Avenir du périphérique : vers plus de liens, de nature et de proximité

En avril dernier, des ateliers territoriaux – organisés dans le cadre des Ateliers du périphérique et dont la restitution vient d’être publiée par l’Apur – ont été l’occasion de présenter les évolutions à venir en lien avec le périphérique. Trois invariants en ont émergé : plus de liens, de nature et de proximité. Retour sur ces ateliers avec les élus concernés.

Ces ateliers ont été organisés selon un découpage géographique en quatre secteurs, incluant Paris à chaque fois : sud-est (sur les territoires de Paris Est Marne & Bois et Grand-Orly Seine Bièvre), nord-est (Plaine Commune et Est Ensemble), nord-ouest (Paris Ouest La Défense et Boucle Nord de Seine) et sud-ouest (Vallée Sud Grand Paris et Grand Paris Seine Ouest).

Le périphérique n’appartient pas uniquement à Paris, mais s’intègre dans une dimension métropolitaine bien plus largement, a estimé David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge de la transformation de l’espace public, de la mobilité et des transports, en introduction du 5e atelier du périphérique, le 20 mai.

Territoire sud-est : l’enjeu des voies réservées

De la Porte de Gentilly à celle de Vincennes, l’avenir du périphérique touche profondément les élus val-de-marnais. Car « s’y rattachent des autoroutes urbaines qui convergent vers lui », note Hervé Gicquel, maire de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne). Sa ville est ainsi traversée par l’autoroute A4 et séparée de Paris par la vingtaine d’accès qui constitue l’échangeur de Bercy. A Gentilly, Patricia Tordjman n’est guère mieux servie : « Ma petite ville a une forme de cœur mais, enserré entre le périphérique et les deux bretelles de l’A6a et de l’A6b, ce cœur a du mal à respirer. Je suis donc très heureuse que ces ateliers se multiplient, réunissent autant de monde et mettent au jour la nécessité que ces voies qui ont tranché nos villes puissent, à un moment donné, être requalifiées ». Patricia Tordjman est par ailleurs conseillère métropolitaine déléguée aux autoroutes du futur. Hervé Gicquel est tout aussi impatient de voir la situation évoluer : « J’exige de la part de l’Etat qu’il porte des actions significatives pour pacifier ces axes  et éviter que les grands banlieusards ne viennent s’encastrer dans l’échangeur de l’A4 et le périphérique ».

D’ores et déjà, beaucoup de projets du secteur anticipent la transformation du périphérique. Dans le quartier de Bruneseau (Paris 13e arr.), où s’érigent déjà les tours Duo, toutes les futures constructions situées à proximité du boulevard permettront de créer des accès sur son tablier. A Charenton-le-Pont, l’ambitieux projet mixte d’aménagement de Charenton-Bercy mise aussi sur la création de voiries pacifiées, notamment la rue Baron le Roy, reliant les deux villes. « Et il serait incongru et inconcevable que l’autoroute A4, l’échangeur de Bercy et le périphérique demeurent en état sans être retraités », estime Hervé Gicquel.

Patricia Tordjman. © Jgp

A Gentilly, Patricia Tordjman nourrit depuis déjà plus de dix ans un projet de passerelle reliant les deux stations de RER B de Gentilly et de Cité Universitaire. Elle entend également expérimenter très prochainement la végétalisation « dépolluante » du mur anti-bruit qui sépare la rue gentiléenne longeant le périphérique. A moins que ce mur ne puisse être tout simplement abattu ! « En effet, chez nous cette artère se trouve au même niveau que la ville. Il est donc envisageable d’y accéder par des carrefours », explique-t-elle.

Son vœu le plus cher ? Utiliser une voie centrale du périphérique, qui servait jadis à amener le corps diplomatique vers Orly, pour la dédier aux transports en commun. « Car au sud, nous n’aurons pas de voies olympiques, mais nous espérons bien avoir des voies réservées. C’est une demande que nous portons avec Gentilly, Le Kremlin-Bicêtre et Charenton-le-Pont », enchaîne Clément Pecqueux, adjoint au maire d’Ivry-sur-Seine en charge de l’écologie urbaine et de la gestion de l’intercommunalité. « Il faudra cependant réfléchir à la façon dont les Ivryens accèdent à cette voie réservée ».

Autre point d’attention pour l’élu d’Ivry : il convient d’éviter que la pacification du périphérique n’entraîne un report du trafic, notamment logistique, vers les villes de première couronne. Mais à Ivry-sur-Seine, où une convention de partenariat a été signée avec Paris en 2019, la future pacification du périphérique rend également nécessaire de revisiter ses abords, aujourd’hui occupés par l’incinérateur du Syctom et l’usine de production de chaleur de la CPCU (compagnie parisienne de chauffage urbain). « Il est important de faire le lien entre le quartier de Bruneseau et celui d’Ivry-Port. Et, plus largement, de reconfigurer les portes d’Ivry et de Choisy », conclut l’adjoint du maire Philippe Bouyssou.

Territoire nord-est : convergence avec Paris

Mettre en commun les points de vigilance, les ambitions et les propositions de chaque territoire bordant le périphérique : « C’est cela qui est intéressant dans ces ateliers et le fait que la réflexion ne se limite pas à l’anneau urbain », signale Gaylord Le Chequer, premier premier adjoint au maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et conseiller territorial d’Est Ensemble. Il y a aussi « une vraie convergence politique avec la ville de Paris sur la nécessité de faire évoluer cet axe routier vers un axe plus apaisé », juge encore l’élu.

Une question qui se pose de façon particulièrement aigüe dans les « deux endroits très problématiques » de l’est parisien, poursuit Gaylord Le Chequer, que sont la Porte de la Chapelle et celle de Bagnolet, qui constituent chacune des nœuds autoroutiers : « on ne peut pas avancer sur l’apaisement de l’une sans avancer en même temps sur l’apaisement de l’autre, sinon on reportera le flux routier de l’une sur l’autre. » Par ailleurs, « on ne peut pas penser l’évolution du boulevard périphérique sans penser l’évolution de l’A86 qui sera le futur le grand périphérique », estime l’adjoint de Montreuil.

Porte de Bagnolet. © Jgp

Les portes de la Chapelle et de Bagnolet sont également deux sites où les enjeux de santé environnementale sont cruciaux. « La problématique majeure pour nous, c’est bien sûr la lutte contre les pollutions atmosphériques, mais également sonores et visuelles, a ainsi souligné Adel Ziane, vice-président chargé de l’aménagement et de l’urbanisme à Plaine Commune, lors de la séance de restitution des ateliers, le 20 mai dernier. Ce sont des taux de pollution parmi les plus élevés d’Ile-de-France sur notre territoire. L’enjeu majeur dans ces ateliers du périphérique est, pour nous, de reconquérir ces espaces publics qui sont aujourd’hui dévolus à la voiture, afin de remettre un peu d’humain au centre ».

Un objectif qui s’inscrit dans le travail mené en lien avec la mairie de Paris s’agissant des requalifications d’un certain nombre de portes : l’idée est ainsi de « traiter l’ensemble des points de jonction qui sont aujourd’hui problématiques », avait expliqué Stéphane Lecler, directeur de l’urbanisme de la ville de Paris, lors du premier atelier du 12 juillet 2019, citant le cas de la porte de Montreuil, « gigantesque échangeur autoroutier, cumulant les nuisances de divers types, avec une forte population de part et d’autre, des besoins sociaux très importants ». « Vous avez une image des Puces de Montreuil, un lieu d’attractivité métropolitaine aujourd’hui très peu qualifié. L’ambition que porte la ville de Paris, en lien avec les communes de Montreuil et Bagnolet, c’est de requalifier la porte, réduire les nuisances en couvrant l’anneau central du périphérique, créer un espace offrant de la végétalisation, un îlot de fraîcheur à l’échelle de toutes ces communes et un programme immobilier qui permettra d’intégrer les Puces dans des programmes de construction, avec une qualité urbaine et fonctionnelle beaucoup plus grande », avait détaillé Stéphane Lecler.

Gaylord Le Chequer se félicite pour sa part de l’ambition de renaturation du périphérique qui correspond à celle portée par Est Ensemble. Tout comme l’idée de travailler sur la bande de 500 m de part et d’autre de cette autoroute urbaine, dont l’un des avantages est d’effacer la frontière entre Paris et la banlieue. L’élu montreuillois prévient cependant contre le risque d’accélération de gentrification sur les territoires limitrophes de la Capitale, dont celui d’Est Ensemble : « il faut être vigilant face au risque de flambée des prix ». Avant de saluer la perspective du « très beau projet de transformation métropolitaine » offerte par le travail engagé.

Territoire nord-ouest : « Préserver la singularité de chaque lieu »

Tout l’intérêt de ces ateliers territoriaux est, selon Jean-Christophe Fromantin, « d’attirer l’attention sur des espaces bloquants répartis sur le périphérique, c’est-à-dire des espaces de fermeture plutôt que d’ouverture », estime le maire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Ce travail de réflexion sur la transformation du boulevard périphérique permet de voir comment débloquer ces situations sur toute une série de portes pour créer davantage de liant entre les villes de petite couronne et Paris.

Pour lui, « l’avenir du périphérique et celui de ces portes vont de pair ». Si on rend plus urbaines ces frontières qui marquent la césure entre Paris et le reste du monde, « le périphérique se justifie alors en boulevard urbain et non plus en anneau de desserte ».

« Quand je défends l’axe majeur des Tuileries à la Défense sur 6 km, je défends aussi un axe métropolitain attractif, séduisant, créatif… », détaille Jean-Christophe Fromantin, qui préconise de remettre l’ensemble de ces futurs axes à l’échelle d’un territoire qui « se métamorphose ». « On ne peut pas vouloir construire la métropole sans faire des boulevards urbains à l’aune de ces nouvelles échelles », argue l’élu. Le sujet renvoie aussi selon ce dernier à d’autres considérations comme la ZFE (zone à faibles émissions) ou l’intérieur de l’A86 qui « devient une aire urbaine nouvelle et assez cohérente ». Autant de « nœuds bloquants » dans cette nouvelle aire urbaine.

© Apur

Mais « il ne suffira pas de supprimer les ronds-points et de mettre des boulevards urbains en ligne directe comme on le fait avec les avenues Charles de Gaulle et de la Grande armée », poursuit-il. « Il faut penser un projet pour que chaque porte devienne un espace positif et pas un non-lieu ».

D’ailleurs, souligne le nouveau vice-président du département des Hauts-de-Seine en charge des infrastructures routières et navigables, « tous ceux qui collaborent à ce travail, le font à double titre : dans l’idée d’améliorer ce liant, cette porosité, mais aussi d’en faire un lieu nouveau ». Mais l’élu altoséquanais tient à préserver « la singularité de chaque lieu pour éviter d’avoir quelque chose de standard et rester en phase avec ce que l’on souhaite faire sur chacun de nos territoires ». Dès lors, chacune de ces portes ou frontières peut devenir « un lieu positif ». « La vision d’ensemble de la transformation du périphérique est certes importante, mais elle nous ramène à des projets particuliers à chaque fois », convient Jean-Christophe Fromantin.

Territoire sud-ouest : réduire la place des voitures

Au niveau de la Porte de Malakoff est prévu un important projet d’aménagement avec la destruction de la tour de l’Insee à la place de laquelle s’installera le ministère des affaires sociales. Différents équipements y sont également programmés mais pas de logements. En effet, la couverture du périphérique s’arrête à ce niveau et une importante pollution en ressort. La maire a toutefois cessé de promettre l’impossible extension de celle-ci. « Lors de la campagne de l’an dernier, je me suis engagée dans l’évolution vers un boulevard urbain, afin de diminuer la place de la voiture », souligne Jacqueline Belhomme. Le déplacement de l’école située à l’extrémité du tunnel est aussi programmée.

Les abords du boulevard comptent parmi les taux de pollution parmi les plus élevés d’Ile-de-France. © Jgp

Au-delà de l’amélioration plus générale de l’offre de transport en commun, l’élue souhaite sur ce site le développement de pistes cyclables, de voies dédiées au bus ou au covoiturage et une diminution du transit de camion. « Cela va dans le sens de la zone à faibles émissions (ZFE), c’est le sens de l’histoire, estime la maire. Il y a de très belles choses réalisables comme végétaliser les talus du périphérique, construire des bâtiments. Il faut le faire vivre pour en faire un axe intéressant. » La fermeture d’une bretelle du périphérique au niveau de Malakoff doit aussi limiter le trafic dans la commune.

« Les annonces assez récentes de la maire de Paris parlant de créer sur le périphérique des espaces boisés, de donner davantage de nature, nous conviennent parfaitement », notamment s’agissant des espaces entre les portes de Vanves, Brancion et de la Plaine, a affirmé Bernard Gauducheau, maire de Vanves, lors du 5e atelier en mai dernier. Dans cette commune, deux projets significatifs sont signalés : la requalification d’un ensemble immobilier, baptisé « Mata capital », sur un linéaire de 170 m, destiné à évoluer en trois bâtiments de bureaux avec des commerces en rez-de-chaussée, et l’opération de Woodeum lauréate d’« Inventons la métropole », qui prévoit la construction d’une résidence étudiante, d’un foyer de jeunes travailleurs et d’un espace sportif au-dessus du périphérique.

« Je suis satisfaite de la démarche des Ateliers du périphérique, observe Jacqueline Belhomme. Un “livre blanc” c’est bien, mais il faut que ces projets se réalisent et soient financés. On ne peut plus se permettre de dire aux habitants d’attendre, il faut vraiment se mettre dans l’action. » Dans ce cadre, « beaucoup ont pris conscience de l’intérêt de donner une nouvelle vie à ces espaces du périphérique », relevait quant à lui Bernard Gauducheau.

Retrouvez les restitutions des Ateliers du périphérique sur le site de l’Apur
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