Lucie Niney – La relève

Lucie Niney réalisera, avec Tadao Ando, le musée de François Pinault à la Bourse de commerce. Elle représente, à elle seule, le renouveau de la profession.

Lucie Niney et son associé Thibault Marca (Agence NeM) ne pratiquent pas le « tout charrette ». « Notre but : ne travailler que quatre jours par semaine », confie la jeune architecte. Mais son agenda a tendance à se charger ces temps-ci. Dernière commande, celle de François Pinault. NeM réalisera, avec l’architecte japonais Tadao Ando, le musée que le milliardaire amateur d’art va bâtir à la Bourse de commerce. « Tadao Ando, on l’étudiait à l’école », résume Lucie Niney, des étoiles dans les yeux. Son débit est rapide, sa voix s’étend sur un registre large, chaloupé, avec des intonations très 16e. Pourtant, elle est née dans le 14e. D’un père professeur d’esthétique du cinéma et d’une mère professeur d’arts plastiques. « J’ai toujours aimé le dessin et l’espace », dit-elle pour expliquer sa vocation. « J’espère être un jour aussi célèbre que lui », indique-t-elle à propos de son acteur de frère, Pierre, dont elle se réjouit du succès.

Lucie Niney.

Lucie Niney. © JGP

Le sien a été facilité par les Albums des jeunes architectes et paysagistes, prix décerné à son cabinet en 2014. Point de départ d’un collectif d’architectes, Ajap 14, bâti avec les autres lauréats de ce prix, est un groupement informel qui se porte bien lui aussi. Après avoir réalisé la scénographie de la tente Grand Paris du dernier Mipim, il planche actuellement sur la Mostra internationale di Architectura, dont Ajap 14 a la charge du commissariat général avec Frédéric Bonnet. Un autre architecte en vogue, croisé à Lille, lors d’un récent concours EDF bas carbone, où Lucie Niney et son équipe devaient imaginer un quartier entier, sobre et innovant, en 2050. Ils livreront un projet mêlant agriculture urbaine, logistique fluviale, réseaux de chaleur et parking en silo.

« Ajap 14 est presque un peu un manifeste », détaille-t-elle. Avec des convictions concrètes, pratiques, totalement dans l’air du temps, mais si sincèrement dites qu’elles tranchent avec la novlangue durable. La quinzaine de membres d’Ajap 14 proclame qu’il faut de nouveau porter le regard sur les 80 % du territoire qui ne sont ni des métropoles ni des villages patrimoniaux. Une diversité de territoires périurbains, de banlieue, ruraux, qui méritent que l’on y porte « un peu d’intelligence collective ». Et de citer ce projet à Tendon, dans les Vosges, où la construction d’un accueil périscolaire en hêtre, première ressource locale, « fédère les savoir-faire locaux, les affine, les prépare à s’étendre au-delà des limites régionales ».

« Eventail fou des pratiques »

Ecouter les territoires, leurs habitants, prendre en compte leur économie, leurs ressources naturelles, est leur credo. Lucie Niney cite aussi le projet de « Réinventer Paris » sur le site Eole Evangile, pour lequel elle n’a pas été retenue, ni indemnisée. « Le projet que nous proposions avec Ajap14 était pourtant réellement innovant, parce qu’il s’agissait du financement coopératif d’un ensemble de logements dont les habitants auraient possédé des parts et non des mètres carrés, permettant de répartir les espaces au gré de leurs besoins. »

Collective, là encore, Lucie Niney a pris part à la Stratégie nationale pour l’architecture (SNA) lancée par Fleur Pellerin, en amont de la loi CAP (Création architecture patrimoine). « On ne se doute pas de l’éventail fou des pratiques d’un métier dont les compétences se sont considérablement élargies », conclut-elle, en remettant l’architecte à sa place, essentielle, mais qui ne peut rien seul. Qu’est-ce qu’un bon projet ? « Un financement correct, répond-elle, un élu engagé, des ingénieurs compétents, des entreprises qui maîtrisent leur savoir-faire : un environnement de projets, pour récréer une histoire, une fierté, du sens. »

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