Après une carrière mixte de paysagiste puis d’urbaniste au sein de collectivités locales, d’aménageur et de promoteur, Sybil Cosnard a créé son propre cabinet de conseil en stratégies urbaines : City Linked.
Sybil Cosnard reçoit dans ses locaux du fond du passage Saint-Sébastien à Paris. Tout au bout de l’étroite allée, entourée de lofts et d’ateliers aux façades boisées, ses bureaux tranchent par leur blancheur diaphane. Tout y est calme et studieux. L’équipe de Sybil Cosnard y conçoit des stratégies urbaines. City Linked, l’agence conseil qu’elle a fondée il y a neuf ans, œuvre pour les collectivités, les promoteurs, les opérateurs urbains, les aménageurs parfois.
« En 2010, lorsque j’ai décidé de créer mon agence conseil en stratégies urbaines, la suspicion entre les acteurs publics et privés était grande », dit-elle avec un mélange de douceur et de fermeté, et ce regard si clair. « Il m’a semblé qu’il pouvait exister une valeur ajoutée à faire profiter aux uns et aux autres de mon expérience. »
Après un diplôme de paysagiste obtenu à l’école de Versailles, elle débute sa carrière « en verdissant les projets des architectes ». Diplômée de l’IUP de Créteil, elle poursuit sa carrière à son compte, comme urbaniste, avant d’intégrer l’EPA de Cergy-Pontoise. L’heure est à l’avènement des villes nouvelles. Une histoire qu’elle poursuivra à Evry, cette fois comme directrice de l’urbanisme de Manuel Valls, alors maire de la commune, qui la repère lors de son passage à l’AFTRP – qui deviendra Grand Paris aménagement.
Sachante et disruptive
« Sybil est une professionnelle de la ville dont nous ne pourrions pas nous passer : experte, elle connaît et nous apprend beaucoup ; femme, elle regarde la ville, et son espace public, avec des convictions dont nous nous inspirons ; militante, elle nous aide à penser la ville autrement, dit d’elle aujourd’hui Thierry Lajoie. Sybil est à la fois sachante et disruptive : c’est rare », ajoute le directeur général de Grand Paris aménagement.
Après Evry, où elle a conçu le projet d’urbanisation du centre-ville – assumant avoir participé au choix de la densité verticale qui n’a pas tenu toutes ses promesses –, Sybil Cosnard intègre la filiale immobilière d’ING. « Je connais donc bien le milieu de l’immobilier, ses qualités et des défauts », résume-t-elle, avec cette façon si féminine de dire les choses telles qu’elles sont, sans souci de se mettre en avant.
Une clairvoyance tranquille qu’elle applique sur les appels à projets urbains innovants, les « Inventons », « Réinventer » et autres « Dessine-moi », dont elle vient de dresser l’inventaire, dans un ouvrage indispensable qu’elle vient d’éditer et de coécrire avec Catherine Sabbah, journaliste aux Echos. Loin du fétichisme de l’innovation, dans une analyse équilibrée des bienfaits désormais très identifiés de ces concours, sur la composition des groupements qui les conçoivent notamment, Sybil Cosnard confie son inquiétude sur l’avenir de certains espaces partagés. « Comment les espaces publics de certains de ces projets, qui ont la taille d’un quartier, vont-ils évoluer ? Avec quel modèle économique, si un de leurs opérateurs privés se retire ?», interroge-t-elle.
Ses prochains travaux de recherche porteront sur l’innovation chez les acteurs de l’aménagement. Elle a déjà le titre : « Ça déménage dans l’aménagement ». Reste à trouver les financements. « Nous avons produit ensemble, Housing platform, un petit ouvrage qui comparait de façon hyper-détaillée des opérations de logements, comparaisons qui ouvraient des possibilités de faire mieux et moins cher, se souvient Dominique Alba, directrice générale de l’Apur. Dix ans plus tard, avec sa douceur si déterminée et sa rigueur inflexible, Sybil trace un beau chemin pour les villes et pour les femmes. »