Assises du Grand Paris (9) – L’eau au cœur des préoccupations

Baignabilité, baisse des étiages des fleuves, pénurie… Face aux effets du réchauffement climatique, les problématiques liées à l’eau occupent une place essentielle dans les stratégies de développement des grandes agglomérations mondiales, et Paris ne fait pas exception. Car si la Seine constitue une ressource précieuse, elle revêt une certaine fragilité. Des enjeux discutés par les syndicats des eaux franciliens et la métropole du Grand Paris, réunis jeudi 1er juin 2023 pour la dernière table ronde du cycle de matinales des Assises du Grand Paris.

Ultime étape avant les Assises du Grand Paris et la présentation des recommandations et engagements des opérateurs sur les enjeux phares du Grand Paris, la neuvième table ronde s’articulait autour des problématiques liées à l’eau dans un contexte d’urgence climatique. Si les événements de stress hydrique survenus au Cap (Afrique du Sud) ou plus récemment à Casablanca (Maroc) paraissent lointains vu de Paris, ils ont révélé l’ampleur des effets que pourrait produire l’interruption de la distribution d’eau dans une grande agglomération mondiale, à l’heure où les épisodes de sécheresse s’avèrent de plus en plus longs et intenses. Expert indépendant, Michel Vialatte dramatise la question à bon escient pour souligner les enjeux de l’eau, au cœur des préoccupations de toute stratégie de développement d’une métropole. Et si comparaison n’est pas raison, l’aire parisienne ne fait plus exception aux contraintes que va générer le changement climatique.

De g. à dr. : Michel Vialatte, expert indépendant, Nathalie Van Schoor, directrice générale adjointe de la métropole du Grand Paris, Jacques Paquier, directeur de la rédaction du Journal du Grand Paris, Vincent Rocher, directeur innovation du Siaap, et Véronique Heim, directrice études et prospective du Sedif. © Anh de France

« La Seine et ses affluents représentent un patrimoine hydrique précieux, un gisement majeur pour la production d’eau potable. Ces ressources sont aussi le réceptacle naturel de dizaines de millions de m3 d’eaux usées recyclées par les stations d’épuration. Le plus souvent paisible, le cours d’eau devient parfois menaçant : demain, la gestion d’étiage sévère constituera une autre réalité de la Gemapi », prévient-il en introduction des débats. Un étiage sévère qui pourrait notamment conduire à une interruption du trafic fluvial sur certaines parties du fleuve. Explicitement évoqué par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, le scénario prévoyant quatre degrés supplémentaires à horizon 2100 représente en effet une menace grave pour les cours d’eau franciliens.

Michel Vialatte © Anh de France

« Les simulations réalisées jusqu’à présent chiffraient à 30 % la baisse globale du volume d’eau dans les cours d’eau franciliens en 2070. Or, elles se basaient sur un réchauffement inférieur à quatre degrés ! », rappelle Michel Vialatte. L’accélération du processus de réchauffement climatique pose donc de nombreuses questions : « Pourra-t-on maintenir le même niveau de rejet d’eaux usées recyclées ? Les prélèvements effectués en aval par les unités de production d’eau potable pourront-ils être garantis ? Les process de traitement, de potabilisation de l’eau devront-ils être adaptés ? La baignabilité en Seine, objectif 2024, sera-t-elle remise en cause ? Quid des lacs réservoirs ? », interroge l’expert.

Le caractère fragile du fleuve francilien

En se penchant sur ces problématiques, force est de constater que l’Ile-de-France présente des caractéristiques qui lui confèrent une certaine fragilité. « Le débit médian de la Seine est relativement faible : 300 m3 par seconde pour 10 millions de personnes environ. A titre de comparaison, le Rhône est à plus de 1 000 m3 par seconde alors que l’agglomération lyonnaise regroupe 1,5 million d’habitants », indique Vincent Rocher, directeur innovation du Siaap (Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne).

Vincent Rocher © Anh de France

Une situation atypique et révélatrice de la pression exercée par la ville sur la rivière. L’étiage constitue ainsi le sujet principal sur lequel travailler. Et le réchauffement climatique n’arrange rien : « Quand les débits sont faibles et l’air chaud, l’eau se réchauffe aussi et l’on se retrouve avec une sorte de bouillon de culture hyper-réactif », note Vincent Rocher.

Mais que faire ? « En premier lieu, ne pas paniquer. Le pire n’est jamais certain, bien que le stress hydrique doive être sérieusement pris en compte. Ce qui a été fait ces dernières années va dans le bon sens : des ouvrages de rétention sont construits, on travaille aussi sur l’amont… Toutes ces actions aujourd’hui conduites visent à limiter les apports d’eaux partiellement traitées dans la rivière. » Si les effets néfastes peuvent être atténués, il convient de préparer l’adaptation. Et de l’avis des acteurs, celle-ci dépend du mode de gestion : le système d’assainissement francilien se devrait ainsi d’être géré à l’échelle du réseau, de la station et de la rivière. « Nous devons ajuster en temps réel le fonctionnement de nos systèmes d’assainissement à ce qu’est capable de supporter la rivière. Un champ important d’innovation s’ouvre devant nous pour doter les organismes d’outils de gestion adaptés », souligne Vincent Rocher.

 

Se prémunir d’une pénurie en eau

Pour le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), qui puise 97 % de ses eaux dans la Seine, les installations ont vocation à être pérennisées afin de permettre de relever l’ensemble des défis soulevés par le changement climatique. Mais pour ce faire, explique Véronique Heim, directrice études et prospective du Sedif, les acteurs de l’eau ne doivent pas travailler en silo. « L’idée est de réfléchir à l’échelle de la région à une mutualisation des moyens de production. »

Véronique Heim. © Anh de France

Ainsi, le syndicat s’associe à la vaste étude prospective lancée tout récemment par l’OCDE, la métropole du Grand Paris, l’établissement public territorial de bassin Seine grands lacs et la ville de Paris à propos de la résilience face au changement climatique et ses effets en matière d’eau potable. L’objectif ? Réfléchir aux impacts possibles d’une pénurie en eau et définir les actions concrètes pour s’en prémunir. « La MGP travaille sur la raréfaction de l’eau et sur la gouvernance autour de cette question. Il y a une volonté de mettre tous les acteurs autour de la table et de les activer. Un modèle économique est également à imaginer quant à l’impact de cette raréfaction de l’eau, en se comparant à des métropoles étrangères rencontrant les mêmes problématiques. L’ensemble des acteurs seront entendus et les premiers résultats devraient arriver en 2024 », affirme Nathalie Van Schoor, directrice générale adjointe de la métropole du Grand Paris. « La Métropole travaille aussi sur les réservoirs, les zones d’expansion de crue, le casier-pilote pour réguler les inondations… »

Nathalie Van Schoor. © Anh de France

La baignabilité figure également au nombre des enjeux : « 16 villes franciliennes sont candidates à la baignade dans le cadre des JOP. Il s’agira par la suite de conserver ces zones en héritage ». Sur cette question, selon le Siaap, des leviers doivent être activés : l’amélioration de l’efficacité des filières de traitement, la réduction des apports directs par la construction d’ouvrages de stockage complémentaires (à l’instar du bassin d’Austerlitz) mais également la diminution au maximum de rejets directs, « tous ces mauvais branchements assez nombreux conduisant des eaux usées à être rejetées directement dans la rivière ». Si l’eau demeure un enjeu de taille auquel les métropoles mondiales se doivent de trouver des réponses, la bonne nouvelle de la matinée revient à Michel Vialatte : « La métropole du Grand Paris a cette capacité d’ingénierie et donc d’anticipation des phénomènes que nous connaîtrons inexorablement. »

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