Méka Brunel – Une femme libre

Aujourd’hui à la tête de Gecina et du conseil de développement de la métropole du Grand Paris, Méka Brunel a tout de la femme d’affaires qui a bien réussi. Mais derrière les apparences et le CV se cache une histoire bien plus riche.

« Je me suis souvent retrouvée, comme Alice au pays des merveilles, à la croisée des chemins. » C’est par ces mots que Méka Brunel conte son histoire, ou plutôt son « parcours de vie ». Un conte fait de multiples soubresauts, de déchirements et de bonheurs. De surprises aussi, mais « jamais de regrets ». A travers les fenêtres de la salle dans laquelle elle s’apprête à tirer les fils de son histoire, comme la finesse de l’artisanat persan l’exige, pointent les bronzes de l’Opéra Garnier. La Poésie, cette statue couronnant l’édifice parisien, se pose en repère. Et ne se laisse pas oublier.

Méka Brunel

Méka Brunel. © DR

Méka Brunel naît à Téhéran il y a 61 ans. Au sein de la haute société. Elle y vit de jeunes années confortables à l’aune d’un père ingénieur des ponts et chaussées. Brillante en mathématiques, elle se distingue sans grande difficulté au lycée français de la capitale. Et s’abreuve de littérature. Elle découvre notamment Victor Hugo, qui ne l’a pas quittée depuis. Mais Méka – Mahkameh à l’origine – rêve plutôt de ponts et de barrages. « J’avais envie de construire », résume-t-elle. Elle voit dans son pays natal souffrant d’un certain manque d’infrastructures, un formidable terrain de jeux.
Pourtant, à 16 ans, la jeune fille quitte son Iran natal. Sans savoir, alors, qu’elle ne prendra jamais le chemin du retour.

Pas encore, du moins. Car c’est avec émotion que Méka Brunel évoque son besoin « d’y aller pour recoudre ». Et sa première tentative, récente, avortée au seuil d’une ambassade d’Iran qu’elle n’a pas réussi à franchir. « J’ai toujours pensé que je n’avais pas le droit de me plaindre car je n’ai pas vécu les choses directement », évoque celle qui a, depuis, fait toute sa vie en France. Elle se souvient ainsi avec amusement de ses premiers pas dans ce pays qu’elle ne connaissait qu’à travers les livres. Mais dont, déjà et à la surprise de tous, elle maîtrisait parfaitement la langue. Deux ans après son installation à Besançon aux côtés de sa famille, Méka Brunel poursuit son épopée. En solitaire, « mon arrivée à Paris a été un véritable choc », se remémore-t-elle.

Libre arbitre

Habituée à un confort matériel, elle découvre le quotidien sans personnel de maison. Mais aussi une ville bien moins moderne que ce qu’elle imaginait. Matériellement du moins. Car avec ses amis de l’ESTP, l’apprentie ingénieure « débat pendant des heures ». Un foisonnement intellectuel dont elle se délecte. Jamais, jusqu’à aujourd’hui, elle n’a « gommé [son] origine iranienne qui fait partie de [sa] structure », explique celle qui se considère toutefois européenne. Elle ne s’est jamais non plus éloignée de sa confession bahaïe, une minorité persécutée en Iran. Une religion qui, selon elle, s’accorde parfaitement avec la notion de libre arbitre qu’elle érige en valeur cardinale.

Méka Brunel a ainsi tracé son propre destin. Pour ajouter une corde à son arc, elle décroche un MBA à HEC. Sa pugnacité fait d’elle un nom connu dans l’immobilier. On l’appelle pour monter Eurosic, son CV s’étoffe. Aujourd’hui à la tête de la plus grosse foncière de bureaux européenne, la Franco-Iranienne n’a rien perdu de son énergie. Elle se met au service des autres à travers le conseil de développement de la métropole, « une nécessité » selon elle. Au service des siens aussi, de ses petits-enfants, pour son plus grand bonheur. Lorsqu’elle aura un peu de temps pour se reposer, elle compte bien apprendre le russe… « pour lire Tolstoï et Dostoïevski dans le texte », lance-t-elle dans un sourire.

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