a de problème pour accéder au crédit à des taux très bas !

– Qu’en est-il du Fonds européen de développement régional (Feder) et du Fonds de cohésion, qui bénéficient directement aux collectivités locales ?

Le problème est que ces deux fonds ne figurent pas dans le Plan de relance, mais dans le budget pluriannuel, qui est raboté. Si les collectivités territoriales souhaitent pouvoir en tirer quelque chose, c’est vers l’Etat qu’elles doivent se tourner. Mais ce plan de relance ne donne pas de moyens pour soutenir les collectivités.

– La volonté de la Commission européenne n’est-elle pourtant pas de faire en sorte que ces nouveaux fonds issus du Plan de relance répondent aux objectifs européens ?

Cela relève du vœu pieux. Les objectifs européens peuvent décrire énormément d’actions différentes – en matière d’environnement, d’économie, d’emploi… Les gouvernements pourront investir cet argent dans des actions qu’ils décideront et qu’ils trouveront à relier à des objectifs européens. En réalité, nous ne savons pas ce qui va être décidé. Emmanuel Macron, dans son intervention télévisée sur ce sujet, indiquait qu’il était simplement pratique pour la France de pouvoir engager des fonds qui ne sont pas inscrits dans la dette nationale.

– Quelle est la position du Parlement européen sur cette question ?

Il a jugé assez sévèrement cet accord, en particulier au motif de cette baisse du budget. Une résolution a été votée lors de la dernière session plénière du Parlement, le 23 juillet, qui indique que le Parlement est prêt à ne pas approuver le budget pluriannuel. Le plan de relance, lui, n’est pas voté par le Parlement et échappe totalement à son contrôle, car il ne fait pas partie du budget.

– Que peut tout de même faire le Parlement, selon vous, pour l’améliorer ? 

Dans le cadre du dialogue normal avec le Conseil, les parlementaires vont pouvoir travailler sur la manière dont certains éléments d’analyse et de contrôle peuvent être mis en œuvre pour garantir autant que possible une bonne utilisation de ces fonds. Je serai d’ailleurs rapporteur pour la Commission ITRE (Industrie Recherche et Energie) sur le Plan de relance et je dois rendre un rapport à la fin du mois d’aout. Il me semble en tout cas fondamental que cet argent soit investi dans des logiques d’investissement industriel et économique afin que la génération future puisse compter sur le produit de l’investissement affecté aujourd’hui.

– Que pensez-vous de la « Coronavirus Response Investment Initiative » (CRII) de mars, suivie d’une deuxième version en avril (CRII+), qui ont permis la réaffectation rapide des fonds communautaires encore non utilisés dans le cadre du budget 2014-2020, avec une procédure plus souple et qui permet leur transfert d’un fonds à l’autre ?

C’est un des signes que l’Europe, face à cette crise, a su s’adapter et réagir avec souplesse. Je pense aussi qu’il était indispensable de pouvoir garantir la fongibilité des financements entre les différentes enveloppes, de sorte que l’on puisse assouplir le fléchage, sources de nombreuses contraintes.

On parle du circuit court sur le plan environnemental, on peut aussi en parler dans le domaine des financements.

– A quoi doit servir l’Europe ?

Je crois à un principe structurant, celui de la subsidiarité. Chaque décision doit se prendre au plus petit échelon pertinent, ce qui ne veut pas dire le plus petit échelon. Certains sujets peuvent être traités efficacement au niveau municipal, départemental… D’autres au niveau de tous les pays européens. Prenons l’exemple du sujet commercial. Quand vous négociez au nom d’un marché de 500 millions de consommateurs, qui est le premier du monde, vous avez beaucoup plus de poids que si vous discutez séparément. Le problème est qu’aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Le marché européen est une cible facile, n’importe qui peut y entrer sans conditions. Concernant les financements européens qui bénéficient aux collectivités locales, cela a du sens pour les pays bénéficiaires nets. Mais pour un pays contributeur net comme la France, je ne suis pas sûr que transférer des milliards d’euros à l’UE et ensuite les faire revenir en France en écrivant des dossiers, en remplissant des formulaires, en allant convaincre des administrations de plus en plus lointaines, soit la solution la plus efficace. On parle du circuit court sur le plan environnemental, on peut aussi en parler dans le domaine des financements.

– En quoi consiste votre action au sein du Parlement  ?

Je suis notamment membre de la commission ITRE (Industrie, Culture, Energie). La réindustrialisation de nos pays est un enjeu crucial pour notre avenir, on l’a bien vu avec cette crise du Coronavirus. Nous sommes devenus totalement dépendants de l’étranger, y compris pour les produits de première nécessité. Je ne pense toutefois pas que les États et l’UE puissent arbitrairement décider de relocaliser des activités économiques.

– Pensez-vous qu’il faille davantage développer la communication entre l’UE et les collectivités locales ?

Cela me semble absolument crucial. La clé, c’est de rapprocher l’Europe, qui semble parfois bien loin du terrain, des réalités concrètes que vivent les territoires. Et de ce point de vue, les élus locaux jouent un rôle fondamental. J’ai eu la chance d’accueillir à Strasbourg une délégation d’élus de la région Ile-de -France, toutes couleurs politiques confondues, et c’est un travail que nous continuerons à mener. Il est crucial de garder ce contact avec la réalité. Il ne s’agit pas seulement de communiquer sur ce que fait l’UE mais aussi de rectifier ses politiques à la suite de nos échanges avec les représentants des territoires.

Repères

  • 2008 :  Adjoint au maire de Versailles, chargé de l’emploi, la jeunesse, l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur
  • 2013 : Crée « Les soirées de la philo »
  • 2019 : Tête de liste LR aux élections européennes et député européen (PPE)
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