« Il faut démontrer qu’une série de compétences gagneraient à être pilotées au niveau métropolitain », a estimé Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo, en charge du Grand Paris, invité lundi 14 novembre 2022 du Club des entreprises du Grand Paris.
« Je ne crois pas que le problème du Grand Paris soit celui du millefeuille territorial », a déclaré Emmanuel Grégoire. Le premier adjoint de la maire de Paris, notamment en charge des questions métropolitaines, estime que c’est plutôt « dans la clarification et l’approfondissement des compétences », dans la correction de l’enchevêtrement de ces dernières, notamment entre les collectivités territoriales et l’Etat, que résident les pistes d’amélioration de l’organisation administrative au sein de l’agglomération parisienne.
Devant le Club des entreprises du Grand Paris, reçu lundi 14 novembre 2022 au siège de Quartus par son directeur général Thierry Lajoie, dans le 8e arrondissement de la Capitale, Emmanuel Grégoire a listé les obstacles à une réforme du Grand Paris institutionnel. « Je déconseille au gouvernement de lancer une telle réforme », a-t-il déclaré. Avant de faire le constat de la réalité du fait métropolitain et de l’extrême porosité existant entre les territoires. « Le problème d’une réforme du Grand Paris, c’est que l’on ne sait jamais ce qui sortira du projet initial. Et si l’on pose la question de la modernisation de la gouvernance sous le principe du scalp, alors vos ennuis commencent », a-t-il résumé.
L’élu répondait aux questions de Jacques Godron, président du Club des entreprises du Grand Paris, à l’origine de l’idée d’un contrat de plan métropolitain, à l’image du contrat de plan Etat-Région. Une idée reprise récemment par Mathieu Hanotin, président de l’Alliance des territoires, et qu’Emmanuel Grégoire semble également trouver potentiellement intéressante.
L’échec de la fusion des communes et de la réduction de leur émiettement constitue en matière d’organisation de l’administration locale un des péchés originels qu’il a listés. De même que l’absence de légitimité démocratique des intercommunalités, dont les représentants sont élus au 3e tour, au sein des conseils municipaux, ou lors d’un scrutin fléché, comme c’est le cas pour la métropole du Grand Paris depuis les dernières élections. Il a rappelé que la commune était l’échelon auquel les Français demeuraient le plus attachés.
Aujourd’hui, l’édile ne croit pas une seconde à une fusion de Paris avec ses communes voisines, qui s’exercerait contre la volonté de leurs élus et de leurs populations. Même s’il estime que le modèle de la loi Paris Lyon Marseille (PLM) et de ses arrondissements pourrait constituer une source d’inspiration pour une réforme future, distinguant politiques de proximité et pilotage stratégique global, le modèle parisien ayant pour autre avantage, selon lui, d’unifier les compétences départementales et communales, offrant par exemple des guichets uniques pour les prestations sociales.
Débat public sur le périphérique
A plusieurs reprises, l’élu en charge de l’urbanisme, de l’architecture, du Grand Paris, des relations avec les arrondissements et de la transformation des politiques publiques a indiqué que Paris n’avait d’autres choix que d’agir dans le strict respect de la loi et des frontières de sa commune. Concernant le périphérique, il a rappelé que la Commission nationale du débat public allait se saisir de la question. Il a exprimé sa conviction de l’opportunité de conserver, après les Jeux olympiques, la voie réservée qui sera mise en place pour l’événement sur le boulevard circulaire.
Interrogé sur la faiblesse de la mutualisation fiscale qui caractérise aujourd’hui la région parisienne, où la construction intercommunale a laissé les déséquilibres et les inégalités intacts, il a fait valoir l’importance de la participation de la Capitale aux différents dispositifs de péréquation financière régionale et nationale.
Emmanuel Grégoire a déploré en l’espèce la décision du législateur d’avoir décidé de ne pas attribuer à la Métropole une dotation globale de fonctionnement (DGF) à la hauteur des enjeux, organisant, dès l’origine, son asphyxie financière et une mise en tension des trois niveaux qui composent en petite couronne le bloc communal. Trois niveaux placés d’emblée en concurrence financière et fiscale.
Métropole des projets
Au final, Emmanuel Grégoire a dit sa préférence pour le développement d’une métropole des projets, et sa conviction qu’une réforme institutionnelle risquerait de provoquer une déperdition de temps et d’énergie. Une métropole des projets incarnée par le Grand Paris express, a estimé l’élu, rendant hommage, en l’espèce, à la clairvoyance de Nicolas Sarkozy d’avoir souhaité faire prévaloir la réalisation du réseau sur la construction institutionnelle. Volontiers œcuménique, il a salué à plusieurs reprises la qualité du travail partenarial mené avec des maires tels que Jean-Christophe Fromantin (Neuilly-sur-Seine) ou Hervé Gicquel (Charenton), sur la question du périphérique notamment.
Il s’est prononcé néanmoins pour la tenue d’une conférence des parties, qui réunirait l’ensemble des niveaux et des parties prenantes. « Il faut travailler à démontrer qu’une série de politiques publiques ont un pilotage plus efficace au niveau métropolitain », a-t-il fait valoir, citant notamment les transports de surface, qui gagneraient à être articulés avec les pouvoirs de police du maire et sa compétence en matière de circulation. Le logement figure également, estime-t-il, parmi les compétences qui doivent être exercées davantage à l’échelon métropolitain. Il s’est félicité en l’occurrence de l’adoption par la Métropole de son schéma de cohérence territoriale (Scot), reconnaissant que l’élaboration du plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), en cours, se révélait plus complexe, « pour des raisons politiques ». Les consensus métropolitains disparaissent, on le sait, à la porte de ce schéma, qui doit fixer des objectifs de construction de logements par territoire, ce qui avive les antagonismes.
L’élu a repris à son compte la volonté de la mairie de Paris et de ses alliés écologistes de réduire la place de la voiture dans les rues de la Capitale. De même, il est revenu sur le plan local d’urbanisme bioclimatique en cours de réalisation. « Nous mettrons des bâtons dans les roues de ceux qui veulent continuer à construire des bureaux dans les quartiers où ils sont déjà en surnombre », a-t-il indiqué. L’élu du 12e arrondissement de Paris s’est inquiété, en matière d’immobilier tertiaire, du décrochage entre les quartiers prime et la périphérie parisienne, que la crise accentue.
Commentant l’actualité, le premier adjoint d’Anne Hidalgo s’est élevé contre ceux qui militent pour un changement de scrutin, « en laissant entendre qu’Anne Hidalgo aurait été élue alors qu’elle était minoritaire en nombre de voix ». « Si cela est arrivé en 2001, cela ne s’est jamais reproduit depuis », a fait valoir l’élu. En conclusion, Emmanuel Grégoire s’en est pris au climat actuel de « bashing décomplexé » anti-élus, anti-dirigeants économiques aussi, estimant qu’en réalité, si le pays ne va pas si mal, les prophéties autoréalisatrices des défaitistes constituent un risque réel.