« Les carnets de Dubaï, les énergies renouvelables 2.0 dans les territoires de demain », fruit du travail du think tank « Connecter les esprits », décrit les raisons qui devraient conduire la production d’énergie renouvelable à progressivement se substituer aux énergies fossiles au cours des décennies à venir, soulignant notamment une baisse drastique de leur coût. Avec un optimisme bienvenu.
Les messages et études qui invitent à l’optimisme ne sont pas si nombreux. C’est le cas des Carnets de Dubaï sur les énergies renouvelables 2.0 dans les territoires de demain, fruit des réflexions du think tank « Connecter les esprits ». Un groupe de travail créé dans le cadre de l’Exposition universelle 2020 de Dubaï, reportée d’un an pour cause de Covid, qui se tient du 1er octobre 2021 au 31 mars 2022. Parmi ses auteurs, des experts d’une trentaine d’acteurs français – souvent grand-parisiens – du secteur de l’énergie (voir ci-dessous).

Le think tank annonce que les énergies renouvelables, après une longue phase de développement, financièrement soutenu, la phase d’un « déploiement explosif, exponentiel, commence ». © DR
« Les énergies renouvelables offrent à tous l’occasion de penser le XXIème siècle avec confiance, écrit en préambule Olivier Paquier, Head of business development & ESG d’Amundi real assets et animateur de ce groupe de travail (*) : leur essor, qui n’en est aujourd’hui qu’à ses prémices, va changer le monde d’une façon encore à peine entrevue. Grâce à leurs progrès constants et à leur diffusion rapide, que nombre d’entreprises françaises développent déjà avec succès, il deviendra possible bientôt de tout changer, poursuit-il : changer les territoires, changer les villes, changer les déplacements, changer les vies elles-mêmes sans pour autant renoncer à vivre pleinement, à voyager, à investir, à travailler, à consommer et à se divertir ».
Le photovoltaïque neuf fois moins cher qu’il y a 10 ans
Mais n’est-il pas déjà trop tard pour contenir le réchauffement de la planète, dont l’origine humaine ne fait plus de doute, alors que « le budget carbone sera bientôt épuisé pour maintenir le réchauffement mondial au-dessous de 2°C, et plus vite encore pour rester près de 1,5°C », interrogent tout d’abord les auteurs. « Les émissions mondiales de CO2, qui avaient paru stabilisées pendant deux ou trois ans, sont reparties à la hausse en 2018 et 2019 », ajoutent-ils. Et l’effet bénéfique du confinement dû au Covid ne devrait pas être durable, tandis que les changements plus pérennes (télétravail, moindre recours à l’avion) demeureront insuffisants. Pour les auteurs de ces cahiers, la réponse passe par les énergies renouvelables : biomasse, éolienne, hydroélectrique, solaire, géothermie, énergie marine, potentiel énergétique lié à la valorisation des déchets.
Et de mentionner leurs coûts, « réduits de façon stupéfiante ». Ainsi, celui du solaire photovoltaïque est aujourd’hui neuf fois moins élevé qu’il y a dix ans, indique le rapport, citant la banque Lazard. Et si l’énergie solaire ne représente aujourd’hui que 2 % de l’énergie mondiale (7 % pour l’éolien), le think tank annonce qu’après une longue phase de développement, financièrement soutenue, une phase de « déploiement explosif, exponentiel, commence » pour ces énergies vertes. Puis viendra la troisième phase, de substitution de l’utilisation des combustibles fossiles par les énergies renouvelables. « Aujourd’hui, l’éolien et le solaire fournissent près de la moitié de l’électricité au Danemark et l’Irlande et la péninsule Ibérique ne sont pas très loin derrière », rappelle-t-on.
La solution par l’électrification
« Au-delà de l’augmentation “spontanée” du rôle de l’électricité dans les économies modernes, disposer de grandes quantités d’électricité renouvelable peu coûteuse invite à pousser davantage encore l’électricité, avec les pompes à chaleur et les transports publics ou individuels de personnes et de marchandises », poursuit le think tank. Avant de rappeler que quand l’électrification semble impossible, le recours à l’hydrogène, produit en électrisant de l’eau, constitue une solution propre.
« Si l’intégration d’énergies “variables” comme le solaire et le vent posera des difficultés pour entièrement “décarboner” les systèmes électriques répondant à 20 % de la demande finale, ne sera-t-il pas encore plus difficile de les employer pour décarboner les 80 % restant de la demande finale d’énergie, aujourd’hui obtenue principalement à partir de combustion fossile (transport, chauffage, industries lourdes…) ? Eh bien non, c’est même plutôt l’inverse. En effet, la production d’hydrogène est éminemment flexible », font-ils encore valoir.
Décarboner, décentraliser, digitaliser et diminuer
« Au total, en ajoutant aux consommations d’électricité d’aujourd’hui de nouvelles consommations flexibles comme celles-ci, on facilitera l’intégration des énergies variables comme l’éolien et le solaire », soulignent également les auteurs de ce rapport. Ils rappellent par ailleurs qu’à une logique de production d’énergie centralisée et descendante peut se substituer une production décentralisée, conformément aux 4D : décarboner, décentraliser, digitaliser et diminuer (la consommation). Le tout s’intégrant à des solutions de couplage, fonctionnement synchronisé de plusieurs modes de production ou de consommation d’électricité. Le renouvelable va en outre bénéficier de capacités de stockage toujours plus grandes, est-il souligné. Enfin, ce rapport rappelle que le développement des énergies renouvelables représente des gisements d’emplois locaux.
« Grâce à la régularité et la constance des vents marins, les éoliennes en mer ont un niveau de production élevé, font remarquer les auteurs de ces cahiers de Dubaï. Une fraction croissante des installations nouvelles s’éloigne des côtes : 80 % de la ressource éolienne se situe en effet dans des zones maritimes dont la profondeur est supérieure à 60 mètres. Dans ces zones, le recours à de nouvelles technologies d’éoliennes flottantes, c’est-à-dire installées sur une fondation flottante simplement reliée au fond marin au moyen de lignes d’ancrage, semble à privilégier. Le Golfe du Lion constitue, en Europe, le deuxième gisement en vent. Comme l’indique le rapport spécial de l’Agence internationale de l’énergie de novembre 2019, “Wind outlook 2019”, le potentiel de l’énergie éolienne offshore est énorme, notamment en Europe où il représente à lui seul 12 fois la demande totale d’électricité de 2018. »
L’enjeu de l’hydrogène
« L’hydrogène comme vecteur énergétique représente un fort enjeu technologique, économique et environnemental dans la transition énergétique mondiale, indique le rapport. Au cours de ces dernières années, les progrès technologiques se sont accélérés sur toutes les étapes de la chaine de la valeur : production de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables ou faiblement carbonées, logistique de stockage et transport, conversion en énergie électrique. Les solutions technologiques portées par les champions industriels français et notre potentiel d’innovation sur la pile à combustible PEM, les réservoirs composites de stockage haute pression, l’électrolyse haute température va ainsi permettre de réduire l’empreinte carbone de plusieurs usages, dans l’industrie, la mobilité, et les réseaux gaz. Les progrès réalisés sur les électrolyseurs, permettent d’envisager des coûts compétitifs d’hydrogène renouvelable ou faiblement carboné avant 2035 et son utilisation à court et moyen terme sur des nouveaux marchés qui vont eux-mêmes soutenir le développement des énergies renouvelables dans une logique de cercle économique et environnemental vertueux. »
Les membres du groupe de travail
Gwenaelle Avice-Huet – Engie SA ; Marie Bayard-Lenoir – BW Ideol ; Daniel Bour – Générale du solaire ; Denis Bourene – Armor ; Jean-Marc Boursier – Suez ; Marianne Chami – CEA ; Rosaline Corinthien – Engie France renouvelables ; Mathilde Costes-Majorel – CEA ; Antoine de Chillaz – EDF renouvelables ; Paul de la Guérivière – BW Ideol ; Vianney de Lavernée – Engie France renouvelables ; Tiana Delhome – CEA ; Vincent Delporte – Ministère de la Transition écologique et solidaire ; Ignace de Prest – Sunna desig ; Alban d’Hautefeuille – Tota ; Noémie Flammarion – Suez ; Bruno Fyot – EDF renouvelables ; Carlotta Gentile Latino – EDF renouvelables ; Soizic Hemion – Engie France renouvelables ; Antoine Huard – Générale du solaire ; Vincent Jacques Le Seigneur – Observ’ER ; Mathieu Jamot – Kearney ; Aurélie Jardin – Schneider Electric ; Florence Lambert – CEA ; Charlotte Lampre – Suez ; Safia Limousin – Kearney ; Benoit Lombardet – Total ; Nicolas Maccioni – Akuo Energy ; Nicolas Ott – BCM Energy ; Olivier Paquier – Amundi ; Cédric Philibert – Sciences Po et Institut français des relations internationales (Ifri) ; Julien Pouget – Total ; Eric Scotto – Akuo Energy ; Tristan Zipfel – EDF renouvelables.
* : Olivier Paquier est actionnaire de JGPmedia, société éditrice du Journal du Grand Paris.