L’association des Acteurs du Grand Paris effectuait une visite de terrain jeudi 12 septembre à Paris La Défense. L’occasion de découvrir comment le premier quartier d’affaires d’Europe continentale, fortement challengé par les évolutions sociétales et climatiques, cherche à se réinventer.
180 000 salariés, 3,8 millions de m2 de bureaux, 59 000 m2 de coworking, un tiers des entreprises du CAC 40… Ce n’est pas parce que des grands noms ont annoncé leur départ (Mazars et EY), que l’immobilier tertiaire est fortement réinterrogé par la poussée du télétravail et qu’il a été conçu à une époque où l’on se souciait peu des émissions de gaz à effet de serre que le quartier d’affaires de Paris La Défense a dit son dernier mot. Loin s’en faut. Les participants à la visite de terrain organisée jeudi 12 septembre par l’association des Acteurs du Grand Paris, présidée par Thomas Hantz, ont rencontré des gestionnaires en ordre de marche pour réinventer leur modèle. Remaniée il y a quelques années, la gouvernance de l’établissement public Paris La Défense, désormais aux mains des collectivités territoriales, permet en premier lieu une réactivité plus grande et une meilleure prise en compte des réalités du terrain que quand l’État y prédominait. « Si la gouvernance nous revient, c’est aussi nous qui payons davantage », n’a pas manqué de souligner Georges Siffredi, le président des Hauts-de-Seine et de Paris La Défense, lors du déjeuner qui a clôturé la visite.
Par ailleurs, le montant des loyers, de moitié inférieur à celui qui prévaut dans le triangle d’or parisien, constitue un autre avantage concurrentiel. Et l’ouverture d’Eole à l’ouest contribue à améliorer encore la desserte du quartier, en attendant celle de la ligne 15 ouest. 5 milliards d’euros ont été investis dans la réalisation des trois gares locales d’Eole (gares de Neuilly-Porte Maillot, La Défense Grande arche et Nanterre la Folie) et des trois kilomètres de tunnel supplémentaires réalisés.
Un modèle financier en voie d’épuisement
Le quartier doit néanmoins se réinventer pour faire face à l’équation qui veut que son modèle historique de financement, basé sur la cession de droits à construire, est en voie d’épuisement. « Or les charges foncières que nous cédons financent non seulement nos missions d’aménageur mais aussi les services que nous assumons à la place des communes, l’entretien, la sécurité, l’embellissement ou l’animation du quartier », a rappelé Pierre-Yves Guice, directeur général de l’établissement public Paris La Défense.
Les dernières tours livrées – Trinity, Alto ou Hopen, anciennement Adria – ont été conçues avant l’essor du télétravail, contribuant à expliquer un taux de vacances de 14 %, soit un niveau record, qui n’a pas vocation à baisser rapidement. Les gestionnaires de La Défense entendent donc agir. Certains opérateurs semblant ne pas réaliser que leurs actifs ont définitivement perdu leur attractivité, l’établissement public réfléchit aux moyens d’acquérir certains biens pour être en capacité de participer à la redéfinition de leur vocation. Si la transformation de bureaux en logement n’est envisagée ici que marginalement, la mutation en résidence hôtelière ou étudiante a du sens. Georges Siffredi a regretté à ce sujet l’hétérogénéité des réglementations s’appliquant aux différents types d’usages, interdisant de fait certaines évolutions.
Un vaste programme de végétalisation est lancé, dessiné par le paysagiste Michel Desvigne, qui aboutira à inverser les proportions de la dalle, aujourd’hui minérale à 70 % et végétale à 30 %. « Notre objectif est de réduire de 50 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 », a souligné Pierre-Yves Guice. Paris La Défense, qui accueille l’équivalent de quelque 15 000 habitants sur sa dalle, émet aujourd’hui autant qu’une grande métropole régionale.
Plusieurs programmes innovants ont été présentés : le projet d’immeuble réversible porté par Quartus sur le site Liberté, ou encore Demi-Lune, la première tour de 100 m de hauteur respectant la RE2020 dans ses exigences 2025 et 2028, portée par Linkcity et Crédit agricole à Puteaux.
Des restaurateurs en souffrance
Pierre-Yves Guice a évoqué également les difficultés rencontrées par les commerçants de la dalle, les restaurateurs notamment, qui ont vu le nombre de leurs couverts fondre à proportion de l’essor du télétravail. « Alors qu’ils se finançaient en ouvrant cinq jours à midi seulement, la perte d’un, voire deux services, les pénalise fortement. Certains ouvrent désormais le soir, mais le nombre d’établissements est sans doute trop élevé par rapport à la demande », a-t-il indiqué.
Les participants à cette visite ont découvert le nouveau visage de la tour Aurore (CB17), entièrement rénovée après l’annulation du projet Air, qui devait la remplacer. Ils ont également parcouru le dédales des sous-sols du quartier d’affaires, notamment à la rencontre du Monstre de la Défense de Raymond Moretti, vaste œuvre autrefois visitable par le public.
Lors du déjeuner qui a clos la visite, Georges Siffredi s’est inquiété de la décrue des recettes fiscales des conseil généraux, qu’il s’agisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui ont baissé de plus de 50 % au cours des deux dernières années, ou des recettes de TVA transférées par l’État, qui ne croîtront en 2024 que de 1 %, alors que le budget primitif de la collectivité tablait sur une hausse de 3 %. Emmanuel Grégoire, député de la 7e circonscription de la Capitale, administrateur du quartier d’affaires en tant qu’élu parisien, présent au déjeuner, a dit à l’exécutif de La Défense qu’il pouvait compter sur son soutien à l’Assemblée nationale, ne voyant entre Paris et son quartier d’affaires nulle concurrence mais une opportune complémentarité.