Isabelle Baraud-Serfaty – Brainstormeuse

Consultante en économie urbaine, Isabelle Baraud-Serfaty, fondatrice d’Ibicity, prend le pouls des « signaux faibles » de la ville de demain et invite à repenser sans cesse le duo public-privé dans la cité.

Isabelle Baraud-Serfaty, capéophiliste ? Elle aurait pu l’être tant elle collectionne les casquettes. A commencer par son cursus estudiantin où elle marie un diplôme à l’ESCP Paris à un cycle d’urbanisme, dans sa première carrière professionnelle où elle œuvre pour la Caisse des dépôts, avant de rejoindre la filiale immobilière du Hollandais ING. Ou aujourd’hui encore, à la fois consultante en économie urbaine au sein de Ibicity, qu’elle a fondée, et maître de conférences à Sciences Po sur les acteurs privés de la ville.

Isabelle Baraud-Serfaty

Isabelle Baraud-Serfaty. © JGP

Dans ses jeunes années, loin d’elle l’idée de se retrouver un jour à causer et écrire sur l’économie des villes. A l’occasion d’un stage au Japon, ce sont les édifices et les infrastructures tokyoïtes qui dessinent une première ébauche de sa fascination et ses questionnements sur le fonctionnement des villes. Des lectures assidues d’Augustin Berque ou de Philippe Pons finiront d’ouvrir « cette voie vers l’approche économique » dont la native de Bourges est devenue l’experte. « Je n’avais pas vraiment d’affinité particulière pour les questions urbaines, mais je m’interrogeais beaucoup sur ce qu’était une ville, des questions que je me posais pas forcément avant », raconte-t-elle depuis le fauteuil de son salon à la lumière dorée.

Empathie

De son basculement de la Caisse des dépôts à ING, du public au privé, Isabelle Baraud-Serfaty dresse le tableau d’ « une succession d’opportunités et d’envies » à l’époque, « une richesse aujourd’hui » qu’elle tente d’« encourager ». « Favoriser des parcours dans différentes structures publiques, privées, mais aussi dans différents métiers », plaide la femme aux multiples casquettes, convaincue que cette formule lui a offert « une approche plus empathique des autres acteurs ». « C’est parce que j’ai une sœur jumelle que je suis habituée à prendre le point de vue de l’autre », confie-t-elle d’une voix onctueuse, comme pour pallier la discrétion de ses réponses.

Pour parler de public-privé – son cheval de bataille – la consultante ne veut ni marcher sur des œufs, ni tomber dans la critique facile. Entre l’acteur public local « porteur d’intérêt général » et les acteurs privés « porteurs d’un savoir-faire, d’une capacité d’initiative et de faire », Isabelle Baraud-Serfaty préfèrerait organiser une grande tablée autour de tous ces acteurs, affectionnant « l’idée d’obliger à faire dialoguer un ensemble de disciplines en les ramenant sur un même sujet, la ville et le projet urbain permettent cela ».

A défaut, elle transmettra à ceux qui seront les aménageurs ou les promoteurs de demain le refus « des généralités, qu’il n’y a pas un acteur privé mais des acteurs privés, et qu’ils ont chacun une logique différente ». Et de partager sa formule qui suspend les amphithéâtres et leurs locataires, à travers « la parabole des deux sœurs » : elles se disputent une orange, elles vont la couper en deux, alors qu’elles auraient pu en discuter et se rendre compte que l’une voulait garder la peau pour utiliser le zeste et que l’autre voulait en faire un jus, elles auraient pu avoir, chacune, la totalité de l’orange. Elle se montre pourtant moins consensuelle sur la notion de « smart city », trop « partielle » pour celle qui honnit les approches manichéennes. . « Je ne pense pas qu’il y ait une ville intelligente mais juste une ville saisie par la révolution numérique, qui est déjà là » : loin de remettre le sujet à demain, Isabelle Baraud-Serfaty a déjà la tête à la ville de « tout de suite » et des « signaux faibles » qui révolutionnent sa fabrique.

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